Désherbage des céréales
L’exemple, à ne pas suivre, des Britanniques

L’Angleterre a perdu l’homologation de l’isoproturon il y a déjà quelques années, ce qui n’a pas aidé à résoudre les problèmes de vulpin. Chez nous, il sera interdit à partir du 30 septembre. (©Terre-net Média)
L’Angleterre a perdu l’homologation de l’isoproturon il y a déjà quelques années, ce qui n’a pas aidé à résoudre les problèmes de vulpin. Chez nous, il sera interdit à partir du 30 septembre. (©Terre-net Média)

Vulpin dans parcelle de blé.
L’Angleterre a perdu l’homologation de l’isoproturon il y a déjà quelques années, ce qui n’a pas aidé à résoudre les problèmes de vulpin. Chez nous, il sera interdit à partir du 30 septembre. (©Terre-net Média)

Terre-net Média (TNM) : Le cas britannique est souvent évoqué pour sensibiliser les agriculteurs français au développement de résistances chez les adventices. Est-ce vraiment justifié ?

Fabien Massot (FM) : Oui, évidemment. À tel point que cela revient à employer la stratégie de la peur. Nous voulons ainsi inciter les Français à remettre en question leurs pratiques de désherbage pour leur éviter de suivre le même chemin. Tout le territoire britannique est concerné par les phénomènes de résistance. Cependant, le contexte est un peu différent du nôtre. Les systèmes les plus répandus se définissent par des rotations très courtes, des surfaces assez grandes et des techniques de travail du sol simplifiées, le tout induisant une pression de sélection très forte des adventices.

La résistance du vulpin qui en a découlé est quasiment l’unique problématique des Britanniques mais elle est généralisée. Pour s’en sortir, les exploitants se sont entièrement reposés sur la chimie. Ils ont usé et abusé des produits inhibiteurs de l’ALS (sulfonylurées antigraminées) et de l’ACCase sans pour autant venir à bout de l’infestation. Si bien que les résistances aux herbicides dégradent la valeur des terres et ont donc un impact sur le prix du foncier agricole !

Fabien Massot, Syngenta.
« La majorité d'agriculteurs satisfaits de l’efficacité de leur désherbage constituent notre cible principale en matière de prévention », Fabien Massot. (©Syngenta)

TNM : Devons-nous craindre d’en arriver aux mêmes extrémités ?

FM : En France, le rythme de développement des résistances chez les graminées est assez similaire à ce qu’a connu le Royaume-Uni. Mais nous rencontrons aussi des difficultés en ray-grass et folle avoine. Comme les Britanniques, nous avons découvert des dicotylédones résistantes mais pour l’instant, elles sont bien gérées. Et nos structures d’exploitation et techniques culturales suivent la même tendance de simplification et d’agrandissement. Toutefois, difficile de savoir quand nous nous retrouverons dans la même situation que les Anglais.

Quant au désherbage, nos enquêtes indiquent 60 % de satisfaction chez les céréaliers en 2016 (75 % en 2015) sachant que la majorité d’entre eux se contentent d’un passage en sortie d’hiver, toujours avec le même mode d’action, pour un coût moyen de 55 €/ha (contre 71 €/ha toutes stratégies confondues). Nous sommes donc encore loin des 200 €/ha dépensés par nos voisins d’outre-Manche ou de leurs 1 000 vulpins/m², même si de tels niveaux ont déjà été observés dans les parcelles françaises. 

TNM : Où en sommes-nous actuellement ?

FM : 15 à 20 % de la sole céréalière est confrontée à d’importants problèmes de résistance et les exploitants ont recours à des méthodes drastiques. Ils allongent la rotation avec une nouvelle culture afin d’utiliser d’autres modes d’action herbicides, voire avec une espèce de printemps pour, en plus, casser les cycles des mauvaises herbes. Ils font des faux semis ou réintroduisent le labour, décalent leurs dates de semis, ou adoptent un programme de désherbage avec un ou deux passages à l’automne. 

Cependant, la majorité des agriculteurs satisfaits de l’efficacité de leur désherbage constituent notre cible principale en matière de prévention. Parce qu’ils emploient chaque année le même mode d’action, et puisqu’aucune nouvelle substance active antigraminées n’est attendue dans les 5 à 10 ans, ce sont les plus vulnérables.

Habitudes de désherbage en France.

TNM : Comment pensez-vous convaincre des producteurs, qui n’ont pas de souci, à changer leurs habitudes ?

FM : Ce n’est pas simple, mais c’est tout l’enjeu de notre méthode triple A : agronomie, automne, association de produits. La pérennité des inhibiteurs de l’ALS et de l’ACCase est un objectif commun à toute la profession. Ces deux modes d’action sont en effet les plus efficaces et les plus rentables, mais également les plus exposés au risque de résistance. Nous proposons, dans ce cadre, deux stratégies de désherbage. 

La première consiste à réaliser un traitement à l’automne, en plus de celui de printemps. Avec un gain de rendement de 15 q/ha, l’intérêt est évident. À 140 € la tonne de blé, cela représente un bénéfice de 210 €/ha, soit 164 € net/ha en enlevant les 46 €/ha que coûte en moyenne ce passage supplémentaire. Par contre, ce choix impose un changement radical alors qu’aujourd’hui en France, la moitié des hectares de céréales ne sont pas désherbés avant l’hiver. Toutes les alternatives techniques aux deux molécules les plus courantes, donc, je le rappelle, les plus sujettes aux résistances, ont un mode d’action racinaire et/ou antigerminatif et se positionnent à l’automne en pré ou postlevée précoce de la culture (1 à 3 feuilles). Leur efficacité n’atteint pas 100 % contrairement aux produits systémiques de sortie d’hiver qui, eux, agissent en plus à vue.

Deux inconvénients qui ne favorisent pas l’adoption de ces programmes. Autre possibilité pour les moins enclins à intervenir dès l’automne : associer, en sortie d’hiver, deux molécules aux modes d’action différents – le pinoxaden d’Axial Pratic (inhibiteur de l’ACCase) et une sulfonylurée antigraminées (inhibiteur de l’ALS) – par exemple pour un spectre plus large et une meilleure souplesse d’emploi.

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