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Bioterrorisme : l'arme de la variole refait surface

Publié le 24 oct. 2003 à 01:01

ENVOYÉ SPÉCIAL À GENÈVE. « Du point de vue des terroristes, la variole est l'arme idéale. » Le discours de Kenneth Alibek est connu. Depuis dix ans, cet ancien responsable des programmes de recherche soviétiques sur la guerre bactériologique, passé à l'Ouest en 1992, dénonce les dangers du bioterrorisme avec des arguments terrifiants. Devenu une vedette incontournable des réunions sur ce thème, Ken Alibek était cette semaine à Genève.
Sous l'égide de l'Imperial College de Londres et de l'université de Lausanne, quelques-uns des meilleurs épidémiologistes mondiaux ont de nouveau cherché à attirer l'attention des pays riches sur les risques du bioterrorisme. « Il ne faut pas être naïf, la menace est réelle », proclame sans relâche Ken Alibek. Aujourd'hui professeur à l'université George-Mason dont il dirige le centre de biodéfense, ce spécialiste des maladies infectieuses a témoigné intensivement devant le Congrès américain. Ses avertissements ont été utilisés par l'administration Bush pour mettre en place le plan BioShield en début d'année (« Les Echos » du 11 septembre). « La probabilité qu'un pays possesseur de virus fournisse des groupes terroristes n'est pas nulle, juge Ken Alibek, c'est un moyen idéal pour mettre un pays à genoux. »

Selon le chercheur soviétique, une contamination même limitée et contenue par des mesures de restriction de circulation pourrait avoir des conséquences désastreuses pour l'économie du pays visé. « Dans un premier temps, le tourisme s'effondrerait et, de proche en proche, toutes les activités seraient touchées. On a bien vu l'impact de l'épidémie de SRAS dans les pays asiatiques. La variole est bien pire. La question est de savoir comment il faut se préparer. »

Officiellement, les stocks de virus de la variole existants sur Terre reposent dans des lieux désignés par l'Organisation mondiale de la santé : les Centres for Disease Control (CDC) à Atlanta et l'Institut pour les préparations virales de Moscou. Un autre organisme russe, le centre de recherche en virologie de biotechnologie de Novosibirsk, est également un détenteur probable de souches virales. « Mais en réalité une dizaine de pays ont des programmes de recherche plus ou moins avancés sur l'arme variolique », indique Ken Alibek.

Des stocks ont disparu
« Avec quelques centaines de litres de préparation de virus de la variole, on peut contaminer une zone de 150 à 180 kilomètres où la mortalité serait très élevée. Le virus est facile à préparer. Soit sur des embryons de poulet ou dans des tissus en culture dans des fermenteurs. Ces deux techniques ont été utilisées dans l'ex-Union soviétique. La survie dans l'air du virus dépasse les vingt-quatre heures », indique le chercheur russe. « Le taux de mortalité de la variole chez les personnes atteintes et non vaccinées est d'environ 25 % et il n'y a pas de traitement connu », ajoute Riccardo Wittek, professeur à l'université de Lausanne et lui aussi spécialiste des maladies infectieuses. « La maladie est très contagieuse et un malade contamine en moyenne 25 personnes autour de lui. »

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Cette menace est d'autant plus sérieuse que selon l'OMS, 90 % de la population mondiale ne sont plus protégés contre la maladie, puisque la vaccination n'est plus pratiquée de façon systématique depuis le début des années 1980 (le dernier cas rapporté remonte à 1977 en Somalie).
Actuellement, seuls les Etats-Unis ont repris des vaccinations systématiques (400.000 militaires et 40.000 civils exposés à ce jour) alors que cette pratique n'est pas recommandée par l'OMS à cause des effets secondaires importants liés à l'usage des vaccins existants. « La vaccination doit être réservée aux personnes exposées, comme les professionnels de la santé. Si une crise éclatait, elle serait utilisée pour contenir l'épidémie », indiquait le directeur général de l'OMS Gro Harlem Bruntland en octobre 2001. En d'autres termes, le rapport bénéfice/risque de la vaccination, très insuffisant en temps normal, redevient positif en cas d'épidémie déclarée. Dans cette hypothèse ultime, la plupart des pays ont reconstitué des stocks de vaccins dont la nature n'est pas toujours publique. « Les Etats-Unis disposent d'un stock de 300 millions de doses pour vacciner la population en cas de crise », indique Peter Jahrling, conseiller scientifique au centre de recherche sur les maladies infectieuses de l'armée américaine (Usam-RIID).

Ces menaces sont elles crédibles ? Selon Ken Alibek, dans les années 90 l'URSS a produit une vingtaine de tonnes de virus de la variole et les activités de guerre bactériologique employaient plusieurs dizaines de milliers de personnes dans les usines soviétiques. Récemment, les autorités russes ont reconnu qu'une partie de ce stock avait disparu et que de nombreux scientifiques ayant participé au programme avaient quitté le pays.

ALAIN PEREZ

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