Des réchauffements répétitifs sans CO2 ?

par Prof. Dr. Paul Berth (1) et Prof. Dr. Alain Préat (2)
1. Faculté des Sciences, Université Européenne
2. Faculté des Sciences, Université Libre de Bruxelles

Depuis le début des mesures thermométriques directes, les 4 principales séries de température  que nous possédons (thermomètres terrestres et satellites) nous montrent que la température globale de la basse troposphère a augmenté de ± 0,8°C en 138 ans (entre 1880 et 2018). Cela correspond à ± 0,28°C en 50 ans soit 0,006°C/an (actuellement environ 0,01°C/an pour les 30 dernières années). Les médias nous rappellent chaque jour que cette hausse est exceptionnelle et que le CO2 anthropique en est à l’origine, c’est-à-dire est le grand coupable suivant la terminologie consacrée.

Mais cette vitesse d’augmentation de la température, est-elle vraiment exceptionnelle? Dans les lignes qui suivent, nous allons vous démontrer qu’il n’en est rien. Au cours de la dernière période glaciaire, alors que l’espèce humaine existait déjà, la température moyenne a parfois augmenté à une vitesse vingt fois plus élevée, et ce à de nombreuses reprises. Ces phénomènes particuliers, qui n’ont pas fait disparaître la vie sur Terre, et que nous vous avions déjà mentionnés sur SCE (ici), sont appelés évènements de Dansgaard-Oeschger ou ‘DO’ (des noms des deux scientifiques -danois et suisse-  qui furent les premiers à les mettre en évidence) et sont reconnus par le GIEC. Comme nous allons vous le montrer dans le présent article, le taux de CO2 n’aurait qu’un rôle mineur dans ces évènements.

1. Présentation des événements de Dansgaard-Oeschger (DO)

Selon un article récent de Li et Born (2019), les événements DO sont des fluctuations climatiques brusques qui ont ponctué la dernière période glaciaire (qui commence il y a environ 110 000 ans et se termine il y a environ 10 000 ans) et qui ont modifié le climat à l’échelle globale (Figure 1). L’espèce Homo sapiens existait déjà car elle est apparue il y a environ 300 000 ans (Hublin et al. 2017). Comme illustré sur la Figure 2, ces événements se sont essentiellement concentrés au cours de la période s’étendant de 57 à 29 ka [ka = milliers d’années] (recouvrant l’étage ou le stade isotopique MIS3 de la chronologie isotopique MIS). Durant cette période, une grande partie de l’Amérique du Nord et de l’Eurasie ainsi que du Groenland et de l’Antarctique était recouverte de glaces. Dans le détail, le Glaciaire sensu stricto démarre par à-coups successifs et peut être découpé selon les stades isotopiques marins, commençant très tôt sur la côte ouest Atlantique Nord (vers 117 ka), et plus tardivement sur la Scandinavie (vers 110 ka) (Van Vliet-Lanoë, 2013). Rappelons que ce Glaciaire fait suite à la dernière période chaude, ou interglaciaire Eémien (130-110 ka) qui fut particulièrement chaud et instable avec notamment un niveau marin 5 à 6 m au-dessus de l’actuel. Au cours du dernier Glaciaire, de nombreuses périodes de réchauffement extrême avec des hausses de plus de 8°C en 40-50 ans se sont produites! Au moins une dizaine de ces évènements de réchauffement extrême se sont produits au cours de cette période du Paléolithique, avec un taux de CO2 atmosphérique peu élevé (190 à 220 ppm). Ces événements (au nombre de 25 si l’on remonte jusqu’à 115 ka) présentent des durées comprises entre 500 et 2500 ans (pouvant parfois aller jusqu’à 4500 ans) et un profil de température asymétrique avec un rapide réchauffement et un lent refroidissement (voir Figure 2 ci-dessous).

Figure 1. Stratigraphie isotopique de l’oxygène à partir des glaces du forage GRIP (Groenland).
En ordonnée valeurs du δ
18O en ‰ et en abscisse profondeur en mètres du forage (Cronin, 2010). Les compositions isotopiques de l’oxygène sont un indicateur de la température. La figure montre de manière très claire que l’interglaciaire actuel (Holocène, moitié gauche du graphique) est caractérisé par des fluctuations thermiques de faible amplitude (si l’on excepté un épisode plus froid vers 8,2 ka) alors que le Dernier Glaciaire (moitié droite du graphique) montre des changements climatiques fréquents, rapides et de grandes amplitudes (de 8°C à 16°C suivant les δ18O) enregistrés pas les événements ou ‘cycles’ DO (Dansgaard-Oeschger events). Nb: YD pour Younger Dryas, correspondant à un refroidissement il y a 12800 ans BP (non discuté dans cet article).




Figure 2. Événements de Dansgaard-Oeschger et enregistrement de la composition isotopique de l’oxygène (δ18O) de la carotte de glace NGRIP du Groenland (Andersen et al. 2004), en milliers d’années avant l’époque actuelle. La composition isotopique de l’oxygène reflète la température. La carotte de glace provient du Groenland (75.10°N; 42.32°W) à 2917 m d’altitude. La barre orange horizontale représente la chronologie isotopique MIS (MIS = Marine Isotopic Stage). Les événements DO sont représentés par les chiffres bleus. Le dernier maximum glaciaire (LGM) et la transition Bølling-Allerød /Younger-Dryas (BA/YD) sont indiqués et associés aux MIS2 et MIS1 (non discutés ici). Source : Li & Born (2019). Nb : Une chronologie de ces événements  (notés A1-A12, corrélations notamment basées sur les isotopes du béryllium) a également été établie pour l’Antarctique (Epica Community Members, 2006) et montre que ces événements sont décalés de 1500 à 3000 ans entre les deux hémisphères (Cronin, 2010).
NB: 25 cycles DO sont répertoriés (si l’on remonte jusqu’à 115 ka). Egalement datation AD en abscisse.

Les événements DO sont les mieux documentés dans les glaces du Groenland où ils représentent des sauts de température de 8–16°C (déduits des isotopes de l’oxygène, Allay, 2014; Li & Born 2019). Dans l’ensemble de l’Atlantique Nord, les observations suggèrent des températures océaniques plus chaudes, peu de glace de mer et une chute de la salinité de surface dans les gyres subtropicales. Ces évènements ont une durée de l’ordre du millénaire (voir plus loin), et les transitions sont particulièrement rapides, se déclenchant toujours en une dizaine d’années ou moins. Les proxies révèlent que les évènements DO s’étendent à l’ensemble de l’Hémisphère Nord mais aussi à celui du Sud avec un décalage temporel. Les corrélations (sur base isotopiques) montrent en effet que les périodes de réchauffements durables de l’Hémisphère Nord (Groenland, DO 8 et 12 entre 45 et 36 ka  BP [BP = Before Present, c’est-à-dire avant 1950]) sont en retard de 2-3 ka par rapport à leurs homologues de l’Antarctique. En moyenne le changement climatique de l’Antarctique devance celui du Groenland de 1±2,5 ka sur la période 47±23 ka BP (Blunier et al., 1998). Ce phénomène diachronique correspond à un système de bascule bipolaire (ou ‘bipolar seesaw’) défini par Broecker, 1994). Les événements DO sont enregistrés à l’échelle globale aussi bien dans les carottes de glace que dans les sédiments marins, mais également dans les spéléothèmes (Wang et al., 2001), les dépôts loessiques (Van Vliet-Lanoë, 2013) et les lacs profonds (Gradstein et al., 2016). Pour être complet signalons également un type d’événements supplémentaires, à savoir les événements de Heinrich. (voir plus loin, Figure 4). Nous ne les discuterons pas ici, mais un événement de Heinrich clôt une série d’interstades DO d’intensité croissante et se traduit par un effondrement en cascade de toutes les calottes de glace autour de l’Atlantique Nord avec un vêlage accru d’icebergs (Van Vliet-Lanoë, 2013). La conséquence directe de ces débâcles d’icebergs est un ralentissement marqué de la circulation thermohaline et un refroidissement climatique dans l’Hémisphère Nord (Bender, 2013).

