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Jardinage au naturel

La lutte biologique contre les cochenilles

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Comment lutter avec des méthodes biologiques contre les cochenilles, ces petits ravageurs terriblement efficaces qui attaquent un grand nombre de végétaux ? Dans nos jardins, les plantes les plus affectées sont les plantes ornementales, notamment sous abri. Mais les plantes potagères peuvent également être atteintes, et donc leur production. On le sait bien, pour lutter contre un ennemi, il faut tout d’abord bien le connaître. Ensuite seulement on sait de quelle manière on le vaincra ! Les auxiliaires de culture, coccinelles et autres prédateurs sont justement tous prêts à nous y aider !

La lutte biologique contre les cochenilles

La lutte biologique contre les cochenilles

Qui sont les cochenilles ?

Les cochenilles sont des hémiptères qui forment l’ordre des Coccidés. Il existe un très grand nombre d’espèces, plus de 8000, vivant, dans tous les climats, et on en trouve presque 400 en France : pou de San José, cochenille du mûrier, floconneuse de la vigne, cochenille du platane, .... Il y a un dimorphisme marqué entre les femelles et les mâles. Ceux-ci ressemblent à des moucherons, avec une paire d’ailes, des antennes et des pattes articulées. Ils ne s’alimentent pas et vivent très peu de temps, n’ayant qu’une fonction de reproducteurs. Les femelles sont des insectes plats et larges, de 1 à 8 mm, en forme d’écaille, de gale ou au corps cireux. Elles sont aptères (sans ailes), parfois sans pattes, et montrent peu de différences avec leurs larves. Elles ont des aspects très variés, parfois ne ressemblant même pas à un insecte à cause des sécrétions qui les recouvrent. Ces sécrétions ont un but protecteur affirmé et très efficace, formant parfois un bouclier extrêmement résistant et imperméable. Elles possèdent roulés entre les pattes avant, les stylets qu’elles utilisent pour se nourrir. Les femelles pondent entre 15 et 6000 œufs et peuvent vivre entre quelques jours et quelques années, selon les espèces. On distingue 3 types de cochenilles parmi les espèces ravageuses en France :

  • Les cochenilles farineuses, Pseudococcines, affichent un corps mou recouvert de filaments blancs et farineux et sont généralement présentes sous serre ou sur les plantes installées à l’intérieur. Elles pondent généralement dans un ovisac, sorte de cavité constituée de filaments.

  • Les cochenilles à bouclier, Diaspines, elles, sont protégées par une sorte de coquille brune qui est “amovible”. Les œufs sont pondus sous le bouclier.

  • Les cochenilles à carapace, Lécanines (Coccidées), montrent elles aussi comme une coque mais celle-ci est fixée sur leur corps. La ponte se fait soit directement sur la mère soit dans un ovisac.

Les larves ont des pattes très tôt, ce qui leur permet d’être rapidement mobiles. Elles peuvent également être portées par le vent, ou utiliser les services des fourmis en échange de leur miellat (elles ont d’ailleurs établi avec ces dernières une sorte de symbiose, une trophobiose en fait, qui consiste à échanger le précieux miellat contre des services) de façon à constituer de nouvelles colonies. Elles s’installent sur le premier emplacement qui leur convient, commençant aussitôt à se nourrir grâce au stylet plié sous leur abdomen. Chez certaines espèces, comme chez les cochenilles à bouclier, cet emplacement est définitif, alors que chez d’autres la cochenille se déplace tout le temps. Ces insectes sont pour la plupart phytophages, mais ils ne consomment pas tous les mêmes parties des végétaux. Selon les espèces, ce sont les feuilles, fleurs, fruits, rameaux, tronc, et même les racines, qui seront préférées. Très discrètes lorsqu’elles sont peu nombreuses, on peut cependant repérer leur présence à quelques signes :

  • Gouttelettes de miellat, collantes et transparentes, qui intéressent beaucoup les fourmis,

  • Feuilles jaunes, qui dépérissent,

  • Présence d’amas blanchâtres ou de coques brunes.

Quelles méthodes de lutte biologique contre les cochenilles ?

