En route vers un nouvel ordre monétaire

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par Yannick Colleu

Pendant des décennies vous avez lu et entendu des auteurs vous ressasser que le dollar allait perdre de sa superbe et sa domination planétaire et que l’or retrouverait son lustre d’antan. Le défaut de ces auteurs étaient de laisser penser que cette perspective puisse, au moment où ils l’évoquaient, se traduire immédiatement en réalité. À leur décharge les auditoires ont souvent tendance à prendre pour effet immédiat les anticipations qui leur sont présentées.

J’écrivais moi-même dans mon dernier ouvrage en 20131 « Le paradoxe de Triffin triomphe. Les pires angoisses de cet économiste [Robert Triffin] se sont réalisées. La viabilité du non-système monétaire actuel est intenable à la fois parce que le flottement des monnaies les unes par rapport aux autres est utilisé pour pallier les déséquilibres sans jamais s’attaquer aux racines de ceux-ci et, d’autre part, parce que les distorsions des changes monétaires par le lien entre dollar et yuan d’une part et l’introduction, d’autre part, d’une monnaie unique, l’euro, sur des pays présentant une grande disparité d’un point de vue économique, viennent amplifier le chaos. »

Quelques années plus tard il semble que nous soyons aujourd’hui à un tournant majeur qui laisse entrevoir un retour en force de l’or dans le jeu monétaire mondial après plus soixante-dix années de domination sans partage du dollar.

Pour comprendre l’ampleur de ce revirement il faut se pencher préalablement sur quelques données, à première vue austères mais essentielles pour la bonne compréhension de ce qui suit.

La dette américaine … la dette d’un colosse au pied d’argile ?

À part quelques voyageurs en route vers Mars tout le monde sait que la dette fédérale américaine a atteint et continue sa course dans les hautes couches de la thermosphère. En 2000 cette dette totalisait 5674 milliards de dollars pour un produit intérieur brut (PIB) de 10 250 milliards de dollars. Vingt ans et une année plus tard la dette fédérale a été multipliée par 5,2 pour atteindre en 20212 29 617 milliards de dollars et le PIB n’a été multiplié que par 2,3 à 23 315 milliards.

En résumé l’endettement, aussi colossal soit-il, génère de moins en moins de gain de richesse dans l’économie américaine.

Figure 1 : Dette publique fédérale rapportée au PIB brut (FED de St Louis)

Cette dette gigantesque est détenue par le public (résidents et non-résidents) à 78% et par des organisations « intragouvernementales » américaines (Social security, etc.) à 22%. Dans ces 78% de dette détenue par le public une part importante est détenue par des pays étrangers et des organisations internationales. Cette part pèse environ 7300 milliards de dollars en 2022 soit 26% de la dette publique détenue par le public contre 1015 milliards en 2000 soit 18%.

Néanmoins en prenant du recul sur l’historique de ce pourcentage il est notable qu’en 2014 une certaine désaffection a vu le jour parmi les acheteurs étrangers de dette américaine, leur participation étant passée assez brutalement de 34% à 24% ( chiffre du 3ème trimestre 2022).

Figure 2 : Dette fédérale détenue par l’étranger et les investisseurs internationaux en pourcentage de la dette publique (FED de St Louis)

Parmi les détenteurs étrangers de dette trois pays se distinguent particulièrement par le volume de titres de dette fédérale américaine détenue (pays détenant plus de 600 milliards de dollars) : Le Japon, la Chine et le Royaume-uni. La tendance du portefeuille détenu par le Japon est en progression régulière, tandis que celle du Royaume uni bondit au même moment où le montant de dettes détenues par la Chine stagne puis baisse significativement.

Figure 3: Historique des montants en obligation fédérales détenues par la Chine, le Japon et le Royaume—Uni (Source des données : US Treasury).

De ces quelques constats retenons pour la suite :

Depuis 2014 la Chine a entrepris d’alléger son portefeuille de dettes fédérales américaines. Ce désengagement a été également réalisé sur l’ensemble du portefeuille de titres (US. Securities) en dollar américain détenu par la Chine.

Malgré la hausse importance des acquisitions de dettes fédérales par le Royaume-Uni celle-ci n’a pas suffi à compenser la baisse de la participation des détenteurs étrangers de dette après la baisse importante initiée par la Chine en 20143.

Le poids énorme de l’endettement américain et la faiblesse des taux pendant plusieurs décennies n’ont procuré aucun effet de levier significatif sur la création de richesse aux États-Unis.

Ces constats sont surprenants d’autant que pas un jour ne passe sans que les États-Unis ne fassent savoir qu’ils sont la force dominante et le régulateur, voire le gendarme, de la planète.

Comment ont-ils acquis cette domination ?

Pourquoi leur dette semble aujourd’hui brûler les doigts de certains pays ?

Les États-Unis gendarme du monde

L’influence culturelle des États-Unis est devenue majeure depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale. Son cinéma, par exemple, réécrit souvent l’Histoire pour mettre en avant les bienfaits de la société américaine et s’approprier la première place dans « la lutte pour la démocratie ». Cette influence tout azimut dissout progressivement dans la culture américaine les habitudes séculaires des Européens. Les langues européennes elles-mêmes sont grignotées par l’influence d’un gloubi-boulga venu d’outre-Atlantique. Cette influence s’est étendue depuis les années Reagan au droit international. Désormais les États-Unis dictent leur loi dans les relations internationales et prononcent de leur propre chef des sanctions à l’encontre de tel pays4, de telle entreprise ou de telle personnalité sans qu’aucune instance internationale puisse s’y opposer5. La militarisation de la finance et l’extraterritorialité des sanctions américaines fait peser de lourdes menaces sur les pays, les entreprises6 voire sur les dirigeants7 d’entreprise eux-mêmes.

Le « champion de la démocratie » s’est progressivement transformé en « Juge et Gendarme du monde ». Pour asseoir leur hégémonie mondiale les États-Unis disposent de deux piliers : la monnaie et la puissance militaire.

Peu de personnes comprennent que le cœur nucléaire de la domination américaine sur le monde se situe dans la cohérence entre ces deux piliers. Les deux sont indissociables.

Les dépenses annuelles affectées à la défense des États-Unis représentent près de 40% de l’ensemble des budgets militaires de la planète soit 773 milliards de dollars pour l’année fiscale 2023 (mars 20228).

La planète ne manque pas de pays où la démocratie, selon la norme occidentale, est piétinée voire où le mot lui-même est considéré comme une insulte au gouvernement en place. Pourtant seuls quelques pays ont eu à subir les foudres des armées occidentales. Ces pays avaient violé un principe majeur : vénérer le Dieu dollar !

L’Irak a fait l’erreur d’annoncer en octobre 2000 aux Nations unies que l’Euro serait désormais accepté pour les livraisons de pétrole irakien. Le 5 février 2003 à l’ONU le secrétaire d’État américain Colin Powell brandissait devant tous les représentants du Conseil de sécurité une petite bouteille supposée contenir de l’anthrax. Dans la décade qui a suivi Colin Powell avouait le mensonge. Entre temps l’Irak a été ravagé et sa population renvoyée au moyen âge, du moins pour la part qui a réussi à survivre aux bombardements perpétrés par les armées de la coalition.