2. Processus impliqués dans les événements de Dansgaard-Oeschger

La cause des événements DO reste encore mystérieuse et de nombreuses hypothèses ont été proposées. Mais ce sont Broecker et al. (1985) qui furent les premiers à avancer une explication, principalement sur base de processus océaniques : ces événements seraient le résultat d’une variabilité de la circulation thermohaline Nord Atlantique, également appelé circulation AMOC (Atlantic Meridional Overturning Circulation, Figure 3). Cette idée provient de l’observation d’une bistabilité (i.e., le fait d’avoir deux états d’équilibre stables possibles = ‘bipolar seesaw’) dans le modèle en boîtes de Stommel (1961) ainsi que dans les premiers modèles climatiques (Manabe et Stouffer, 1988). Remarquons que les modèles en boîtes sont des versions simplifiées de systèmes complexes, les réduisant à des boîtes (ou réservoirs) liées par des flux. Cette  bistabilité à l’échelle globale résulte ainsi d’un forçage semi-périodique en eau douce qui peut sous certaines conditions reproduire des fluctuations ressemblant aux événements observés (Gaonopolski et Rahmstorf, 2002). Restera ensuite d’essayer de déterminer la cause de ce forçage (voir plus loin).

Figure 3. Carte topographique des mers nordiques et des bassins sous-polaires avec circulation schématique des courants marins de surface (courbes solides) et des courants profonds (courbes en pointillés) qui forment une partie de la circulation AMOC. Les couleurs des courbes ou ‘rubans’ indiquent les températures approximatives de froid (couleurs bleutées, à gauche sur l’échelle des couleurs) à chaud (couleurs orangées/rouges sur l’échelle). Source : ici.

Une forte circulation AMOC signifie un plus grand transport ou transfert de chaleur vers le nord par l’océan, ce qui réchauffe le climat nordique, tandis qu’une faible circulation AMOC induit un fort ralentissement de transport de chaleur vers le nord, ce qui provoque un refroidissement de la circulation (Clark et al., 2002; Rahmstorf, 2002, Bender, 2013).

Selon Li et Born (2019) et de nombreux autres auteurs (non repris ici), les évènements DO ne sont pas simplement causés par les mouvements d’un courant marin comme suggéré initialement par Broecker et al. (1985). La présence de glaces, d’eau douce et l’état de l’atmosphère (surtout les vents) sont également des paramètres importants. En fait il s’agirait d’une oscillation « spontanée » du système couplé atmosphère-glace-océan comprenant l’Atlantique Nord, les mers nordiques et l’Arctique. Cette hypothèse est soutenue par des observations et des simulations basées sur des modèles climatiques qui montrent que la région océanique polaire est une zone clé où des systèmes de vents vigoureux rencontrent la banquise. C’est là également que l’on rencontre les courants marins les plus variables de l’Atlantique Nord, avec des courants de convection possibles vers les profondeurs océaniques. Li et Born (2019) soutiennent donc que, dans ces conditions particulières, tous les composants peuvent interagir pour produire des événements DO. Le mécanisme détaillé du fonctionnement des cycles DO peut être consulté dans Sessford et al. (2019) (voir plus loin également).

3. Le taux de CO2 atmosphérique pendant les évènements DO

Les microbulles emprisonnées dans les carottes de glace peuvent nous renseigner sur le taux de CO2 (et de CH4) pendant les évènements DO. Nous allons voir que les carottes de glace du Nord et du Sud ne produisent pas les mêmes résultats.

Les carottes de glace des stations antarctiques, par exemple la station Byrd, nous montrent que le taux de CO2 de l’Hémisphère Sud au cours des évènements DO était plus faible qu’aujourd’hui et oscillait entre 200 et 220 ppm (Figures 4 et 5, courbe grise). Le taux de CO2  en Antarctique était parfois stable au cours des évènements DO de courte durée (début DO n°13 et DO n°9), voire décroissant (par exemple DO n°11 et n°10, Figure 4). Ce n’est qu’au cours des évènements DO de longue durée (par exemple DO n°12 et n°8) que le CO2 antarctique s’élevait légèrement pour atteindre 220 ppm (Figure 5). On peut conclure ici que si l’on se base sur les données antarctiques, il est clair que le taux de CO2 ne peut pas être la cause des évènements DO, particulièrement  pour les évènements courts.

Figure 4. D’après Ahn et Brook (2008). (A) proxy de température du Groenland (δ18O de la glace), les chiffres rouges donnent le numéros des évènements DO. (B) proxy de température de la station Byrd en Antarctique (δ18O de la glace). (C) Taux de CO2 atmosphérique en ppm; carottes de glace de Byrd, Taylor Dome et EPICA Dome C. (D) Taux de méthane au Groenland et à la station Byrd. Les barres bleues représentent les évènements de Heinrich (ici H3 à H6). Le taux de CO2 atmosphérique Antarctique pendant les évènements DO de la période MIS3 était inférieur à 220 ppm (actuellement il est de 410 ppm). Certains des évènements DO se sont produits alors que le taux de CO2 en Antarctique était croissant (pendant les évènements DO n°4, 9, 13, 15, 18) mais plusieurs autres évènements DO se sont produits alors que le taux de CO2 atmosphérique toujours en Antarctique était stable ou même décroissant. Par exemple, entre 38 et 30 ka (évènements DO n°5, 6, 7, 8), entre 45 et 40 ka (évènements DO n°10, 11, 12), entre 52 et 47 ka (évènements DO n°13 et 14) et entre 58 et 54 ka (évènements DO n°16 et 17).
Figure 5. Température et CO2 dans les carottes de glace pendant quelques évènements DO. En rouge, anomalie de température (°C) pour la carotte GISP2 (Groenland); en bleu, taux de CO2 pour la carotte GISP2 (Groenland); en vert, taux de CO2 pour la carotte GRIP (Groenland); en gris, taux de CO2 antarctique (station Byrd). Les chiffres indiquent les numéros des évènements DO. Source : R. Hannon (ici).

