Faut-il vraiment se sentir démunis, voire menacés par cette intelligence artificielle ? Nous avons posé la question à plusieurs spécialistes.
Je ne pense pas que ce soit véritablement de nature à révolutionner l’ensemble de l’enseignement.
Marc Romainville chapeaute la commission qui établit les référentiels du Pacte d’excellence. Il est professeur à l’UNamur et il dirige le service de pédagogie universitaire. Cet expert prend cette nouveauté technologique avec beaucoup de calme "parce que l’histoire a montré qu’on a souvent cru, avec l’arrivée d’un certain nombre d’objets technologiques, que l’école allait être révolutionnée, à partir de l’imprimerie jusqu’à l’arrivée de la télévision, des micro-ordinateurs et d’Internet, et ça n’a pratiquement jamais été le cas en profondeur." Cela n’empêche pas d’être attentif "à ce que cela change en termes de modalités d’évaluation essentiellement, mais je ne pense pas que ce soit véritablement de nature à révolutionner l’ensemble de l’enseignement."
Le professeur à l’UNamur ajoute qu’il faut voir l’arrivée de ChatGPT comme une opportunité, celle de revoir les méthodes d’évaluation, de s’éloigner plus encore de la simple restitution, par exemple en demandant à l’étudiant d’intégrer son expérience personnelle dans son texte, en favorisant plutôt sa créativité, l’application de concepts à une situation donnée, etc. C’est une tendance qui a déjà été implémentée par la pandémie et le distanciel. "Par exemple, beaucoup de collègues sont passés d’examens à livre fermé à des examens à livre ouvert, en disant que c’est plus proche de ce que les professionnels vont rencontrer dans leur vie ultérieure, et faire porter les questions sur de l’application, de l’analyse plus personnelle et plus spécifique."
Pour Marc Romainville, ce serait donc plutôt une opportunité à saisir, y compris sur le plan de l’apprentissage de la pensée critique, en faisant par exemple des exercices en classe avec ChatGPT afin de comprendre son fonctionnement et quand il fait des erreurs, etc.
Ce point de vue est partagé en partie par Mark Hunyadi, philosophe et professeur à l’UCLouvain. Il réfléchit beaucoup aux implications du numérique dans nos vies. Ce spécialiste pense aussi que ChatGPT est un outil à intégrer de manière critique dans notre enseignement et de continuer à développer ce qu’il appelle les compétences supérieures de l’intelligence humaine. Autrement dit tout ce que l’IA ne sait pas faire. Par exemple penser de façon critique, créer, évaluer, prendre un point de vue plutôt qu’un autre, donner du sens, etc. Mais il nuance.