La silicose : maladie professionnelle du mineur

09 décembre 1981
03m 32s
Réf. 00164

Notice

Résumé :

Le volet des "Mémoires de la mine" consacré au corps, fait une large part à la maladie. Maurice Terron, médecin des sociétés de secours minières d'Aniche, explique sur des radiographies les effets de la silicose sur les poumons.

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Date de diffusion :
09 décembre 1981
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Éclairage

Le "médecin des mines" est un personnage incontournable des pays noirs. Longtemps directement salarié par les compagnies exploitantes privées, il est devenu un fonctionnaire relevant de l'autorité des Charbonnages de France. Plus largement, l'accès aux soins, à titre gratuit, constitue l'un des avantages accordés aux mineurs en contrepartie de leurs faibles salaires et relève peu ou prou d'une politique d'accompagnement social de type paternaliste qui se prolonge après la nationalisation des Houillères à la Libération.

Ce médecin du travail est avant tout responsable de la santé des mineurs et de leur "employabilité", les déclarant aptes – ou pas – au travail. Sa situation ambiguë (à la fois soignant au service des populations et salarié du "patron") suscite parfois des doutes quant à son impartialité ou à la liberté pleine et entière dont il dispose lorsqu'il s'agit d'établir un lien entre pathologie et conditions de travail. Au cours du XXe siècle, son rôle évolue peu à peu : souvent limité à un suivi médical basique - hors accident grave ou catastrophe - avant 1945, il prend par la suite une dimension plus directement préventive lorsque l'étiologie des maladies professionnelles (le rôle néfaste du plomb et du mercure est reconnu à partir de 1919) se développe et s'affirme, la silicose ne devenant une maladie professionnelle officiellement reconnue qu'en 1946. A la fin de la période d'exploitation massive du charbon, dans les années 1970 et 1980, les médecins des mines sont surtout confrontés au caractère massif du nombre de maladies déclarées, souvent très tardivement au regard de l'exposition prolongée des mineurs et accompagnent de leur mieux les malades.

La silicose est une maladie pulmonaire provoquée par l'inhalation de fines particules de poussière de silice, directement liée à l'exploitation massive du charbon depuis la fin du XVIIIe siècle et dont l'explosion date de l'emploi généralisé de machines d'extraction lourdes (marteaux-piqueurs puis haveuses), a fortiori sans protection ou neutralisation des poussières. Elle se caractérise également par une phase de latence souvent très longue - du moins dans sa forme principale - puisqu'elle ne se déclare qu'après une exposition d'une dizaine d'années au moins, alors même que la maladie couve depuis longtemps. Une fatigue générale puis une difficulté croissante à respirer constituent les premiers symptômes, parfois compliqués par des épisodes chroniques de surinfection bronchique. Cela entraîne une réduction progressive mais irréversible de la capacité pulmonaire, parfois amplifiée par une affection tuberculeuse. L'insuffisance respiratoire ne cesse de s'amplifier, provoquant un sentiment d'étouffement toujours plus fréquent jusqu'à l'agonie, souvent lente et douloureuse.

Le texte par lequel débute cet extrait signale clairement les étapes de cette "épidémie silencieuse" : il rappelle son origine, ses symptômes, ses effets et enfin sa fin inéluctable, dès lors qu'il s'agit d'une pathologie évolutive et incurable. Le diagnostic repose en premier lieu sur la mesure de la capacité respiratoire (spirométrie), mais c'est la radio pulmonaire (massivement utilisée par le Dr Schaffner dans les années 1940 et 1950) qui permet le mieux de suivre les ravages de la maladie, avant que le scanner ne prenne le relais dans les dernières années. Les explications du Dr Terron, étayées par des radiographies particulièrement illustratives, présentent les différentes étapes de la maladie dans un saisissant avant/après accéléré. Au caractère "piqueté" de la première radio succèdent bien vite les masses blanches correspondant à autant de nodules malins, amputant la capacité respiratoire du malade de 40%, puis en totalité lorsque la maladie a fait perdre toute souplesse au diaphragme et a irrémédiablement endommagé l'appareil respiratoire.

La silicose a été la plus grande maladie professionnelle du XXe siècle. On compte encore plusieurs centaines de cas déclarés par an et elle continue à tuer en 2013.

Matthieu de Oliveira

Transcription

(Bruit)
Maurice Terron
Avant de parler d’une radio de silicosé, deux mots sur une radio dite normale. Cette grande ombre blanche, c’est le cœur. Cette petite arrondie, c’est la crosse de l’aorte, gros vaisseau qui part du cœur. Le diaphragme de chaque côté, les côtes, on les voit bien, les clavicules, et derrière, la colonne vertébrale qu’on devine ici en surimpression. Le plus, ces petites traînées blanches, plus pâles sont les traces des bronches et des bronchioles. Alors, première radio correspondant, disons, à un premier stade de silicose. Donc, on retrouve toujours, le diaphragme est déjà ici là, une ligne droite, donc qui montre un manque de souplesse. Bon, l’ombre cardiaque, la crosse de l’aorte, les clavicules, les côtes. Et on voit tout de suite que dans cette tonalité, il y a quand même une différence assez importante avec l’autre côté ; au sens que là, il y a un petit piqueté, plus pâle, assez dense. On a un aspect un petit peu impressionniste du poumon. Ces toutes petites zones qui apparaissent plus pâles correspondent au premier stade, disons, de reconnaissance d’une silicose qui ont une taille disons inférieure à un millimètre. Puis, l’exposition continuant ou l’évolution de la maladie continuant, on arrive à un stade donc plus aggravé ; où là, il n’y a pas besoin tellement de faire de discours. Mais toutes ces tâches blanches correspondent aux nodules dont la taille anatomique va de un millimètre à six millimètres. Et là, les deux poumons apparaissent comme truffés. Un stade comme ça, est actuellement, disons, reconnu à 40 %. On va voir la radio suivante qui, du premier coup d’œil, peut paraître moins atteinte, moins démonstrative en tout cas ; où ces nodules de la radio précédente là, de un à six millimètres, peuvent se joindre les uns aux autres, et former donc des accumulations. Avec des images quand même beaucoup plus importantes. La silicose touche tout dans l’arbre respiratoire. Le diaphragme dont on parlait tout à l’heure, on l’aperçoit ici. Et là, c’est net, très modifié, très rétracté, manquant de souplesse, et donc ayant perdu une fonction ventilatoire, qui est une fonction très importante. Ce sujet a donc été reconnu à 100 %, mais il avait aussi eu une complication bacillaire. Une complication bacillaire, ça veut dire, tuberculose, qui est une des complications de la silicose.