Voyons maintenant le taux de CO2 dans les carottes de glace du Groenland (Figure 5, courbes bleues et vertes). Il faut savoir que ces carottes ne sont pas les préférées des paléo-climatologues. En effet, elles ne permettent pas de remonter aussi loin dans le passé que les carottes du sud et comportent des impuretés (surtout carbonatées) qui faussent le signal. Le taux de CO2 mesuré est indiqué en Figure 5 pour deux zones des carottes GISP2 et GRIP du Groenland et une zone en Antarctique. Nous pouvons voir que ce taux  semble avoir varié de manière beaucoup plus importante, entre 180 et 300 ppm, par rapport à l’Antarctique. De telles augmentations (ca. 100 ppm) en si peu de temps sont surprenantes. Nous voyons également que trois évènements DO sont accompagnés par des taux de CO2 élevés (DO n°8, 11, 12). Cependant, les études de Smith et al. (1997a, 1997b) suggèrent qu’il  s’agit d’artefacts. En effet, le CO2 mesuré à partir des carottes du Groenland proviendrait de la dissolution de carbonates emprisonnés dans les glaces et non de l’atmosphère. Le taux de CO2 atmosphérique ne serait donc pas si élevé dans l’Hémisphère Nord pendant les évènements DO.

Quoi qu’il en soit, de nouveaux forages et de nouvelles études du taux de CO2 se révèlent nécessaires au Groenland avant de pouvoir conclure définitivement. En attendant, il semble bien que le CO2 n’ait pas joué de rôle majeur pendant les évènements DO. A consulter également un récente analyse de R. Hannon (ici). Notons enfin que selon Martin et al. (2005) c’est bien la température qui pilote les variations des concentrations du CO2 atmosphérique :

« CO2 changes during MIS 3 can be explained solely by temperature-dependent solubility driving variations in atmospheric pCO2. The deep water temperature changes during MIS 3 may reflect changes in the temperature or relative contribution of Antarctic Bottom Water and play a role in the ‘’bipolar seesaw.’’ 

Selon Ahn et Brook (2007) le CO2 est décalé (‘lag time’) de 720 ± 370 ans (±1 sigma) par rapport à la température en Antarctique (au cours de la période 65-30 ka).

4. Le taux de CH4 atmosphérique pendant les évènements DO

Concernant le méthane, sa concentration augmente fortement durant un événement DO et son origine a pu être mise en évidence à partir de l’analyse isotopique du deutérium [δD(CH4)] dans les glaces du forage antarctique de Vostok  (Bock et al. 20102013). Il provient des marécages boréaux et tropicaux qui se sont étendus suite aux augmentations de la température et des précipitations, et non d’un largage à partir de clathrates des sédiments de l’océan profond comme supposé initialement. Selon ces auteurs ces émissions de méthane à partir des systèmes humides sont principalement liées à la température et l’importance des nappes phréatiques résultant  d’une combinaison de l’insolation solaire, du niveau eustatique local et de l’intensité de la mousson. Dans ces conditions il y a une prolifération de bactéries méthanogènes dans les milieux anaérobiques. Sur base de l’analyse du δD(CH4), les auteurs (Bock al. 2017) concluent que les émissions de méthane n’ont pu jouer qu’un rôle mineur dans les changements atmosphériques au cours des événements DO et que le bilan glaciaire n’est pas dominé par les sources de ce gaz. Les concentrations de méthane sont également très variables (de 50 à 200 ppbv) et sont une conséquence de l’augmentation de la température (Brook et al., 2000 ; Cronin, 2010). 

5. Origine des événements DO

Ces événements identifiés en 1972 par Dansgaard (voir Dansgaard et al., 1993) sont parmi les plus spectaculaires répertoriés dans l’enregistrement géologique : ils sont spectaculaires par leur brutalité (très forte hausse et/ou assez forte baisse de température), par leur répétition à l’échelle pluri-millénaire et par les changements induits (niveau marin, fonte des glaces, décharges détritiques etc.). Malgré ces effets frappants, force est de constater que le mécanisme à leur base reste encore inconnu. Comme noté ci-dessus, les teneurs atmosphériques en CO2 et CH4 ne jouent aucun rôle important, ou même aucun rôle du tout, dans l’installation, la répétition et la pérennité de ces cycles au cours des périodes considérées.

Voyons donc quels pourraient être les mécanismes à l’origine de ces événements. Une des meilleures façons de procéder (à l’heure actuelle) est de tenter de déterminer la périodicité de ces événements. Rappelons d’abord leurs principales caractéristiques : ils sont fort asymétriques avec un réchauffement brutal d’environ 8°C à 16°C en quelques dizaines d’années, et un refroidissement lent sur au moins 200 ans (centaines à milliers d’années), suivi par un refroidissement brutal sur au moins 200 ans. Le réchauffement des cycles en Antarctique précède au moins de 220 ans celui des cycles de l’Hémisphère Nord (Groenland). Les oscillations ou cycles DO étant liées à une période glaciaire ils pourraient être influencés par les températures globales et donc par les changements orbitaux. Les cycles DO étant de haute fréquence (quelques milliers d’années), ils ne peuvent être mis en corrélation avec ceux de Milankovitch (23 000 ans pour la précession,  41 000 ans pour l’obliquité et 100 000 pour l’excentricité). Ces derniers interfèrent probablement en rendant le signal irrégulier, voir ‘chaotique’. Lors de la période 115-20 ka, l’insolation solaire de haute latitude  liée aux processus orbitaux ne montrait pas de variabilié importante (Cronin, 2010) et pourtant l’atmosphère au niveau du Groenland a connu des augmentations brusques de  8 à 16°C de la température en quelques dizaines d’années enregistrés par les événements ou cycles DO.  En analysant la distribution  de ces derniers à l’échelle temporelle du Dernier Glaciaire, on voit que ces cycles sont  effectivement absents des périodes chaudes d’obliquité maximale à 90, 50 et 10 ka BP et des périodes très froides après une obliquité minimale à 65 et 20 ka BP (Figure 6, Schulz et al., 1999). Les changements brusques de DO ne semblent donc pas se produire en mode chaud ou très froid. Ces auteurs ont ensuite mené une analyse  temporelle (par filtrage harmonique) sur les derniers 100 000 ans et ont pu extraire à partir des données de température (δ18O, forage GISP2) un signal de 1470 ans. 

Figure 6(A)  Oscillations temporelles du signal de 1470 ans à partir du traitement algorithmique (filtrage harmonique,  analyse spectrale) des isotopes de l’oxygène  (‘proxy’ de la température) du forage GISP2, Groenland et succession des événements DO (de 1 à 22) ; (B)  Amplitude lissée sur 2000 ans du signal de 1470 ans (courbe pointillée grise) et du niveau de la mer (courbe rouge). L’amplitude augmente fortement lorsque le niveau de la mer descend en dessous de -45 m et diminue lorsque le niveau de la mer descend en dessous de -90 m. Les minima d’amplitude prononcés coïncident avec les minima ou maxima locaux du niveau de la mer (flèches). Source : Composite des figures 1 & 2 de Schulz et al. 1999. Obliquité et bande de niveau de la mer de -90 m ajoutées (Schülz et al., 1999). Les conditions des oscillations DO pouvant être arrêtées, par exemple au cours du dernier maximum glaciaire, et leur redémarrage qui s’en suit, en maintenant toujours le même rythme de 1470 ans, suggère qu’un forçage externe est à l’origne des cycles DO. 