Le nombre important d’espèces de cochenilles, dont une dizaine d’espèces sont des ravageurs permanents et une centaine d’occasionnels, entraîne une très grande variété de plantes-hôtes susceptibles d’être attaquées : arbres, arbustes, fruitiers, plantes ornementales, rien ne leur échappe. On connaît malheureusement trop bien la cochenille du tronc du pin qui a ravagé certaines régions du sud-est de la France et la Corse. Dès lors que les colonies sont importantes, les dégâts sur les végétaux peuvent être graves. Comme elles se nourrissent de la sève de leur plante-hôte, elles lui volent les éléments nutritifs dont elle a besoin et blessent les tissus, qui peuvent suinter. La salive des cochenilles est souvent toxique, provoquant des déformations, des décolorations ou encore l’inhibition de la floraison. Le végétal s’affaiblit, les parties attaquées jaunissent, tombent. De plus, les cochenilles produisent du miellat : elles ont besoin des protéines, présentes en faible quantité dans la sève, et non des sucres dont elle est riche. Elles évacuent donc ces sucres superflus sous forme de miellat, sur lequel vient se développer un champignon, la fumagine. Les feuilles finissent pas être recouvertes d’une sorte de suie noire qui empêche la respiration de la plante et la photosynthèse, contribuant au dépérissement du sujet. Les cochenilles sont également des vecteurs de maladies. Selon les conditions climatiques, le nombre de générations par an est variable. L’augmentation de la température et le taux d’hygrométrie sont des facteurs déterminants, qui peuvent faire augmenter le nombre d’œufs, le nombre de pontes, le nombre d’éclosions et peuvent également faire baisser le temps que dure le cycle de croissance. Les conditions qui règnent dans les serres ou les vérandas provoquent un enchaînement quasi continuel des générations. Les cochenilles peuvent avoir une nuisibilité variable, qui peut être d’ordre purement esthétique, ou bien en terme de productivité ou, plus grave, avec la mort des végétaux attaqués. La lutte biologique contre les cochenilles est donc importante pour la sauvegarde de nombreux végétaux, particulièrement sous serre, mais leur carapace rend la tâche difficile. L’utilisation d’insecticides polyvalents est une des causes de leur pullulation, car si elles-mêmes sont résistantes aux produits chimiques, leurs ennemis naturels le sont beaucoup moins et leur population régresse malheureusement.


Les prédateurs

  • Les coccinelles sont de grands prédateurs, notamment des cochenilles. Leur avantage est que tous les stades de la cochenille sont visés. Les espèces utilisées : Chilocorus renipustulatus, Chilocorus nigritus (contre cochenilles à bouclier et à carapace), Cryptolaemus montrouzieri, Exochomus quadripustulatus (contre cochenilles pulvinaires), Rodolia cardinalis (contre cochenille australienne), Lindorus Lophantae ( contre farineuses, à bouclier, à carapace)...

  • Les chrysopes se nourrissent de nombreux petits insectes à corps mou.

  • Les staphylins : vivant dans le sol, Dalotia coriaria se nourrit de nombreux invertébrés s’y trouvant, et donc de quelques espèces de cochenilles qui s’attaquent aux racines.

  • Les thrips, notamment Franklinothrips vespiformis : se nourrissant habituellement d’autres thrips, il peut consommer d’autres ravageurs comme les cochenilles.

La présence continuelle de ces prédateurs au jardin sera favorisée par la plantation de leurs plantes-hôtes (que l’on appelle également des plantes de services) : achillée et potentille arbustive seront mises en place pour attirer des chrysopes. Les coccinelles, elles, seront invitée par des groseilliers et de l’asclépiade.


Les parasitoïdes

Les hyménoptères sont nombreux à naturellement parasiter les cochenilles, qu’elles soient farineuses, à bouclier ou à carapace. Généralement, ils pondent dans les cochenilles et leurs larves se nourrissent de leur hôte. Certains sont des parasites-prédateurs, pondant sous les cochenilles afin que les larves se nourrissent des œufs au fur et à mesure qu’ils sont pondus. L’avantage de ces petites guêpes est qu’elles sont fréquemment spécifiques à leur hôte, ne faisant donc courir aucun risque à d’autres auxiliaires. Ils ont un rôle déterminant dans les jardins et potagers à la biodiversité riche. Leur inconvénient est que justement du fait de leur spécificité l’espèce de cochenille doit être formellement identifiée pour qu’ils puissent être efficaces.

  • Leptomastix dactylopii se révèle très efficace, parasitant les cochenilles farineuses P. citri au troisième stade de leur développement ou adultes.

  • Leptomastidea abnormis est elle aussi un parasite des jeunes larves de P. citri, et peut être lâchée en complément de Leptomastix dactylopii.

  • Des ectoparasitoïdes, Aphytis spp., sont également utilisés contre certaines cochenilles, comme Aphytis melinus qui s’utilise contre les cochenilles à bouclier.

  • Anagyrus fusciventris s’utilise pour lutter contre une cochenille farineuse, Pseudococcus longispinus.