En 2009, le Guide de la révolution Libyenne, Mouammar Kadhafi, un personnage certes étrange et fantasque, présentait devant l’Assemblée de l’Union africaine un projet d’union monétaire africaine offrant aux pays du continent riches en matières premières de réaliser leurs transactions en dehors du dollar et de constituer un fonds souverain africain à l’instar de celui de l’OPEP ou de la Norvège. Ce projet contrariait non seulement Washington mais également la France, et son Franc CFA9, mais aussi la City de Londres qui héberge la bourse de référence mondiale pour la cotation des matières premières10. Sur la base d’une résolution du Conseil de sécurité des Nations unies datant de 1973, les pays occidentaux sont intervenus en 2011 et ont installé le chaos en Libye. Grâce à la publication par Wikileaks en 2016 des messages du Département d’État, et plus particulièrement de la correspondance de l’ancienne secrétaire d’État américaine Hillary Clinton et de son conseiller Sid Blumenthal, nous savons depuis que les « missionnaires de la démocratie » avaient d’autres buts dont pour la France de faire main basse sur 243 tonnes d’or et autant d’argent libyen11.

On ne touche pas au dollar !

À ce stade le lecteur est en droit de poser ces deux questions : « pourquoi ne faut-il pas toucher au dollar ? Quel problème cela peut-il potentiellement entraîner pour les États-Unis que les transactions de matières premières se fassent dans une autre devise que le dollar ? ».

Faisons un peu d’histoire !

En 1944 un nouveau système monétaire12 naissait mettant l’or et le dollar sur la même première marche du podium des réserves monétaires. Le dollar était aussi bon que l’or : « dollar as good as gold » ! Dans ce système monétaire les parités étant établies par rapport au dollar les banques centrales étrangères devaient intervenir en vendant/achetant du dollar pour assurer la stabilité de la parité de leur monnaie. Par conséquent le dollar américain est devenu la source de liquidité monétaire internationale et la base dominante des actifs de réserves dans le système monétaire international.

Le pétrole était, et est encore, la matière première incontournable, y compris pour extraire les autres matières premières. Dans ce contexte la demande de dollars par tous les pays de la planète allait devenir exponentielle. C’est ce qui est arrivé13.

Les États-Unis devaient donc trouver un moyen de fournir au monde assoiffé de billets verts ce sésame donnant accès au pétrole. Ils y ont répondu en faisant financer leur croissance exubérante par les déficits et l’endettement. De cette façon, du moins au début, tout le monde était ravi : d’un côté les États-Unis affichaient une croissance insolente et de l’autre les pays industrialisés avaient accès à une liquidité abondante en dollars.

Puis les années passant le niveau de la dette américaine a commencé à susciter des doutes. Les pays les plus inquiets sur la soutenabilité de la situation demandaient la transformation de leurs réserves de dollars en or. Le président De Gaulle dans sa célèbre conférence de presse du 4 février 1965 analysait que cette situation « entraîne les Américains à s’endetter et à s’endetter gratuitement vis-à-vis de l’étranger car ce qu’ils lui doivent, ils le lui payent tout au moins en partie avec des dollars qu’il ne tient qu’à eux d’émettre et non pas avec de l’or qui a une valeur réelle, qu’on ne possède que pour l’avoir gagné, et qu’on ne peut transférer à d’autres sans risque et sans sacrifice ».

Figure 4 : Historique du solde budgétaire des USA en pourcentage du PIB (1950-2022) – Source : FED St Louis

Les réserves en or du Trésor américain, au plus haut en 1945, commencèrent à fondre. Ainsi en 1967 l’encaisse or des États-Unis avait fondu de près de la moitié en 10 ans. Enfin, après être passé de crise en crise, en août 197114, le gouvernement américain annonçait unilatéralement la fin de la conversion en or du dollar. En d’autres termes : les États-Unis faisaient défaut sur leur dette externe. Dès lors s’ouvrait une période de change flottant entre toutes les devises.

Ce défaut du dollar concrétisait les doutes émis par quelques économistes et résumés dans un ouvrage15 de Robert Triffin publié en 1961 mais plus connu sous le petit nom de « Paradoxe de Triffin ».

Ce paradoxe se résume ainsi :

« Le dollar doit satisfaire deux objectifs inconciliables :

– la stabilité, car le dollar sert d’étalon de mesure pour les monnaies et les marchandises,

– l’abondance, puisqu’il constitue un moyen de règlement international et un instrument de réserve. »

En d’autres termes, le statut de monnaie de réserve, même à côté de l’or, conduit le pays émetteur de cette monnaie à entretenir des déficits de sa balance des paiements pour être en mesure d’alimenter la croissance des autres pays en monnaie internationale. Le paradoxe naît du fait que cette situation, initialement désirée par les acteurs économiques, conduit progressivement à une perte de confiance dans l’émetteur de la monnaie de réserve par ces mêmes acteurs.

Par ailleurs, et contrairement à l’or, dont le stock est tangible et limité, et dont les flux imposent une « discipline [qui] repose sur la réalité des faits et sur des besoins objectifs »16, le système monétaire bâti sur une monnaie-devise (que ce soit le système d’étalon de change-or ou le système de libre échange qui lui a succédé) dépend pour sa régulation entièrement de la volonté politique.

En 1976 les accords de la Jamaïque actaient la mise en place d’un « non-système » monétaire international basé sur des changes flottants. Néanmoins la confiance n’étant plus au rendez-vous il fallait trouver une incitation au soutien du dollar par toutes les banques centrales étrangères.

Cette incitation verra le jour en 1979 dans le cadre de l’accord de coopération économique américano-saoudien : « pétrole contre dollars ». En effet dans cet accord l’Arabie saoudite s’engageait à vendre son pétrole au reste du monde uniquement en dollars américains, ainsi qu’à réinvestir ses réserves excédentaires en devises américaines dans les bons du Trésor américain et les actions de sociétés américaines. Le pétrodollar était né17.