Ce signal se rencontre dans quatre périodes de plus grande amplitude séparées par des minima à 80, 65, 50, 20 et 10 ka BP (flèches de la Figure 6). Chaque période de plus grande amplitude correspond à des périodes d’oscillations DO. Les auteurs ont ensuite remarqué une forte relation entre le signal de 1470 ans et les variations de la masse de glace continentale, telles qu’elles sont enregistrées dans les variations du niveau de la mer. Chacun des cinq minima du signal de 1470 ans correspond à un point d’inflexion de la variation du niveau de la mer et quatre des cinq ont lieu lorsque le niveau de la mer est supérieur à -45 m ou inférieur à -90 m du niveau actuel. Le cinquième à 50 ka BP coïncide avec un maximum dans l’obliquité

D’après Rahmstorf (2013), l’épisode chaud (interstade) des événements présente une durée de 1470 années  à  ± 8% (pour l’ensemble des événements) et à ± 2% (pour les plus récents).

La périodicité de 1470 années semble donc bien établie pour les événements DO. Elle peut s’expliquer soit par des facteurs internes (oscillation de la circulation océanique, dynamique des calottes glaciaires…) ou externes (cycles orbitaux planétaires ou cycles solaires….). Les facteurs internes étant fondamentalement très variables ne peuvent expliquer la régularité des cycles DO. D’autre part on ne connaît pas de cycle solaire proche de 1500 ans, ni de cycles orbitaux de cette durée. Finalement le cycle le plus proche est le cycle lunaire avoisinant 1800 ans, il agirait par l’intermédiaire des marées (Keeling et Whorf, 2000). Nous n’aborderons pas le mécanisme détaillé ici, reprenons seulement cet extrait de l’article :

We propose that strong tidal forcing causes cooling at the sea surface by increasing vertical mixing in the oceans. On the millennial time-scale, this tidal hypothesis is supported by findings, from sedimentary records of ice-rafting debris, that ocean waters cooled close to the times predicted for strong tidal forcing’.

Dans ce contexte des marées exceptionnellement fortes ont lieu avec des périodicités centenaires capables d’exercer un puissant mélange vertical même sous la glace de mer, fournissant ainsi un mécanisme pour déclencher un réchauffement interstadial abrupt de Dansgaard-Oeschger. Notons également que le niveau marin a aussi fluctué au cours des événements DO en fonction de la dynamique des calottes glaciaires.  L’amplitude des variations eustatiques (déduite des compositions isotopiques de l’oxygène dans des terrasses coralliennes tropicales, dans des oscillations de salinité en Mer Rouge …) n’est pas encore connue avec suffisamment de précision mais est estimée à environ 30 m (fourchette de 15 à 45 m, Sidall et al., 2007). 

Notons surtout, que comme de nombreux auteurs le soulignent, l’origine des cycles DO n’est pas totalement élucidée. Pour Schmidt (2011) ils résultent probablement de l’interaction de changements de la circulation océanique (AMOC) et atmosphérique (‘jet streams’). Pour d’autres (Paillard, 2004) les cycles sont liés aux oscillations internes de la circulation océanique sans mettre en jeu un forçage externe. Une revue des différentes hypothèses est donnée dans Clement et Peterson (2008) et dans Cronin (2010). Pour Sessford et al. (2019) le mécanisme à l’origine des DO n’est toujours pas compris et ces auteurs mentionnent notamment, la topographie glaciaire dans l’Hémisphère Nord, la libération des eaux de fonte, le changement graduel de la teneur atmosphérique en COou encore un forçage lié aux vents. Cependant ils privilégient les changements d’origine océanique liés à l’interaction des couches de glace des mers nordiques et une forte halocline constituée d’une couche de surface froide et douce surmontant des eaux plus salées. Ainsi l’instabilité climatique de la dernière période glaciaire est plus que probablement le résultat de la dynamique des calottes glaciaires, et en particulier de leurs bordures marines (Deconinck, 2006). Cette instabilité serait liée à un processus déclenché par un début de fonte des calottes glaciaires, soit par un réchauffement extérieur, soit par un mécanisme propre lié par exemple au gradient géothermique. Les quantités d’eau douce relâchées dans l’océan réduisent la salinité des eaux océaniques, donc leur densité, rendant plus difficile leur plongement et réduisant en conséquence la circulation thermohaline (Foucault, 2009).

Bien que ces cycles s’expriment très clairement dans le Dernier Glaciaire, au cours de périodes instables, des oscillations de même type sont présentes dans l’Eémien (avant-dernier interglaciaire et peut-être dans l’interglaciaire  actuel (post-glaciation holocène) (Gradstein et al., 2016). Leur étude détaillée permettra de mieux comprendre la variabilité du climat marqué par des ‘cycles’ de haute fréquence, aux échelles décadales et millénaires (ici).

Notre Planète a donc subi des extrêmes de températures bien plus importants que les variations ou augmentations actuelles et, que l’on sache, cela n’a pas empêché les populations du Paléolithique de perdurer, et n’a pas rendu notre Planète invivable non seulement pour les êtres humains mais aussi pour la faune, la flore et les bactéries. Finalement tout au long de sa longue histoire la Terre a toujours maintenu une température stable, selon Eschenbach (2009) les variations moyennes sont restées dans une limite de ±3% durant les derniers 500 millions d’années (incluant les âges glaciaires) et de ±1% durant l’Holocène. De nombreux  paramètres sont à même d’expliquer cette stabilité de la température (Eschenbach, 2020). Le réchauffement actuel s’inscrit bien en deçà des écarts mentionnés ci-dessus.

6. Le GIEC et les évènements de Dansgaard-Oeschger

Tout ce qui précède est reconnu par le GIEC. Il suffit de consulter le dernier rapport de synthèse AR5 de 2013 pour voir que le GIEC nous parle des évènements de Dansgaard–Oeschger à 4 endroits différents : dans le résumé technique (Technical Summary), dans les chapitres 5 et 6, et finalement dans le glossaire (Annexe III). Au chapitre 6, le GIEC écrit par exemple la phrase suivante :

« Le CO2 a augmenté pendant les périodes froides (stadiales) au Groenland, plusieurs milliers d’années avant le réchauffement rapide du Groenland (Ahn et Brook, 2008) ».

En d’autres mots, le GIEC considère que le taux de CO2 ne peut pas avoir de rôle déterminant dans les évènements DO! Curieusement, aucune conclusion n’est tirée dans le rapport quant au fait que le CO2 ne joue aucun rôle dans les évènements de DO. Ceux-ci ne sont d’ailleurs pas mentionnés dans le résumé pour décideurs (SPM).

Pour vous convaincre de tout ceci, vous trouverez en Annexe (voir ci-dessous) une traduction « maison » des 4 parties du rapport AR5 qui traitent des évènements de Dansgaard-Oeschger. Nous nous excusons d’avance pour le style un peu lourd des phrases, celles-ci sont écrites par le GIEC.