  • D’autres hyménoptères sont également employés comme agent de lutte : Anagyrus pseudococci, Coccidoxenoides perminutus, Coccophagus scutellaris, Encarsia citrina, Metaphycus flavus, Pseudaphycus maculipennis, ...

Les méthodes alternatives

  • Au tout début de l’invasion, les cochenilles peuvent être enlevées à la main sur vos plantes en pot : utilisez une petite brosse douce et de l’eau pour frotter les feuilles là où quelques amas ont été repérés. Pensez à regarder au niveau du collet, juste sous la terre ainsi que sous le pot. Si vous en détectez dans le substrat ou au niveau des racines, installez le pot dans de l’eau, à la hauteur du substrat et laissez la plante tremper au moins 2 heures. Vous devriez voir quelques cadavres de cochenilles flottant.

  • Une dilution à base de savon noir peut être pulvérisée sur les parties aériennes des plantes touchées.

  • Les pièges utilisant des phéromones sexuelles sont également utilisés, pour limiter le nombre de mâles. Mais cette méthode ne s’applique pas à toutes les espèces, car certaines sont hermaphrodites et d’autres ont un mode de reproduction aussi particulier, la parthénogénèse (selon que les œufs soient fécondés ou pas, ils donnent que des mâles ou que des femelles).

Le saviez-vous ? Toutes les cochenilles ne sont pas des nuisibles, loin de là ! Certaines d’entre elles, aux carapaces colorées, ont formé la base de teintures (le Kermès des teinturiers par exemple) durant de longs siècles. En Asie, la laque très dure présente sur de nombreux meubles est issue d’une cochenille, Kerria lacca et les asiatiques ne sont pas les seuls à utiliser les propriétés des sécrétions de cet insecte pour protéger le bois.


La lutte biologique contre les cochenilles australiennes


La cochenille australienne

Les cochenilles australiennes

Icerya purchasi est un insecte originaire d’Australie qui s’est répandue tout autour du globe dans les régions chaudes et humides et dans les serres. En France, on la trouve principalement dans les régions méridionales ou sous serre dans les autres régions. Le corps ovale de la femelle de cette espèce est rouge brique (en fait cette couleur est celle de son “sang”, elle est translucide) avec des pattes et des antennes noires. Elle est recouverte de filaments de cire marron et blanche, qui forment une carapace avec généralement des filaments qui partent dans tous les sens. Les mâles sont jaunes, avec des pattes sombres et une paire d’ailes grises. Les femelles étant hermaphrodites, le mâle est assez rare. La femelle sécrète un gros ovisac blanc et cannelé qui peut être plus gros qu’elle, dans lequel se trouvent les œufs. Ceux-ci, entre 600 et 800, sont rougeâtres, tout comme les larves qui en sortent. Peu de temps après elles se recouvrent d’une cire blanchâtre. Elles passent par 3 stades au cours de leur développement, qui dure approximativement 3 mois, pour une succession de 2 à 3 générations par an, voire 4 dans certaines conditions.

Icerya purchasi est polyphage, avec une préférence marquée pour les agrumes mais aussi pour les genêts, acacias, pittosporums, lauriers-rose, mimosas, cyprès, romarins, bruyères, … Sur ces plantes elle va cibler aussi bien les tiges que les feuilles ou les fruits. Elle est peu mobile, par contre elle a tendance à entraîner la mort de l’hôte.


Les méthodes de lutte biologique contre les cochenilles australiennes

La cochenille australienne a dans son pays d’origine un prédateur naturel, la coccinelle australienne, Rodolia cardinalis. Celle-ci a été introduite dans les zones envahies par la cochenille et s’est chargée de drastiquement limiter la population de ce ravageur. Cette mouche parasitoïde monophage pond dans la cochenille ou bien dans son ovisac. Une fois nées, les larves vont se nourrir des œufs et des larves. Les derniers stades larvaires, comme les adultes, se nourrissent de cochenilles à tous les stades de développement.


La lutte biologique contre les cochenilles farineuses


La cochenille farineuse

Les cochenilles farineuses

Ce nom est donné aux espèces de cochenilles appartenant à la famille des Pseudococcidae. Elles ont une forme ovoïde, un corps mou et sécrètent une sorte de cire blanche caractéristique qui les recouvre. Elles sont généralement mobiles tout au long de leur vie. Les larves sont groupées soit à l’aisselle des feuilles, soit dans les feuilles qui s’enroulent. Elles aspirent la sève élaborée de leur hôte pour se nourrir, entraînant la perte du feuillage et défavorisant le développement. Les larves s’attaquent aussi bien aux feuilles qu’aux fleurs ou aux fruits qui avortent ou bien sont infestés.