Le lecteur attentif comprendra immédiatement que nous retombons dans une situation proche de celle qui a menée à la crise de 1968-1971 et à l’abandon de l’étalon change-or. Dans ce nouveau contexte, qui est celui dans lequel nous sommes à cette heure, l’or est simplement remplacé par les bons du Trésor américain. La seule différence est que, dans le contexte du système monétaire d’étalon change-or, un échange de dollars contre or permettait de solder définitivement une situation ; le pays présentant sa créance repartait avec ses lingots. Dans le contexte nouveau (et actuel) le pays présentant sa créance en dollars « repart » avec des bons du Trésor américain détenus par la réserve fédérale de New-York18 et dont le nominal est en dollars. En résumé, il arrive avec des billets verts et repart avec un numéro de compte donné par la banque. Donc l’échange ne solde rien ! Les États-Unis19, représentés par la banque de New-York ici, restent débiteurs vis-à-vis des pays ayant transformé leurs billets verts en obligations américaines. Dit autrement, les États-Unis gardent en otage les avoirs de leurs créditeurs. S’il était besoin d’un exemple le lecteur pourra le trouver dans la récente confiscation20 de 3,75 milliards de dollars d’obligations américaines détenues par la réserve fédérale de New-York pour le compte de la Russie et de quelques centaines de milliards de dollars saisis21 par les États-Unis et par l’Union européenne. Après cette nouvelle démonstration de force, qui s’apparente à un vol, quel pays peut encore placer sa confiance dans la parole américaine ? (ou européenne !) Le montant et la nature des titre et devises ne sont pas clairement mentionnés dans la presse. Selon le dernier état financier de 2021 produit par la Banque centrale de Russie, celle-ci détenait 630 milliards de dollars de réserves dont 311 sous forme de titres, et 152 sous forme de dépôts de devises étrangères (100 auprès d’autres banques centrales et BRI ainsi qu’au FMI). A priori les titres et les dépôts auprès de la banque de Chine échapperont aux sanctions.

Pour que les États-Unis puissent continuer d’utiliser le dollar comme instrument de développement il est impératif que leur dette puisse être échangée contre les billets verts circulant en excédent des réserves dans le monde. Si cette dette ne trouve pas, ou difficilement, preneur, les taux de rémunération des obligations américaines augmenteraient et mécaniquement le service de la dette aussi, ce qui conduirait à creuser encore un peu plus le déficit fédéral et la dette elle-même.

Et … repetita !

Dès lors l’objectif des gouvernements américains, de quelque bord politique qu’ils soient, a été depuis les années 1970 de faire taire la dissidence, c’est à dire d’interdire à quelque pays que ce soit de transformer de façon excessive ses billets verts en autre chose qu’en obligations américaines ou de commercer en autre chose qu’en dollar.

Pour y parvenir il leur faut un gros bâton, et même un très gros bâton ! Ce bâton prend des formes différentes selon que le pays dissident est puissant ou faible géopolitiquement et militairement.

Le Panama, la Grenade, la Serbie, l’Irak ou la Libye ont vu se déchaîner sur eux le bras armé de la puissance américaine qui, faut-il le rappeler encore ici, pèse au moins 40% de l’ensemble des budgets militaires de la planète soit 773 milliards de dollars pour 2023. 

Lorsque la dissidence s’avère trop puissante la punition prend la forme de confiscation des avoirs22, de bannissement de personnalités, d’opérations de déstabilisation politique, de mesures d’isolement financier, économique et diplomatique, d’interdiction de survol, de désinformation, etc… L’originalité de ces punitions est d’être décidées le plus souvent de façon unilatérale dans le cadre juridique du droit américain (sauf pour les opérations menées par la CIA comme par exemple en 1968 en France). Elles s’appliquent non seulement aux États dissidents mais à ceux qui oseraient les aider23.

À défaut de se positionner dans un cadre d’extraterritorialité de leur droit, les États-Unis usent alors de leur influence pour imposer des sanctions via des organisations internationales, Nations unies, FMI, AEIA, OSCE, OMS, etc. ou des vassaux qui ne sont pas en mesure de leur refuser une faveur (Union européenne, Japon, Nouvelle Zélande, Canada, Australie ou Royaume-uni).

Mais pourquoi les États-Unis sortent-ils le gros bâton pour punir la Russie aujourd’hui ? Quel crime de lèse-majesté vis-à-vis du dollar la Russie aurait-elle commis ?

Comme un sparadrap qui colle aux doigts du capitaine Haddock la Russie a hérité de la haine profonde et justifiée laissée par le souvenir des exactions de l’ancien régime communiste de l’URSS. Bien que le système politique actuel de la Russie n’ait plus rien à voir avec celui qui sévissait en Union soviétique, et même si le régime actuel n’est pas parfait, les esprits occidentaux restent imprégnés par ce dernier comme les Français en 1914 étaient imprégnés des mythes du soldat Prussien de 1870 mangeant des enfants et des Cosaques aux yeux crevés, sans nez et sans langue. Bien évidemment la propagande occidentale joue énormément sur ce thème pour faire valoir son droit à restaurer la démocratie, même si celle-ci n’a jamais pris pied un seul jour en Ukraine24 depuis que ce pays existe en tant qu’État indépendant.

Dès lors dans le conflit ukrainien les rôles ont été distribués dès le début. La Russie est le méchant et les Occidentaux, emmenés par les États-Unis, sont les gentils. Au milieu les Ukrainiens qui paient de leur sang un affrontement qui dure depuis 195325 mais qui a pris une tournure quasi frontale entre la Russie et les États-Unis depuis 2014.

Le palmarès des pays occidentaux révèle que ceux-ci ont aussi assez souvent joué du côté des méchants et qu’il a fallu laisser passer quelques décennies à chaque fois26 pour que cette vérité éclate au grand jour.

Aujourd’hui comme hier « Les responsables des guerres ne sont pas ceux qui les déclenchent, mais ceux qui les rendent inévitables »27.

En fait le crime de la Russie est ailleurs. La Russie avec la Chine mène la dissidence. Le graphique ci-dessous en révèle un premier indice.

Figure 5 : Historique des réserves de la banque centrale de Russie
(source: US Treasury et BCR)

Les données reprises ici sont celles du Trésor américain d’une part (US Treasuries) et du rapport annuel de la banque centrale de Russie (réserves). Le Département du Trésor américain publie en effet régulièrement le montant de la dette fédérale détenue par chaque pays étranger. Il s’agit donc du montant de billets verts que chaque pays a transformé en soutien à la dette américaine en les transformant en obligations fédérales. Le graphique révèle que, depuis le renversement du président légitime par le coup d’État de Maïdan en 2014, organisé avec le soutien financier et plus des États-Unis28, le montant des obligations américaines détenues par la banque centrale de Russie a considérablement décru pour passer d’une centaine de milliard de dollars à quelques trois milliards de dollars fin 2021. En résumé, un désengagement presque total.

En outre depuis 2014 et les sanctions occidentales prises en rétorsion à l’annexion de la Crimée, la Russie a développé à marche forcée un ensemble d’outils pour ne plus dépendre des mécanismes financiers occidentaux. Depuis la décision des réseaux gérant les cartes VISA et MasterCard, de ne plus autoriser l’utilisation de leurs cartes de crédit sur le territoire russe, la Russie a mis en œuvre fin 2015 son propre réseau, MIR (en russe Мир). Cette carte est aujourd’hui utilisable dans la grande majorité des anciens pays de l’URSS, dans des pays africains, et dans beaucoup de pays asiatiques dont la Chine et le Japon, dans les EAU, et, de façon étonnante, en Turquie. Enfin les banques russes ont annoncé en mars 2022 l’émission de cartes de paiement utilisant le système chinois de cartes UnionPay couplé au réseau russe MIR. Le réseau chinois existe depuis 2005 et représente aujourd’hui un volume de transactions supérieur aux réseaux VISA et Mastercard. 

