Les expériences menées en France sur des rats ont montré que ceux qui ont consommé du maïs avec des organismes génétiquement modifiés ont deux à trois fois plus de tumeurs que les autres. Mais pour le Haut conseil des biotechnologies, l'article du Pr Séralini n'était "pas conclusif".

SANTE - L'étude des conséquences sur la santé des produits OGM, dont le maïs, fait s'opposer les chercheurs.

L'Express

Un pavé dans le champ de maïs. Une étude menée par une équipe de scientifiques français relance le débat sur les conséquences sur la santé des OGM. Des tests sur des rats montrent que la santé de ceux qui ont consommé du maïs génétiquement modifié, même à petite dose, se déteriore plus vite que celle des animaux qui n'en ont pas ingérés. Retour sur les questions que posent cette étude.

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>> Lire l'interview du co-directeur de l'étude: "On n'aurait jamais imaginé qu'il y aurait autant de tumeurs"

Que dit l'étude?

Elle révèle que même à faible dose, les OGM seraient très toxiques pour la santé. Pour parvenir à une telle conclusion, des universitaires de Caen ont nourri pendant deux ans un groupe de rats avec du maïs génétiquement modifié, le NK603 produit par la firme Monsanto. Parallèlement, ils ont donné à un autre groupe de l'eau diluée avec de faibles doses Roundup, l'herbicide le plus utilisé au monde, également produit par Monsanto. Les résultats sont édifiants: les femelles ont deux à trois fois plus de tumeurs, notamment mammaires, que les rats témoins. Le taux de mortalité est également deux à trois fois plus élevé.

Qui est Gilles-Eric Séralini, l'auteur de l'étude?

Gilles-Eric Séralini, professeurs en biologie moléculaire et coordinateur de l'étude, n'en est pas à son premier coup d'éclat. Il s'intéresse aux effets sur la santé des OGM depuis 1997 et est le fondateur avec Corinne Lepage, du Criigen, le Comité de recherche et d'informations indépendantes sur le génie génétique. Il a écrit plusieurs études sur les conséquences sur la santé des cultures transgéniques. Mais comme dans tous les débats passionnels, les partisans des deux camps s'accusent mutuellement de militantisme et de désinformation. D'autant qu'une large partie de la communauté scientifique est plutôt favorable aux OGM.

En 2010, Marc Fellous, alors président de la Commission du génie biomoléculaire - à laquelle appartient également Séralini, l'avait accusé d'être un "marchant de peur". D'autres critiquent les méthodes de ce professeur en biologie moléculaire. "Il manque des données chiffrées sur les tumeurs et les analyses biochimiques, mais aussi sur le régime alimentaire et l'historique de la souche de rats utilisée", s'emporte dans le Figaro le toxicologue Gérard Pascal, connu pour ses positions pro-OGM. Le professeur Pagès, membre du Haut conseil des biotechnologies, s'est quant à lui insurgé contre ses méthodes de communication et "l'exploitation tout sauf scientifique des photos".

Cette étude est-elle la première du genre?

Selon les auteurs de l'étude, jamais une expérimentation aussi poussée n'a été menée. "Le crime, c'est que ça n'ait pas été testé avant, que les autorités sanitaires n'aient pas exigé des tests plus longs alors qu'on est à 15 ans de commercialisation des OGM dans le monde", déclarait mardi son auteur, Gilles-Eric Séralini. En cause, selon lui, la puissance des lobbys pro-OGM, à l'instar de Monsanto, qui empêchait ce type d'expérimentation.

Faux, rétorquent ses opposants: plusieurs longues études, dont les conclusions étaient largement moins alarmantes, ont été menées bien avant celle du Criigen. Si Joël Spiroux concède que des expérimentations, notamment sur les cochons, ont duré plusieurs années, elles portaient, selon lui, sur des sujets très différents: "Ces tests portaient sur les conséquences nutritionnelles des OGM: les chercheurs vérifiaient que les animaux grossissaient bien, qu'ils n'avaient pas de troubles alimentaires et qu'ils ne perdaient pas leurs poils.... Mais en aucun cas, ils ne se sont penchés sur la toxicité pour la santé de ces produits. D'autre part, il faut bien comprendre, que deux ans dans la vie d'un cochon, c'est peu alors que cela couvre la vie entière d'un rat."

Quelles suites pour cette étude?

Paris et Bruxelles ont saisi leurs autorités sanitaires respectives. La Commission européenne a annoncé le gel de l'examen de la demande de renouvellement de l'autorisation de culture accordée à Monsanto pour un autre OGM, le MON 810, en attendant l'avis de l'Agence européenne de sécurité des aliments (EFSA) sur l'étude.

En France, le gouvernement a saisi le Haut conseil des biotechnologies pour se prononcer sur la validité de cette expérimentation. Si les résultats de ces recherches sont avérés, le Premier ministre a indiqué que la France défendrait au niveau européen l'interdiction de ces OGM. Le professeur Séralini sera également bientôt auditionné par l'Assemblée nationale.

La France est-elle concernée par les cultures OGM?

Hormis quelques expérimentations scientifiques, la culture des OGM est interdite en France. Cette question est un sujet récurrent de tensions entre le gouvernement et l'Union Européenne. En septembre 2011, l'UE estimait que les règles communautaires étaient bafouées et demandaient à la France d'autoriser les cultures OGM. Mais le gouvernement a refusé de s'y plier, arguant une mesure conservatoire "d'interdiction temporaire".

Mais ce principe de précaution ne s'applique pas forcément jusque dans nos assiettes. La règlementation européenne autorise l'importation d'un certain nombre d'OGM. On les retrouve notamment dans les produits à base de farine de maïs ou d'huile de soja, comme les biscuits, les sauces, les corn-flakes... Les fabricants sont obligés de signaler leur présence sur le paquet lorsqu'ils contiennent plus de 0,9% d'OGM. Mais le danger est majoritairement indirect: la loi française n'interdit en effet pas de nourrir le bétail avec des farines contenant des OGM. Des traces peuvent donc se trouver dans la viande, les oeufs, le fromage...

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