Planococcus citri, la cochenille farineuse de l’oranger et de la vigne, est très commune sous serre, présente sur de nombreuses plantes-hôtes : palmiers, ficus, kalanchoés, gerberas et autres plantes d’ornement, aubergines, melons, … Les femelles gris rosé sont plates et ovales, couvertes de cire et entourées de courts filaments. Elles sont très peu mobiles et elles meurent après avoir pondu. Le mâle, lui, montre 2 paires d’ailes et vit très peu de temps.

Les œufs sont jaunes clair. Le développement de ces cochenilles prend un temps variable, en fonction des conditions météo, de la plante-hôte, etc. Il y a 3 stades larvaires. C’est lors du premier que les cochenilles vont être très mobiles afin de rechercher un endroit où s’accrocher et se nourrir. Les larves jaune clair peuvent passer l’hiver dans le sol, sans diapause, attendant juste une température favorable. Leurs plantes-hôtes sont notamment : palmiers, forsythias, céanothes, crotons, fougères, rosiers, ficus, ...

Une autre cochenille farineuse très répandue est Pseudococcus viburni (syn. Pseudococcus affinis), originaire des tropiques, qui envahit les serres lorsqu’il y fait chaud et humide. Elle est très semblable à la cochenille de l’oranger mais est couverte d’une plus grande quantité de cire et les filaments situés autour de son corps sont plus longs, elle en possède spécifiquement 2 à l’arrière du corps. Elle est également plus grande et un peu plus foncée. On peut la rencontrer principalement sous serre sur des pieds de tomates ou sur des plantes ornementales grimpantes, cactées, fuchsias, orchidées, .... Les œufs sont également jaunes et la femelle vit seulement le temps de se reproduire. Cette cochenille farineuse est plus résistante au froid, et tout comme P. citri, elle n’entre pas en diapause.

Pseudococcus longispinus, la cochenille farineuse des serres, d’origine tropicale, se répand de plus en plus à travers le monde. Dans le Sud de la France on peut la trouver à l’extérieur. Elle choisit comme hôte des plantes telles que l’avocat, l’orchidée, le pommier, les agrumes, les amaryllis, les cactées, .... Elle s’y cache à l’aisselle des feuilles. Comme les autres elle montre de longs filaments blancs tout autour de son corps.


Les méthodes de lutte biologique contre les cochenilles farineuses

  • C’est la coccinelle Cryptolaemus montrouzieri, petit insecte noir à la tête orange qui est lâchée lors d’attaques de cochenilles farineuses. Larve et adultes sont des prédateurs, les unes (adultes et jeunes larves) se nourrissant des œufs et des jeunes larves, les autres (larves) des cochenilles à tous les stades de développement. La larve blanche de cette coccinelle est recouverte de filaments qui la font étrangement ressembler aux larves de sa proie. Cet agent de lutte biologique est principalement utilisé en serre ou en intérieur pour délivrer plantes tropicales, orchidées, arbres fruitiers. Ses conditions optimales : entre 17 et 32°avec une bonne hygrométrie. Elle sera introduite à raison de 0.2 à 5 adultes par m2.

  • Autre coccinelle, Lindorus lophantae apprécie de nombreuses espèces de cochenille, dont les farineuses. Elle aussi sera introduite sous abri.

  • Leptomastix dactylopii est un hyménoptère parasite que l’on ne peut utiliser que pour Planococcus citri. Un seul individu peut parasiter entre 50 et 100 cochenilles. En complément de son action, utilisez Leptomastidea abnormis.

  • Anagyrus pseudococci est un parasitoïde qui s’attaque principalement aux cochenilles farineuses. Avant d’introduire cet auxiliaire, débarrassez-vous des fourmis souvent présentes autour des cochenilles et qui les protègent.

  • La larve de chrysope, en cas d’absence de pucerons qui sont ses proies préférées, se rabat volontiers sur les larves de cochenilles farineuses. Elles peuvent en consommer plusieurs centaines selon leur taille. Températures optimales : entre 15 et 30°.

Conclusion

Les cochenilles, de par leur mode de vie et leur biologie, se révèlent des ravageurs difficiles à combattre. Cachés sous les feuilles, protégés par un rempart organique, les méthodes traditionnelles ont peu de chance de les atteindre. Et leur taille minuscule ne les rend pas moins nuisibles, bien que cette nuisance soit relative à leur nombre et aux végétaux attaqués. Mais la nature fait bien les choses, et des ennemis naturels existent, nombreux, contre ces petits insectes. Ce sont des prédateurs ou des parasites, et leur présence dans un environnement limite facilement le nombre de ces cochenilles, et donc leurs dégâts. Encore un point pour la biodiversité.