Figure 6 : Carte MIR

Quant à l’exclusion de la Russie du système de messagerie de paiement SWIFT29 elle a été palliée par le développement par la Russie dès 2014 de son propre système, SPFS30, et sa mise en service en 2019 puis son interconnexion avec le système chinois CIPS31 et enfin son extension aux pays du groupe BRICS32 et même au delà33.

En définitive la militarisation de la finance par les États-Unis et l’Union européenne en 2014 pour sanctionner la Russie a poussé le pays à acquérir son indépendance vis-à-vis de l’environnement financier et monétaire occidental en développant ses propres outils et en se tournant vers l’est.

Ce virage vers l’est du continent a d’ailleurs pris une ampleur considérable après les accords passés entre la Russie et l’Iran pour la réalisation d’une route Russie-Iran-Inde (INSTC34) et plus récemment après la visite en Arabie saoudite fin 2022 du président chinois Xi Jinping.

Figure 7: Le projet INSTC ou route internationale nord-sud

En quelques années deux blocs se sont désormais constitués :

– d’un côté le monde occidental avec comme chez de file les États-Unis et le dollar comme ciment (j’aborderai le cas désespéré de l’Euro un peu plus loin) ;

– de l’autre un groupement de pays autour de la Chine (et de son projet stratégique de Nouvelle Route de la Soie), de la Russie et des autres pays BRICS qui entendent dessiner leur propre avenir sans les contraintes imposées par l’occident : Iran, Argentine, Égypte, Arabie saoudite, Turquie et potentiellement Algérie, Émirats arabes unis, Cambodge, Éthiopie, Fidji, Indonésie, Kazakhstan, Malaisie, Nigeria, Sénégal, Thaïlande, Mexique, Syrie, Pakistan, et Ouzbékistan.

La Chine et la Russie sont les deux principaux moteurs de cette coalition. À l’occasion de son déplacement en Arabie saoudite le président chinois a, devant tous les dirigeants du Conseil de coopération du Golfe, développé sa vision d’un partenariat35 baptisée « Travailler ensemble sur la base des réalisations du passé pour bâtir un avenir plus radieux des relations Chine-CCG ».

À l’issue de ces échanges les engagements pris par les uns et les autres sonnent comme de véritables déclarations de guerre à l’hégémonie du dollar, un enterrement de l’accord « pétrole contre dollars » de 1979.

La proposition chinoise sert opportunément les projets d’avenir ambitieux de l’Arabie saoudite, élaborés sous la houlette de Mohammad Bin Salman Bin Abdulaziz Al-Saud, qui vise à faire émerger du sable du désert un pays moderne doté d’infrastructures innovantes et d’une industrie performante pour limiter sa dépendance au savoir-faire occidental. À tire d’exemple dans ce projet, Vision 203036, l’Arabie saoudite ambitionne d’allouer 50% de son budget d’investissement militaire à la production locale alors qu’aujourd’hui cette production se limite à seulement 2% du budget de défense37, le reste étant importé. Ce projet trouve donc dans la Chine le partenaire idéal : la Chine paiera en yuan38 mais investira dans nombre des projets de Vision 2030. Un partenariat gagnant- gagnant.

L’offre de Xi a été faite, à dessein, devant l’ensemble des membres du CCG. Ces projets vont du développement de la recherche pétrolière, aux industries de transformation et de raffinage, mais aussi à la réalisation d’infrastructure ou au développement d’industries innovantes (façon Silicon Valley, centres d’hébergement de données, 5G et 6G, coopération dans l’intelligence artificielle et même exploration spatiale, etc.).

L’Iran et la Chine entretiennent déjà une relation spéciale depuis mars 2021 – le Partenariat stratégique global39 – un accord sur 25 ans dans lequel la Chine s’est engagée à investir 400 milliards de dollars dans l’économie iranienne en échange d’un approvisionnement régulier en pétrole iranien. L’accord comprend 280 milliards de dollars pour le développement des secteurs pétrochimiques en aval (raffinage et plastiques) et 120 milliards de dollars pour les infrastructures de transport et de production de l’Iran. Là aussi le partenariat est gagnant- gagnant. L’Iran recevra des yuan pour son pétrole et la Chine aidera au développement des infrastructures iraniennes.

En résumé, l’Iran, l’Arabie saoudite prochainement, mais aussi le Venezuela (depuis 201940), et d’autres vendent ou vendront leur pétrole ou leur gaz en yuan à la Chine. De son côté Moscou vend son gaz et son pétrole en roubles à la Chine mais accepte aussi les paiements par l’Inde en dirhams des Émirats arabes unis.

Sommes-nous à l’aube d’un autre désordre monétaire ?

L’expérience héritée de l’hégémonie du dollar a été mise à profit pour établir un mode de fonctionnement permettant aux divers protagonistes de préserver leur souveraineté monétaire. C’est précisément ce mécanisme qui suscite la ire des États-Unis. Il est construit autour de deux principes simples mais structurant :

– une plateforme d’échange monétaire entre banques centrales : le projet mBridge ou m-CBDC Bridge41, basée sur une nouvelle blockchain – le mBridge Ledger42 pour assurer les échanges sécurisés entre monnaies numériques ;

– une monnaie de réserve internationale à l’instar du DTS43, dont le nom, R5, reprend la première lettre du nom de chacune des monnaies des cinq pays fondateurs du groupe BRICS : Réal, Rouble, Roupie, Renminbi et Rand. Cette nouvelle « monnaie BRICS » sera assise sur les réserves d’or et de matières premières des participants à la communauté BRICS.

La plateforme est réalisée par la Banque de Thaïlande44, l’Autorité monétaire de Hong Kong (HKMA), la Banque centrale des Émirats arabes unis et avec le soutien de la Banque des règlements internationaux45 (BRI). Le projet, qui est entré dans sa phase pilote en 2022, permettra de réaliser des transactions transfrontalières sécurisées et des conversions de devises entre banques centrales, en temps réel, sans impliquer le dollar américain ou un quelconque réseau de banques occidentales.

Au final c’est un environnement complet et autonome qui se profile pour dans moins de cinq ans :

– Les transactions pour le négoce du gaz et du pétrole se dérouleront à la Bourse internationale de l’énergie de Shanghai. Le Shanghai International Energy Exchange est opérationnel depuis 2015 et d’ores et déjà utilisé par quelques pays dans le cadre des sanctions qui ont été imposées aux exportations russes.

– Les paiements circuleront en monnaie locale numérique via la passerelle m-CBDC Bridge.

– La conversion en monnaie BRICS (R5) des excédents de devises étrangères.

