« Des inondations, il y en a toujours eu et il y en aura toujours. » Le ton est donné. Pour Charles Perrin, chercheur spécialisé en hydrologie à l’Inrae (Institut de la recherche agronomique), les préoccupations grandissantes autour des inondations s’expliquent surtout par l’urbanisation galopante. Chaque crue, chaque débordement occasionne désormais plus de dégâts aux infrastructures, simplement parce que les constructions s’étalent partout.

Un tiers des communes en risque inondation

En France métropolitaine, un tiers des communes sont concernées par le risque d’inondations, et ces dernières coûtent 650 millions d’euros par an. «Les inondations sont des phénomènes naturels et utiles, mais la résilience des activités humaines s’avère très différente selon les régions touchées », poursuit Charles Perrin.

Les crues éclair, lorsque l’équivalent de plusieurs mois de précipitations tombe en quelques heures, sont les plus redoutées. « En octobre 2020, il est tombé 500 litres d’eau par m2 à Saint-Martin-Vésubie, soit dix mois de précipitations en seulement 24 heures », rappelle Pierre Javelle, modélisateur pour les crues. Les intempéries ont emporté maisons et habitants, faisant dix morts et huit disparus. « En moyenne, les inondations provoquent 20 décès par an, presque uniquement lors de crues éclair qui surprennent sur la route ou la nuit », chiffre l’expert.

Des villes très sensibles et peu préparées

Avec les changements climatiques à l’œuvre, les épisodes pluvieux considérés jusque-là comme « cévenols » vont remonter vers le nord et toucher de nouvelles régions. Ces phénomènes s’avèrent difficiles à modéliser et à devancer. Les précipitations peuvent tomber quelques kilomètres plus loin que prévu et changer complètement la donne.

Dans les villes, l’état des égouts, des jardins, le type de revêtement – entre un macadam lisse et des graviers par exemple – et même la configuration des carrefours peuvent aboutir ou non à des inondations. Et plus l’urbanisme est dense, plus les dégâts sont nombreux. Si les scientifiques et les pouvoirs publics cherchent à anticiper au mieux les conséquences, l’avenir repose surtout sur moins de bâti.

Des solutions fondées sur la nature

Dans le jargon, on parle de « SFN » pour « solutions fondées sur la nature ». «Les digues et les infrastructures ont leurs limites face aux inondations, énonce Rémy Tourment, spécialiste en ouvrages hydrauliques à l’Inrae. Pour le futur, nous essayons donc de réfléchir à des solutions naturelles ou semi-naturelles, comme les dunes et la végétation, qui sont plus souples et résistantes aux aléas. »

Il s’agit par exemple de planter des arbres sur les berges inondables pour freiner le courant des crues, de (re)creuser des bras secondaires ou de favoriser les haies.

Le retour au naturel passe surtout par la déconstruction. Dans l’Essonne, l’Orge a perdu ses clapets pour retrouver un écoulement naturel. Dans le Doubs, le Drugeon a retrouvé ses méandres originaux, au détriment des terres agricoles qui avaient été gagnées en rectifiant son lit.

«Ces transformations ont une empreinte au sol non négligeable qui nécessite un investissement des riverains et du politique, reconnaît sans peine Rémy Tourment. Là où une digue ouvragée fait 15 mètres de large, il en faudra peut-être 50 à la nature pour remplir la même fonction de protection. Donc oui, il faut accepter de repenser le foncier. » Sinon, l’eau s’en chargera elle-même.