7. Conclusions

•  Puisque des oscillations « spontanées » (i.e., avec ou sans forçage externe ?) du système couplé atmosphère-glace-océan ont été capables de produire des augmentations rapides et intenses de la température atmosphérique il y a par exemple 35 000 ans (plus de 8°C en maximum 50 ans, le GIEC mentionnant même un maximum de 16°C), et ce sans faire intervenir de CO2 (ou le méthane), ne se pourrait-il pas que les légères augmentations de température actuelles (0,3°C en 50 ans) soient également provoquées par le même type de phénomène? La circulation thermohaline a un rôle plus important qu’on ne le croit et reste méconnue, comme nous le montrent de nombreuses publications, par exemple celle de Woodson (2018) avec son article concernant les « ondes internes » des océans ;

• Le GIEC reconnait les évènements de Dansgaard–Oeschger et montre que le COne peut avoir de rôle dans leur occurrence ;

•  Le GIEC ne parle pas des évènements de Dansgaard–Oeschger dans son résumé pour décideurs. Serait-ce parce que ces événements ne soutiennent pas l’hypothèse de l’effet de serre?;

• Le chapitre 9 (voir ci-dessous) est la reproduction fidèle de l’AR5 (GIEC) concernant cette thématique. Après lecture de ce chapitre nous estimons pouvoir conclure comme suit :

  • On voit que les événements DO n’ont pas encore trouvé une explication totalement satisfaisante, mais on voit surtout que les très fortes variations de températures répétitives (plus de vingt de fois) pour chaque hémisphère ont été rapides (dizaines d’années) lors du dernier âge glaciaire et qu’aucuns des gaz dits à effet de serre ne peuvent être invoqués dans ces changement brutaux.  On voit enfin que la situation actuelle n’est pas atypique au regard du récent passé, bien qu’elle soit de beaucoup plus faible amplitude thermique sans oscillations aussi rapides. Il faut donc rester très prudent dans son interprétation ;
  • Il faut reconnaître que l’analyse présentée dans le chapitre 5 de l’AR5 (voir ci-dessous) est fort complète. Et surtout qu’il y a beaucoup plus d’incertitudes que de certitudes, prouvant à nouveau que la climatologie (et l’océanographie) est très complexe. S‘il se dégage  une ‘certitude’, c’est que ni le CO2, ni le CH4 ne pilotent la température, ces gaz ne sont d’ailleurs pas repris dans le résumé pour les décideurs.

On aurait pourtant pu le dire et l’écrire noir sur blanc dans le rapport aux décideurs!

8. Références

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9. Annexe : les évènements de DO dans l’AR5 du GIEC

Dans son 5e rapport d’évaluation de 2013 (AR5), le GIEC nous parle des évènements de Dansgaard–Oeschger à 4 endroits différents : dans le résumé technique (Technical Summary), dans les chapitres 5 et 6, et dans le glossaire (Annexe III).

9.1. Résumé technique de l’AR5

En ce qui concerne le résumé technique, les évènements DO sont mentionnés dans un encadré à la page 70 intitulé « Irréversibilité et changements brusques ». Nous y apprenons les choses suivantes (les nombreuses références du rapport citées ci-dessous sont disponibles dans l’AR5) :

Les évènements DO sont des changements climatiques brusques. Le changement climatique brusque est défini dans ce 5e rapport comme un changement climatique à grande échelle, qui se déroule sur quelques décennies ou moins, persiste pendant au moins quelques décennies et provoque des perturbations importantes dans les systèmes humains et naturels. Nous apprenons ensuite que les évènements DO sont irréversibles. Un changement est dit irréversible si l’échelle de temps de récupération de cet état due aux processus naturels est significativement plus longue que le temps nécessaire au système pour atteindre cet état perturbé. Le résumé technique nous dit également que de nouvelles simulations avec des modèles climatiques ont confirmé avec une grande confiance que des changements dans la force de l’AMOC peuvent produire des changements climatiques brusques à l’échelle mondiale avec une amplitude qui ressemble aux évènements DO.

9.2. Chapitre 5 de l’AR5

Les évènements de DO sont ensuite mentionnés dans le chapitre 5 de l’AR5, à la page 432, au point 5.7 : « Preuves et processus du changement climatique brusque ». Nous y apprenons que:

Les évènements DO sont qualifiés de brusques car ils se déclenchent sur une échelle de temps de l’ordre de 10 à 100 ansVingt-cinq événements brusques de DO (North Greenland Ice Core Project members, 2004) et plusieurs événements à l’échelle du centenaire (Capron et al., 2010b) se sont produits au cours du dernier cycle glaciaire. Les événements DO au Groenland ont été marqués par une transition abrupte (en quelques décennies) d’une phase froide, appelée Groenland Stadial (GS) en une phase chaude, connue sous le nom de Groenland Interstadial (GI). Par la suite, au sein d’une phase chaude GI, un refroidissement progressif a provoqué un retour vers la phase froide GS qui a ensuite duré des siècles ou des millénaires. Landais et al. (2004) et Huber et al. (2006) suggèrent que pour certains évènements DO la température au Groenland a augmenté jusqu’à 16°C ± 2,5°C (1 écart-type) sur plusieurs décennies. De telles transitions étaient également accompagnées de changements brusques du taux de poussières atmosphériques et en excès de deutérium ce qui indique une réorganisation de la circulation atmosphérique (Steffensen et al., 2008; Thomas et al., 2009). Des reconstitutions pour l’ Atlantique subtropical et la Méditerranée révèlent des changements concomitants de température de surface de l’eau de mer (SST) atteignant des valeurs de 5°C (par exemple, Martrat et al., 2004; Martrat et al., 2007).

Malgré la présence visible d’événements DO dans de nombreux enregistrements paléo-climatiques des deux hémisphèresles mécanismes sous-jacents restent non résolus et vont d’oscillations internes et spontanées du système atmosphère–océan–glaces (Timmermann et al., 2003; Ditlevsen et Ditlevsen, 2009), à un forçage extérieur comme celui du soleil (Braun et al., 2008; Braun et Kurths, 2010). Cependant, étant donné le manque d’observations concernant la variation de l’irradiance solaire sur l’échelle de temps des évènements DO (Muscheler et Beer, 2006), le forçage solaire reste improbable. Il existe de fortes preuves issues de plusieurs observations paléo-océanographiques et de la modélisation selon lesquelles la variabilité des évènements DO est souvent associée aux changements du courant AMOC, comme le suggèrent certains modèles climatiques (Ganopolski et Rahmstorf, 2001; Arzel et al., 2009) et enregistrements indirects marins (Piotrowski et al., 2005; Kissel et al., 2008; Barker et al., 2010; Roberts et al., 2010), mais aussi les influences potentielles de la couverture de glace de mer (Li et al., 2010b), la circulation atmosphérique et la topographie de la calotte glaciaire (Wunsch, 2006).

La présence généralisée de couches massives de détritus transportés par les glaces dans les sédiments marins de l’Atlantique Nord fournissent des preuves que certains DO (GS de période froide), connus sous le nom de stades Heinrich, ont été associés à des décharges d’icebergs provenant des calottes glaciaires de l’hémisphère Nord. Pendant ces périodes, le niveau de la mer a augmenté de plusieurs dizaines de mètres (Chappell, 2002; Rohling et al., 2008b; Siddall et al., 2008; González et Dupont, 2009; Yokoyama et Esat, 2011), avec des incertitudes persistantes dans le timing, l’amplitude de l’élévation du niveau de la mer, le refroidissement stadial et les variations de circulation océanique par rapport aux décharges d’icebergs (Hall et al., 2006; Arz et al., 2007; Siddall et al., 2008; González et Dupont, 2009; Sierro et al., 2009; Hodell et al., 2010). Les instabilités internes de l’inlandsis laurentidien peuvent provoquer des événements de vêlage et de fonte des glaces semblables à ceux déduits à partir des enregistrements de proxies (Calov et al., 2002, 2010; Marshall et Koutnik, 2006). Alternativement, un affaiblissement initial de l’AMOC peut entraîner un réchauffement profond dans certaines parties de l’ Atlantique Nord (Shaffer et al., 2004) et la fonte basale subséquente des plates-formes de glace du Labrador, avec une accélération des coulées de glace et des icebergs qui en résultent (Alvarez-Solas et al., 2010; Marcott et al., 2011). Actuellement, la dynamique non résolue des modèles de calottes glaciaires et les informations limitées aux proxies ne permettent pas de distinguer les deux mécanismes avec confiance.