Le crime est donc évident : dans cet environnement le dollar n’a plus de place. Le dollar n’est plus utilisé pour les règlements qui se font, et se feront de plus en plus, en monnaies locales. Les contrat à terme sur le pétrole sont, et seront de plus en plus, libellés en renminbi sur la Bourse internationale de l’énergie de Shanghai, et le renminbi est convertible en or sur les bourses de l’or de Shanghai et de Hong Kong, respectivement depuis 2016 et 2017.

Figure 8 : Répartition des avoirs en yuan dans les réserves étrangères. Source: FMI

Au delà des aspects monétaires et commerciaux, les partenariats passés par la Chine et la Russie ont de forts impacts politiques. La Chine est au centre d’un véritable bouleversement géostratégique. Elle est en passe de réussir à mettre autour de la table les ennemis jurés que sont l’Iran et l’Arabie saoudite. Pour faire du business il faut la paix dans la région.

En adhérant en 2021 à l’Organisation de coopération de Shanghai46 (OCS), présentée souvent comme le pendant oriental de l’OTAN, l’Iran a rejoint les membres existants47, Chine, Russie, Kazakhstan, Kirghizistan, Ouzbékistan, Tadjikistan, Inde et Pakistan. Néanmoins l’Arabie saoudite et le Qatar qui ont obtenu le statut d’observateur (au même titre que la Turquie, membre de l’OTAN!) pourraient prochainement rejoindre l’organisation.

Figure 9 : Les dirigeants des pays de l’Organisation de coopération de Shanghai

Le projet de la Russie, de la Chine et des BRICS fait désormais de l’ombre au dollar. Pour les États-Unis la réussite du projet BRICS devient une question existentielle. Les deux promoteurs de ce projet sont donc dans le viseur des États-Unis : aujourd’hui la Russie et demain la Chine … sauf si !

Les sanctions de 2014 utilisées contre la Russie ont déclenché une prise de conscience planétaire de l’insécurité de détenir des réserves en dollars facilitant le ralliement de nombreux pays au projet sino-russe de nouvelle architecture monétaire, commerciale et politique internationale.

L’économiste Ousmène Mandeng dans un papier48 publié dans le Financial Times pointe ainsi ce ressenti : « Si l’accès peut leur être refusé, les banques centrales du monde entier peuvent reconsidérer l’utilité des réserves de change et les conditions dans lesquelles elles sont détenues ».

Figure 10 : Israël diversifie ses réserves de devises en introduisant le RMB chinois et allège la part du dollar dans celles-ci (24/04/2022).

Dans son dernier rapport49 World Economic Outlook le Fonds monétaire international (FMI) fait une observation qui rejoint ce point de vue : « La guerre en Ukraine et les sanctions internationales connexes visant à faire pression sur la Russie pour qu’elle mette fin aux hostilités divisent l’économie mondiale en blocs et renforcent les tensions géopolitiques antérieures, telles que celles associées au différend commercial entre les États-Unis et la Chine. La fragmentation pourrait s’intensifier – avec davantage de restrictions sur les mouvements transfrontaliers de capitaux, de travailleurs et de paiements internationaux – et pourrait entraver la coopération multilatérale sur la fourniture de biens publics mondiaux. Les coûts d’une telle fragmentation sont particulièrement élevés à court terme, car le remplacement des flux transfrontaliers perturbés prend du temps»

Le même FMI souligne50 dans un rapport de janvier de cette année l’attrait que représente l’or dans ce contexte d’insécurité hérité des prérogatives que ce sont arrogés les pays occidentaux de sanctionner tel ou tel pays. L’or devient non seulement un actif important dans un contexte économique ou géopolitique incertain mais aussi la meilleure façon de sécuriser ses réserves contre d’éventuelles sanctions des États-Unis ou de l’Union européenne : « Des preuves agrégées suggèrent que certains gestionnaires de réserves réagissent aux coûts et rendements relatifs : ils augmentent la part de l’or lorsque le rendement attendu est élevé alors que celui des actifs financiers, tels que les titres du Trésor américain, est faible. Ils considèrent l’or comme une couverture contre les risques économiques et géopolitiques : les parts d’or dans les pays avancés et les marchés émergents augmentent avec une mesure d’incertitude économique, et celles des économies avancées augmentent en plus avec une mesure de risque géopolitique. En outre, nous constatons que les gestionnaires de réserves des marchés émergents augmentent la part des réserves détenues en or en réponse au risque de sanctions. Bon nombre des augmentations les plus importantes d’une année sur l’autre des avoirs en or des banques centrales individuelles se produisent à des moments où ces banques centrales sont ou ont des raisons de penser qu’elles pourraient faire l’objet de sanctions financières. »

Cette réflexion ne serait pas complète si la question de l’euro vis-à-vis du dollar n’était pas abordée.

L’Euro ne marche-t-il pas sur les plate-bandes du dollar ?

En effet il est légitime de se poser la question de la cohabitation entre ces deux monnaies après avoir abordé le mécanisme par lequel les États-Unis cherchent à préserver l’hégémonie planétaire du dollar. Cette domination du dollar n’a-t-elle pas été mise à mal par l’introduction de l’euro dans les réserves mondiales ? 

Lors de son introduction en 1999 l’euro a pris la place qu’occupait les monnaies nationales dans les réserves des pays étrangers. La première place était avant cette date occupée par le deutschemark et l’ECU (environ 15% des réserves de change mondiales). À l’introduction de l’euro, le dollar représentait 72% des réserves de change dans les réserves des banques centrales et l’euro 21%. Aujourd’hui l’euro est toujours à 21% des réserves de change mais le dollar à 59%. Ce dernier pâtit à l’évidence de l’émergence des monnaies des pays émergents et plus particulièrement du yuan depuis son admission en 2016 dans la constitution du DTS et surtout depuis la convertibilité de cette monnaie en or à Shanghai et Hong Kong.

Figure 11: Part des différentes devises dans les réserves de change des banques centrales. Source : FMI

Si l’adversaire à abattre pour les États-Unis est le couple Chine-Russie, il n’en demeure pas moins que les derniers évènements en Ukraine autorisent à spéculer sur les intentions cachées des États-Unis dans ce conflit vis-à-vis de l’Union européenne, c’est à dire au-delà de l’objectif évident de mettre à genou la Russie pour n’avoir plus tard qu’un seul adversaire dans un éventuel second round en extrême-orient.

En effet le niveau d’implication de l’Union européenne dans ce conflit laisse perplexe. Les États-Unis, conformément au plan d’action révélé en avril 2019 dans le rapport51 de 354 pages de la société de conseil Rand Corporation (une annexe de la CIA) après soumission aux commissions ad hoc du Congrès à l’automne 2018, ont entraîné tous les pays européens dans des sanctions économiques contre la Russie. Ceux-ci étaient tous au courant des intentions américaines puisque le document était devenu publique en 2019 et que la plupart des pays européens savaient que les accords de Minsk étaient une façon déguisée d’obtenir un délai pour armer et former l’armée ukrainienne52 avant d’entreprendre un conflit armé ouvert53. Les rapports de l’OSCE de 2014 à décembre 2021 n’ont cessé de rapporter une situation de guerre larvée insupportable pour les habitants du Donbass.

Il est incompréhensible que les États européens aient accepté de se tirer une balle dans les deux pieds en se coupant du gaz, du pétrole, du gazole et autres matières premières à bas coût venant de Russie et de leurs exportations vers ce pays. Il est incompréhensible que les gouvernants européens, sous le faux prétexte de sauver une imaginaire démocratie ukrainienne, aient accepté de conduire en connaissance de cause les industries européennes vers la ruine.

Un seul pays a un intérêt à voir la puissance industrielle européenne et plus particulièrement allemande à se diriger tout droit vers l’effondrement du fait de matières premières hors de prix venant des États-Unis (gaz) ou de Chine (importation de GNL russe) ou d’Inde (gazole raffiné en Inde à partir de pétrole russe). Lorsque la récession gagnera l’Europe le pays dont il est question profitera de la migration vers le dollar des réserves de change actuellement en euro et accueillera les bras ouverts les entreprises européennes en recherche de matières premières bon marché tout en faisant profiter son industrie de l’armement de la frénésie de commandes d’équipements de la part de pays européens totalement dénudés par les transferts de leurs rares équipements vers l’Ukraine.

En entraînant l’Europe dans son projet longuement mûri de destruction de la Russie les États-Unis ont non seulement établi un mur entre l’Europe et l’Eurasie mais ont aussi re-vassalisé les États européens et ébranlé la confiance internationale dans l’euro et la compétitivité de l’industrie européenne pour longtemps.

Conclusion 

Certes le dollar ne disparaîtra sans doute jamais mais son déclin est aujourd’hui bel et bien engagé. La lutte des États-Unis pour conserver leur hégémonie sur la planète sera longue et sans pitié. Le pays a goûté pendant 70 ans aux fastes procurés par le statut du dollar, il n’abandonnera pas sur une seule déception.

Néanmoins il y a peu de doute sur le succès de ce nouvel ordre multipolaire qui se concrétise de plus en plus vite sous nos yeux. Les pays de ce bloc ont un poids démographique considérable. Leurs économies ne sont pas encore en mesure de rivaliser avec l’Occident mais les perspectives sont impressionnantes lorsqu’on se penche sur les matières premières que ces pays sont en mesure d’exploiter ; en outre leur savoir-faire technique et industriel est au niveau de l’Occident désormais.

L’originalité de ce bloc dissident est d’avoir patiemment créé une image, dans leur monde, des institutions phares du monde du dollar. La LBMA54 de Londres a son pendant à la bourse de Shanghai, le Shanghai Gold Exchange55 ; le Shanghai International Energy Exchange assure une partie des activités du NYMEX de NewYork ; et bien sûr une plate-forme d’échange monétaire prochainement, puis un FMI-bis ?…

Au delà d’un « simple » séisme monétaire la constitution de ces deux blocs est révélatrice de deux conceptions du monde en totale opposition culturelle et sociale. L’Occident agace l’autre monde en brandissant ses bannières dans des croisades pour la démocratie, pour les minorités en tout genre, pour le climat, pour la défense des animaux, des végétaux, etc., cherchant à imposer ses modèles de société à l’autre monde sans prendre en compte les contextes culturel, social et religieux, les coutumes, en résumé l’identité et l’histoire des autres peuples.

Pour les pays BRICS et les pays qui leur sont associés il s’agit probablement aussi, et de façon subliminale, d’une sorte de revanche, du « colonisé envers le colonisateur ». Ces pays, souvent riches en matières premières que l’Occident a exploité pour stimuler sa prospérité, relèvent la tête. Ils sont las des leçons de démocratie, des menaces et de constater la lente érosion de leur culture par une culture mondialiste anglo-saxonne.

Le dollar restera encore un acteur dominant mais désormais l’or reprend sa place officiellement.