Depuis l’AR4, les simulations des modèles climatiques (Liu et al., 2009b; Otto-Bliesneret Brady, 2010; Menviel et al., 2011; Kageyama et al., 2013) ont également confirmé la conclusion (degré de confiance élevé) que les variations de la force de l’AMOC peuvent induire des changements climatiques brusques d’amplitude ressemblant aux données paléo-climatiques qui reproduisent les évènements DO et ceux de Heinrich.

Des études récentes ont permis de mieux comprendre l’effet global des événements DO et de Heinrich. Un refroidissement général de l’Atlantique Nord et des anomalies de glace de mer pendant les phases GS (froides) induisent des changements de la circulation atmosphérique (confiance élevée) (Krebs and Timmermann, 2007; Clement and Peterson, 2008; Kageyama et al., 2010; Merkel et al., 2010; Otto-Bliesner and Brady, 2010; Timmermann et al., 2010) qui à son tour affecte les précipitations tropicales des deux hémisphères conduisant à un assèchement dans le nord de l’Amérique du Sud (Peterson et Haug, 2006), la Méditerranée (Fletcher et Sánchez Goñi, 2008; Fleitmann et al., 2009), l’Afrique occidentale équatoriale et l’Arabie (Higginson et al., 2004; Ivanochko et al., 2005; Weldeab et al., 2007a; Mulitza et al., 2008; Tjallingii et al., 2008; Itambi et al., 2009; Weldeab, 2012), de vastes régions d’Asie (Wang et al., 2008; Cai et al., 2010) (voir la figure5.4e) ainsi que dans la région de la mousson australo-indonésienne (Mohtadi et al., 2011). Des conditions plus humides concomitantes ont été établies pour le sud-ouest de l’Amérique du Nord (Asmerom et al., 2010; Wagner et al., 2010) et le sud de l’Amérique du Sud (Kanner et al., 2012) (figure 5.4h). De plus, des changements dans la circulation atmosphérique sont invoqués (Zhang et Delworth, 2005; Xie et al., 2008; Okumura et al., 2009) pour expliquer les variations de température dans le Pacifique Nord, ils varient à l’unisson avec le changement climatique brutal de l’Atlantique Nord (Harada et al., 2008, 2012; Pak et al., 2012). D’autres facteurs qui peuvent avoir contribué aux anomalies climatiques du Pacifique Nord incluent un changement de la circulation à grande échelle dans l’océan Pacifique (Saenko et al., 2004; Schmittner et al., 2007; Haradaet al., 2009; Okazaki et al., 2010) pendant les phases d’un AMOC faible. Des études récentes sur les carottes de glace à haute résolution (membres de la communauté EPICA, 2006; Capron et al., 2010a, 2010b, 2012; Stenni et al., 2011) montrent que l’Antarctique s’est réchauffé progressivement pour la plupart des GS, atteignant le maximum des valeurs au moment des transitions GS/GI, ce qui est en accord avec le concept de bascule bipolaire (Stocker et Johnsen, 2003; Stenni et al., 2011). Une récente compilation de la température mondiale (Shakun et al., 2012), les records de température de l’océan Austral (Lamy et al., 2007; Barker et al., 2009; De Deckker et al., 2012), les preuves provenant des enregistrements terrestres dans l’hémisphère sud (Kaplan et al., 2010; Putnam et al., 2010) et les modèles de climat transitoire (Menviel et al., 2011) fournissent plusieurs sources de données pour le caractère inter-hémisphérique de la variabilité à l’échelle du millénaire durant le dernier glaciaire et pour les événements DO (confiance élevée).

Les enregistrements marins nouvellement disponibles (Martrat et al., 2007; Grützner et Higgins, 2010; Margari et al., 2010; Kleiven et al., 2011), les enregistrements WMGHG d’Antarctique (Loulergue et al., 2008; Schilt et al., 2010) et les analyses statistiques des données sur les carottes de glace de l’Antarctique (Siddall et al., 2010; Lambert et al., 2012) couplées à une modélisation de bascule bipolaire (Siddall et al., 2006; Barker etal., 2011) indiquent avec une grande confiance que des changements climatiques brusques, similaires aux événements DO et ceux de Heinrich du dernier cycle glaciaire, se sont produits au cours des périodes glaciaires précédentes qui s’étendent dans le passé jusque 800 ka et, avec une confiance moyenne, jusque 1100 ka.

9.3. Chapitre 6 de l’AR5

Les évènements DO sont ensuite mentionnés dans le chapitre 6, à la page 483, avec le point 6.2.1.3 : Processus contrôlant les modifications du dioxyde de carbone, du méthane et de l’oxyde nitreux lors d’événements glaciaires brusques.

Les mesures de CO2, CH4 et N2O des carottes de glace montrent des changements nets (échelle du millénaire) au cours des glaciations, associés aux événements climatiques dits de Dansgaard-Oeschger (DO) (voir section 5.7), mais leur amplitude, leur forme et leur timing diffèrent. Pendant ces événements climatiques à échelle du millénaire, les concentrations atmosphériques en CO2 ont varié d’environ 20 ppm, en phase avec les températures de l’Antarctique, mais pas avec celles du Groenland. Le CO2 a augmenté pendant les périodes froides (stadiales) au Groenland, plusieurs milliers d’années avant le réchauffement rapide au Groenland (Ahn et Brook, 2008). Le CH4 et le N2O ont montré des transitions rapides en phase avec les températures du Groenland, avec peu ou pas de décalage. Les variations de CH4 se situent entre 50 et 200 ppb (Flückiger et al., 2004), en phase avec le réchauffement de la température au Groenland, à une échelle décennale (Huber et al., 2006). Les variations de N2O sont importantes, de même amplitude que celles observées au cours des variations glaciaire–interglaciaire, et pour les événements DO les plus chauds et les plus longs, l’augmentation de N2O débute plusieurs siècles avant l’augmentation de température et de CH4 du Groenland (Schilt et al., 2010b). Des hypothèses contradictoires existent sur les causes de ces variations sur des échelles de l’ordre du millénaire. Certaines simulations informatiques suggèrent que les fluctuations de CO2 et de N2O peuvent s’expliquer par des changements dans la circulation AMOC (Schmittner et Galbraith, 2008), les variations du CO2 s’expliquent principalement par des changements dans l’efficacité de la pompe biologique qui affecte le stockage profond du carbone océanique (Bouttes et al., 2011), alors que les variations de N2O pourraient être dues à des changements de productivité et de concentration en oxygène dans l’océan de subsurface (Schmittner et Galbraith, 2008). Cependant, d’autres études suggèrent que les fluctuations du CO2 peuvent s’expliquer par des changements dans le stockage du carbone sur les terres (Menviel et al., 2008; Bozbiyik et al., 2011). Pour le CH4, les modèles ont des difficultés à reproduire des changements dans les émissions des zones humides compatibles avec les variations atmosphériques des évènements DO (Hopcroft et al., 2011), et les changements dans le pouvoir oxydant de l’atmosphère pendant les événements DO semblent être trop faibles pour expliquer les variations de CH4 (Levine et al., 2012).

9.4. Annexe III de l’AR5

L’Annexe III de l’AR5, page 1452, comporte simplement la définition des évènements DO.

7 réflexions sur « Des réchauffements répétitifs sans CO2 ? »

  1. Merci pour cette contribution très intéressante.
    Vous montrez que des variations brutales de température se sont produites plusieurs fois au cours du dernier glaciaire et ceci sans que le taux de CO2 dans l’atmosphère soit en cause. Il est aussi clair que les mécanismes déclenchant ces événements sont complexes et non élucidés.
    Si je comprends bien , la conclusion qu’en tire le GIEC – qui reporte fidèlement cette analyse- est: quels qu’aient été les événements du passé, ce que nous vivons en ce moment est un phénomène inédit dans lequel une augmentation rapide du taux de GHG dans l’atmosphère est le déclencheur d’un changement climatique rapide. Ceci n’est pas exclusif d’autres changements climatiques rapides passés ayant eu d’autres causes.
    Qu’en pensez-vous?

    1. @Lebout, merci de votre intérêt.
      Effectivement cet article montre que des variations importantes et rapides de la température ont (eu) lieu sans que le CO2 (ou CH4) n’ait joué un rôle important. En ce qui concerne la période actuelle, rappelons que le taux de CO2 est parmi les plus bas à l’échelle géologique (http://www.science-climat-energie.be/climat-et-geologie/le-changement-climatique-la-regle-en-geologie/)
      et que le CO2 suit l’augmentation de température comme suggéré pour le Dernier Glaciaire ou d’autres périodes. Aujourd’hui, sans nier un réchauffement (cfr. début de l’article), ce dernier est modeste et n’a rien d’exceptionnel, de plus il n’a rien de particulièrement rapide et est du même type que les optima Holocène, Minoen, Romain, Médiéval pour ne citer que les plus connus (http://www.science-climat-energie.be/2019/11/29/loptimum-climatique-medieval-ce-grand-oublie/#more-6868
      ou encore ceux du Tertiaire, ces derniers ayant cependant enregistré des fluctuations plus importantes de la température, celles-ci précédant l’augmentation de CO2. http://www.science-climat-energie.be/2019/04/27/evenements-hyperthermiques-du-tertiaire-precurseurs-de-la-situation-actuelle/.

      Finalement la question essentielle est celle du bien-fondé de l’effet de serre lui-même, abordé à SCE en plusieurs endroits, notamment avec cet article http://www.science-climat-energie.be/2019/02/14/le-rechauffement-climatique-dorigine-anthropique/
      A nouveau la science climatologique ‘n’est pas dite’, elle est très complexe et la réduire au seul ‘bouton CO2’ (façon médias) ne semble pas rencontrer l’ensemble des observations. Je vous suggère de (re)lire le chapitre 9 de cet article :
      http://www.science-climat-energie.be/2019/04/27/evenements-hyperthermiques-du-tertiaire-precurseurs-de-la-situation-actuelle/ et celui-ci http://www.science-climat-energie.be/2019/09/05/recent-global-heat-waves-are-correlated-to-an-exceptional-solar-cycle-24/ qui montrent bien qu’il reste encore beaucoup d’inconnu(es) dans cette problématique. Vous trouverez de nombreuses références dans ces articles. Pour conclure la situation actuelle n’a rien d’inédit, les fluctuations climatiques sont la règle et ont été bien plus importantes dans le passé sans jamais menacer la Planète.

      1. Merci pour votre réponse. J’avais lu les références auxquelles vous faites allusion.
        Puis-je me permettre de relever deux points qui méritent sans doute plus d’analyse ou peut-être plus de prudence quant aux conclusions.

        1. Le rôle du CO2 ( et du CH4) dans le mécanisme climatique. Il n’est – me semble t il – pas contesté que plusieurs mécanismes naturels peuvent conduire à augmenter le taux de CO2 atmosphérique, notamment si la température augmente. Ne peut- on valablement défendre l’idée qu’une augmentation du taux de CO2 peut être à la fois une conséquence d’un changement climatique – et donc qui suit cette augmentation de température – et dans d’autres circonstances ( qui seraient celles d’aujourd’hui, selon le GIEC) le déclencheur d’un changement climatique?
        Il me semble en effet que même en l’absence d’un effet radiatif important lié au taux de CO2 ( ce sur quoi SCE a solidement argumenté), il peut y avoir un effet thermique ( augmentation de l’agitation thermique moyenne dans la basse lithosphère) déclenchant un effet de rétroaction positive (notamment via la vapeur d’eau atmosphérique).

        2) Je partage votre point de vue sur l’absence de prise en compte correcte de ce que nous connaissons des climats du passé. Un des aspects sur lequel la prudence semble s’imposer, à mon avis, est la comparaison des mesures de variations de température contemporaine et celles des temps géologiques pour lesquelles les incertitudes sont plus élevées. Les marges d’erreur sur ces variations de température du passé lointain (?quelles sont-elles?) ne devraient elles pas nous rendre prudent quant aux comparaisons avec le présent. Mais évidemment, ma remarque est tout aussi valable quant à la qualification des changements actuels.

        Finalement, je me permets de partager ici ma perplexité devant le paradoxe apparent suivant: il ne semble guère y avoir d’écho sérieux – au niveau scientifique ( et non médiatique – c’est peine perdue à ce niveau) d’un débat en cours quant à la remise en cause des mécanismes de « l’effet de serre ». En dehors des projecteurs médiatiques, il devrait exister des discussions scientifiques en cours sur ce point.

        1. @Lebout, vos interrogations sont effectivement légitimes et les points soulevés déjà traités par SCE.

          1. En reprenant l’article mentionné dans la première réponse
          on peut considérer (voir http://www.science-climat-energie.be/2019/02/14/le-rechauffement-climatique-dorigine-anthropique/) que selon l’hypothèse de l’effet de serre radiatif tout gaz atmosphérique susceptible d’absorber le rayonnement thermique de la Terre est qualifié de « gaz à effet de serre » (GES). De ce point de vue, le méthane CH4 serait plus efficace que le CO2 car, à concentration égale, il absorberait env.25 fois plus efficacement ce rayonnement. Comme sa concentration est env.200 fois moindre que celle du CO2 son effet attendu serait néanmoins nettement plus faible. Aucun GES (selon la définition rappelée ci-dessus), pas plus CH4 que CO2, ne peut donner lieu à un “effet de serre” dans les basses couches atmosphériques car, ayant absorbé une fraction du rayonnement thermique de la Terre, il se désactive par collisions avec les molécules environnantes N2 et O2 sans réémettre aucun rayonnement. Précisons encore que cette hypothèse de l’effet de serre radiatif n’a JAMAIS été vérifiée et est contraire aux principes de base de la physique.
          En l’absence d’effet de serre la conversion de l’énergie de vibration du CO2 en énergie cinétique de translation des molécules de N2 et O2 pourrait-elle avoir un effet sur la température des basses couches atmosphériques ? Pour estimer l’importance d’un tel effet il faudrait connaître le volume d’air dans lequel cette énergie sera dissipée. On peut calculer que l’énergie cinétique des molécules de N2 et O2 n’augmenterait en une seconde que d’environ 0,0001 %. Cette valeur ne sert qu’à fixer un ordre de grandeur car il n’y a évidemment pas d’accumulation d’énergie cinétique au cours du temps puisqu’un important courant de convection existe déjà. Le gradient de température existant déjà dans les basses couches atmosphériques ne sera donc pas affecté par la présence de CO2. Pour le détail du calcul voir l’article mentionné ci-dessus.