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  1. « Investir dans les métaux précieux – Le guide pratique complet » Y. Colleu (Eyrolles – 2014) Page 52.
  2. Dette 2022 : 30 824 milliards de dollars
  3. The Stealth Erosion of Dollar Dominance : Active Diversifiers and the Rise of Nontraditional Reserve Currencies par Serkan Arslanalp, Barry Eichengreen, and Chima Simpson-Bell – WP/22/58- FMI 24 mars 2022.
  4. Grenade 1983 (à la demande de l’Organisation des États de la Caraïbe orientale sous influence totale des USA, Panama 1989, Kosovo 1999, Irak 2003 à 2011, Libye 2011, bombardements en Irak et Syrie contre Daesh sans l’accord de la Syrie 2014, Syrie 2020. À toutes ces interventions il faudrait aussi ajouter les nombreuses opérations de la CIA destinées à renverser des gouvernements en place (Iran 1953, Guatemala 1954 et 1960, Indonésie 1958, Brésil 1964, République Dominicaine 1965, Chili 1973, … mais la liste est trop longue).
  5. Ce n’est pas parce que la Cour internationale de Justice a eu l’occasion de déclarer qu’elle qualifiait d’illicite en 1986 ces « ingérences dans les affaires internes des États » que les USA ont abandonné cette pratique. Lire
  6. La justice américaine inflige 777 millions de dollars d’amende sur l’affaire Lafarge en Syrie (18/10/2022) Alstom condamné à 772 millions de dollars d’amende aux États-Unis (2014)
  7. Ancien dirigeant d’une division d’Alstom, Frédéric Pierucci a passé deux ans derrière les barreaux aux États-Unis alors que General Electric rachetait la branche énergie d’Alstom. À travers son ouvrage « Le Piège Américain » co-écrit avec le journaliste Matthieu Aron, il dénonce avec véhémence la manière dont les États-Unis ont utilisé l’extraterritorialité de leur loi anti-corruption à des fins de manipulations économiques. (source : Entreprendre.fr)
  8. https://comptroller.defense.gov/Budget-Materials Ce montant n’englobe pas certaines lignes de budget dissimulées dans les budgets des services de renseignement, des organisations nucléaires et spatiales.
  9. La note « France’s client & Qaddafi’s gold » du 2 avril 2011 envoyée à Hillary Clinton précise « Cet or a été accumulé avant la rébellion actuelle et était destiné à être utilisé pour établir une monnaie panafricaine basée sur le dinar-or libyen. Ce plan a été conçu pour offrir aux pays africains francophones une alternative au franc français (CFA). (Commentaire de la source : selon des personnes bien informées, cette quantité d’or et d’argent est évaluée à plus de 7 milliards de dollars. Les agents du renseignement français ont découvert ce plan peu de temps après le début de la rébellion actuelle, et c’est l’un des facteurs qui ont influencé la décision du président Nicolas Sarkozy d’engager la France à attaquer la Libye) » nota : traduction de l’original.
  10. London Metal Exchange (LME)
  11. Le document officiel et confidentiel, « France’s client & Qaddafi’s gold » du 2 avril 2011 impliquant Bernard Henri-Levy dans le projet au nom du président Zarkozy, a disparu de beaucoup des sauvegardes de Wayback Machine, mais pas de toutes.
  12. L’étalon de change-or.
  13. En 2021 la consommation journalière a été de 94 millions de barils, ce qui représente à 80$ le baril, 7,5 milliards de dollars par jour. Ce montant pourrait en première lecture paraître important si on ne considérait pas le marché des contrats dérivés adossé à cette production qui représente 25 à 50 fois ce montant. En outre sur les 96 000 milliards de dollars de dérivés de devises de gré à gré en circulation, 85 000 milliards de dollars impliquent le dollar américain et seulement 31 000 milliards de dollars impliquent l’euro.
  14. Dans les faits, depuis 1968 seules les banques centrales étrangères pourront désormais échanger leurs dollars contre de l’or. L’exception accordée aux banques centrales n’est qu’une mascarade destinée à masquer les difficultés aux marchés financiers. Néanmoins par un accord tacite passée avec les banques centrales étrangères ces dernières s’engagent à ne pas demander la convertibilité. La France est, elle, sortie le 11 février 1965 de l’étalon de change-or ; une offense au dollar que le gouvernement américain n’oubliera pas en 1968 (voir l’implication de la CIA dans les actions syndicales de 68).
  15. « L’or et la crise du dollar » Robert Triffin (PUF-1962)
  16. Jacques Rueff dans Le péché monétaire de l’Occident
  17. Le pétrodollar a pris toute son ampleur avec la mise en place à Londres et à Luxembourg du marché de l’Eurodollar, c’est à dire la négociation de la liquidité en dollar US hors des États-Unis. Lire.
  18. Via le réseau Federal Reserve’s Funds Transfer System (Fedwire©).
  19. https://home.treasury.gov/policy-issues/financing-the-government
  20. https://home.treasury.gov/news/press-releases/jy0612
  21. Le montant et la nature des titre et devises ne sont pas clairement mentionnés dans la presse. Selon le dernier état financier de 2021 produit par la Banque centrale de Russie, celle-ci détenait 630 milliards de dollars de réserves dont 311 sous forme de titres, et 152 sous forme de dépôts de devises étrangères (100 auprès d’autres banques centrales et BRI ainsi qu’au FMI). A priori les titres et les dépôts auprès de la banque de Chine échapperont aux sanctions.
  22. US Treasury – Office of Foreign Assets Control – Sanctions Programs and Information.
  23. Financial Times : « Les amendes imposées par les autorités américaines entre 2004 et 2019 pour des violations des sanctions, impliquant principalement l’Iran, ont coûté au total près de 12 milliards de dollars aux banques occidentales. »
  24. Une lecture attentive des rapports de l’OFPRA, d’Amnesty International, ou de Freedom House d’avant 2022 donne une bonne idée du régime qui sévissait en Ukraine avant cette date.
  25. Pour résumer simplement : voir les opérations REDSOX et AERODYNAMIC de la CIA en 1953 ; la « main invisible » de la CIA en 2004 ; l’implication avouée, Victoria Nuland, des États-Unis dans le coupe d’État de 2014, le mensonge des accords de Minsk …
  26. Wikileaks, Serbie, Lybie, Irak, Grenade, Panama, etc.
  27. Charles Louis de Secondat, baron de La Brède et de Montesquieu
  28. L’implication des États-Unis a été confirmé à la fois par des enregistrements téléphoniques de Victoria Nuland (US Assistant Secretary of State) avec Geoffrey Pyattet (US Ambassador to Ukraine) en 2014 et par Victoria Nuland elle-même en 2013 à l’occasion d’une réunion de « pétroliers » auxquels elle révélait le montant de l’aide financière (4 milliards de $) apportée par les États-Unis à l’Ukraine dont aux mouvements d’extrême droite ukrainiens ayant fomenté le putsch.
  29. Society for Worldwide Interbank Financial Telecommunications.
  30. Système de transfert de messages financiers : SPFS soit en russe : Система передачи финансовых сообщений (СПФС), et en écriture romane :  Sistema peredachi finansovykh soobscheniy.
  31. Système de paiement interbancaire transfrontalier ou Cross-Border Interbank Payment System (CIPS).
  32. Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud
  33. Du fait de la conformité des systèmes chinois et russe avec la norme mondiale de messagerie de paiement ISO20022 ces deux systèmes sont en fait parfaitement compatibles avec la système SWIFT.
  34. Le corridor international de transport Nord-Sud (INSTC), un réseau de routes terrestres et maritimes partiellement opérationnel de 7000 kilomètres de long reliant la Russie à l’Inde.
  35. « Travailler ensemble sur la base des réalisations du passé pour bâtir un avenir plus radieux des relations Chine-CCG », 2022-12-10 08:52 – Allocution de Monsieur Xi Jinping président de la République populaire de Chine au Sommet Chine-Conseil de coopération du Golfe – Riyad, le 9 décembre 2022
  36. Vision 2030 : A Story of Transformation
  37. Lire page 47 de ce pdf ici
  38. Le renminbi (RMB) est le nom officiel de la monnaie chinoise, alors que le yuan (ou Chinese yuan (code : CNY) est le nom de l’unité en moyen de paiement de cette monnaie. Une distinction subtile que nous ne faisons pas en occident et qui témoigne de la connaissance approfondie du concept de monnaie en Chine.
  39. https://en.wikipedia.org/Iran-China-25-year-Cooperation-Program
  40. https://www.reuters.com/exclusive-facing-u-s-sanctions-venezuela-offers-suppliers-payment-in-chinese-yuan-sources
  41. Le nom du projet peut se traduire par « passerelle multiple entre monnaies numériques de banque centrale ».
  42. https://www.ubs.com/m-cbdc-bridge.pdf
  43. Le Droit de Tirage Spécial ou DTS est un avoir de réserve international créé en 1969 par le FMI pour compléter les réserves de change officielles de ses pays membres.
  44. https://www.bot.or.th/DigitalCurrency/Documents/mBridgeBrochure.pdf
  45. Project mBridge : Connecting economies through CBDC
  46. OCS : d’une part organisation de coopération en matière de sécurité et de défense et d’autre part dans les domaines économiques et financiers (établissement d’une zone de libre échange commercial et la création d’une banque régionale de développement).
  47. http://eng.sectsco.org/for-media/2022/10/05/
  48. « The $300bn question facing central banks »
  49. World economic outlook update – Inflation Peaking amid Low Growth (FMI – janvier 2023)
  50. Gold as International Reserves: A Barbarous Relic No More ? Par Serkan Arslanalp, Barry Eichengreen, and Chima Simpson-Bell – WP/23/14 – © 2023 International Monetary Fund
  51. Extending Russia – Competing from Advantageous Ground (Rand Corp. 2019) 354 pages
  52. Information confirmée par Angela Merkel, François Hollande, Boris Johnson et Petro Porochenko.
  53. Avril 2021 : Zelenskyy réitère sa demande auprès du secrétaire général de l’OTAN affirmant que « l’OTAN est le seul moyen de mettre fin à la guerre dans le Donbass » 1er septembre 2021 : Entretien Zelenskyy et Biden sur un partenariat stratégique entre les deux pays.10 novembre 2021 : Signature du U.S.-Ukraine Charter on Strategic Partnership (Partenariat stratégique USA-Ukraine).18 février 2022 : Zelenski lance une offensive majeure sur le Donbass en contravention avec les accords de Minsk II (Lire ICI et ICI). 19 février 2022 : Zelenski invité d’honneur au forum de la sécurité de Munich où il évoque la possibilité pour l’Ukraine de se doter de l’arme nucléaire (soit la remise en cause du Memorandum de Budapest de 1994 qui se résume par le respect des frontières de l’Ukraine en contre-partie de la dénucléarisation totale de l’Ukraine).
  54. LBMA : London Bullion Market Association
  55. https://en.sge.com.cn
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Michelsvrin
Membre
27 février 2023 10 h 00 min

Les ratios PIB démontrent une fabuleuse et exceptionnelle faillite économique !

Tanquafer
Membre
27 février 2023 10 h 24 min
Répondre à  Michelsvrin

Tout n’est pas perdu, l’annexion de l’euro c’est mieux que celle de la Crimée : https://m.youtube.com/watch?v=xzJ8Ic3PBys&t=314s

MJMRI
Membre
27 février 2023 13 h 03 min
Répondre à  Tanquafer

Merci !

MJMRI
Membre
27 février 2023 13 h 04 min
Répondre à  Michelsvrin

+😜❗

Cloclo
Membre
27 février 2023 13 h 08 min
Répondre à  Michelsvrin

Déjà que la notion de PIB est hors sol, alors les comparaisons fondées sur ratios sur PIB…

Michelsvrin
Membre
27 février 2023 14 h 28 min
Répondre à  Cloclo

Le PIB c’est totalement dément…

OTSD
Membre
27 février 2023 10 h 26 min

Ce processus ne se réalisera pas sans encombre. L’acharnement dont fera preuve l’hégémon pour garder ses privilèges sera à ne pas en douter féroce et peut durer des années. Beaucoup de victimes en perspective mais c’est le prix à payer pour un monde meilleur.    

tournicoton
Membre
27 février 2023 12 h 26 min

Excellent article qui explique parfaitement la situation actuelle.
Et je m’en va te me le copier pour les conserver précieusement…
Voilà, voilà! Et donc jusqu’à quand le FMI autorisera les USA à, littéralement,
foutre en l’air l’économie mondiale?
Parce que la question est là, non?
En dehors des billevesées et simagrées idéologiques diffusées de ci de là,
s’apercevoir que tout ceci n’est qu’une guerre économique d’un “pays” contre l’ensemble des autres quitte à ravager le restant du monde pour quelques personnes riches comme crésus (je pense une fois de plus à la réalité économique quotidienne du citoyen américain moyen depuis belle lurette)…
Si le dollars se casse la binette, ce qui d’ailleurs est le cas, les USA suivront.
l’ensemble des autres pays, finira par mettre en avant son droit de survie…
Ce qui d’ailleurs se passe de plus en plus et les USA seront les plus grands perdants.
Mais qu’est ce que je dis là? des banalités de plus…

Vanda
Membre
28 février 2023 6 h 40 min
Répondre à  tournicoton

Oui l’article est excellent et à garder précieusement car clair et très bien écrit . L’auteur est un vrai pédagoue !

vmr000769
Membre
27 février 2023 12 h 38 min

«Revanche»? Non pas, Fin d’une ère!

Bref, le parasitisme impérial, ce pillage qui consiste à assurer que moins de 15% de l’humanité vive aux dépens du plus de 85% restant, c’est terminé. Ce n’est plus qu’une question de temps pour que ce le soit inéluctablement… et sans retour.

Louis Robert

Iblane
Membre
27 février 2023 15 h 19 min

Le vent de l’est l’emportera sur le vent de l’ouest disait mao tse tong dans les annees 1960. La realite lui donne raison.

josepha
Membre
27 février 2023 15 h 50 min

c’est un article des plus intéressants pour comprendre l’historique de la puissance américaine et sa décadence aujourd’hui. J’ai beaucoup aimé et le relirai. Maintenant je trouve qu’ayant lié la puissance américaine à sa monnaie et sa puissance militaire, l’auteur ne mentionne pas assez l’impact qu’aurait sur les USA le fait de perdre la guerre contre la russie, car alors un des pilliers des USA s’effondrerait, le mythe de l’amérique invicible s’effondrerait et le dollar s’effondrerait et avec la domination américaine ! d’autant plus que les uniens ont l’intention de consacrer en 2023 700 milliards de dollars à leur défense ! la guerre en ukraine pourrait être un accélérateur pour la décadence américaine.

REGIS2214
Membre
27 février 2023 16 h 46 min
Répondre à  josepha

Vous verrez, ça sera la faute à Zelinsky si la guerre est perdue.

Chtdk
Membre
27 février 2023 18 h 03 min

Le grand hic de la plateforme des brics est la présence de la BRI au sein de cette organisation une erreur magistrale en l’espèce……..

Irkoutsky
Membre
27 février 2023 21 h 08 min
Répondre à  Chtdk

Vous touchez là un point central qui m’a aussi fait tilt quand on sait qui contrôle la BRI. Dommage que l’auteur de l’article a élidé la question comme celle du contrôle de 95% des banques centrales du monde par la même famille trop connue.

Collignon
Membre
27 février 2023 19 h 11 min

La fin des accords de Bretton Woods 1971 et la fin de la guerre du Vietnam 1975 .L’ application effective de la fin des accords de Bretton Woods a eu lieu  en 1976 ( Les accords conclus à la Jamaïque, les 7 et 8 janvier 1976, ont marqué la fin du système monétaire de Bretton Woods ) comme par hasard juste a la fin de la guerre du Vietnam. Ou les Etat unis sont sortie rincer. Ils ont réussie a mettre a genoux l’ex union soviétique avec la planche a billets .Ils rêvent d’un bis repetita avec la Russie la Chine et potentiellement l’ Inde.

trackback

[…] aussi l’article de Yannick Colleu paru sur le site Réseau International :https://reseauinternational.net/en-route-vers-un-nouvel-ordre-monetaire/ et voir ce […]

trackback

[…] C’est déjà ce que sont en train de faire de nombreux Français au titre de la réforme des retraites, voulue par l’Union européenne et qui pourrait être très utile à certains fonds américains pour faire face au cataclysme financier que les sanctions contre la Russie sont en train de provoquer avec en particulier l’effondrement du dollar, abandonné par certains pays et qui est en train de perdre son statut de monnaie de référence, comme l’explique très bien Yannick Colleu, analyste financier spécialisé sur l’or, dans l’article « En route vers un nouvel Ordre Monétaire ». […]