          2. Oui la prudence doit être de mise, mais cela ne concerne pas uniquement les données géologiques. Les données ACTUELLES sont à prendre ‘avec des pincettes’ suite aux nombreux biais (calibrations et re-calibrations, proxies de toutes sortes, que de prédictions non avérées et jamais corrigées !, bel exemple avec la fameuse courbe en forme de hockey, etc) et surtout suite à leur représentativité : qu’est-ce qu’une ‘température moyenne globale’ ? Trois articles (voir ci-dessous) discutent ce problème dans SCE, le premier montre qu’aucune extrapolation sérieuse à moyen ou plus long terme ne peut être déduite d’une ‘analyse mathématique’ avec une fenêtre temporelle de 30 ans, les deux articles suivants pointent l’hétérogénéité géographique des mesures de températures (à la fois à travers le temps -le nombre de stations a changé, parfois drastiquement cf. ex-URSS- et des localisations précises, également dans le temps avec le développement des villes, des aéroports etc., cf. l’effet d’ilôt urbain, sans parler de la plus grande surface qui soit, celle de ‘océan’ dont les données de température sont sous-représentées. Autant dire que les marges d’erreur pour la situation actuelle sont également très grandes et rarement discutées. Les trois articles dont il est fait mention ci-dessus sont dans l’ordre les suivants :

          http://www.science-climat-energie.be/2019/07/24/climate-about-which-temperature-are-we-talking-about/

          http://www.science-climat-energie.be/2019/07/30/carte-blanche-la-localisation-temporelle-et-geographique-des-stations-de-mesure-de-la-temperature-pose-des-problemes/

          http://www.science-climat-energie.be/2019/11/22/carte-blanche-la-position-des-stations-meteorologiques-pose-probleme-2-2/

          Une des conclusions du premier de ces articles est la suivante: ‘First of all, IPCC is considering global temperatures averaged over the Globe, despite the fact that temperature is an intensive variable, a category of variables having only a local thermodynamic meaning, and also despite the fact that it is well known that the Earth exhibits different well documented climatic zones. Consequently, it is highly recommended to abandon the concept of global temperature anomaly and to focus on unbiased local meteo data to detect an eventual change in the local climate, which is a physically meaningful concept, and which is after all what is really of importance for local people, agriculture, industry, services, business, health and welfare in general’.

          Pour la partie finale de votre commentaire, effectivement le débat est ou semble clos, et la discussion n’est plus possible, ni même plus admise. Pourtant les questions (scientifiques) légitimes demeurent et de nombreux scientifiques universitaires sont écartés vu le consensus (‘science is settled’= paradoxe en sciences?), médiatique et politique (pour ces deux derniers on comprend facilement pourquoi). Finalement ce sont également ces derniers, le plus souvent incompétents dans le domaine des sciences, qui ont droit absolu à la parole.

  2. Il est heureux de constater qu’il existe encore des scientifiques capables de produire des analyses objectives, documentées et basées sur une observation rigoureuse des processus climatiques et des effets induits sur une très large période. Tout cela démontre que nous sommes soumis à des cycles, ce qui n’est pas étonnant, la stabilité est un leurre, tout est mouvement, tout est changement mais le changement est souvent source d’anxiété. Et c’est ce sentiment qui est aujourd’hui exploité par la doxa dominante qui manipule les populations par le coté émotionnel (Greta, les jeunes poussés dans les rues, les catastrophes naturelles présentées comme le début de la fin du monde, etc…) Force est de constater que la presse et les plateaux de télévision ne donnent audience qu’aux partisans du catastrophisme, soit les théories du GIEC… Et très malheureusement, la majorité est inféodée à ces médias, qui détiennent tout les principaux moyens d’informer… Il en est peu qui cherchent à trouver d’autres sources d’information, surtout quand il faut s’attaquer à analyser des textes souvent plus ardus à comprendre que de se rallier à la doxa dominante et se laisser gagner par l’émotionnel ! Que faire…?

  3. J’ai étudié la publication importante de Humlum et al. 2012, dans laquelle il apparaît clairement que les variations des anomalies de température précèdent toujours les variations de concentrations en CO2. Ceci à notre échelle de temps, càd de 1980 à 2014. Vous avez fait allusion à ce travail quelque-part dans un de vos articles. J’ai refait les mêmes calculs sur les données HrdCRUT3 et delta CO2 (MaunaLoa) après les mêmes moyennes mobiles et différences annuelles de mois en mois. On trouve effectivement un décalage allant de qq mois à un an selon que l’on compare les t° des zones intertropicales et extra-tropicales. Un de mes correspondants réguliers est sceptique sur le bien-fondé des transformations de données utilisées par Humlum et al., bien qu’il soit d’accord avec le fait que les t° bougent d’abord et le CO2 ensuite. Quelles sont vos réserves sur les conclusions que l’on peut tirer de séries temporelles avec ou sans transformations par moyennes mobiles notamment, à part le perte de degrés de liberté. Bien cordialement.

    1. Les indicateurs et proxies climatiques présentent des composantes cycliques mais apériodiques et non synchrones. les pseudo-périodes (càd les périodes approximatives fluctuantes) constituent un « spectre » s’étendant de 1 jour à plusieurs centaines de milliers d’années.

      Ceci a trois conséquences:

      1- Le fait que les composantes cycliques des signaux climatiques ne sont pas exactement périodiques empêche tout « detrending » (soustraction d’une sinusoïde) rigoureux. Il reste un « résidu d’ajustement » qui interfère avec le signal « nettoyé », induisant ainsi des biais et des fausses tendances.
      2- Lorsqu’on utilise des moyennes mobiles de longueur plus courte qu’un signal (pseudo-périodique), on introduit des biais et des fausses tendances.
      3- Lorsqu’on utilise des droites de régression (linéaire), il faut s’assurer qu’il n’y ait pas « d’effet de bord »: la fenêtre de mesure doit être au moins 6 fois égale à la (pseudo-)période la plus longue détectable dans le signal. Faute de quoi on crée de fausses tendances et des biais significatifs.

      Une discussion sur le travail de Hulum et al. (2013) a déjà été menée dans SCE cfr. les commentaires de http://www.science-climat-energie.be/2018/10/17/les-limites-des-lois-de-la-physique-dans-la-transition-energetique/ et le problème de l’échantillonnage temporel a été abordé ici dans http://www.science-climat-energie.be/2019/07/24/climate-about-which-temperature-are-we-talking-about/, article support de cette réponse.

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