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Dans le lot de fausses nouvelles et affirmations douteuses qui circulent, plusieurs peuvent être déboulonnées en quelques étapes faciles. Il n’est pas toujours nécessaire de procéder à une longue vérification des faits. Afin d'opérer un premier tri, le Détecteur de rumeurs vous propose, à travers ces réponses « éclair » aux lecteurs, quelques astuces faciles à utiliser.


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La question

Une lectrice, Nicole, nous a écrit ceci, à propos d’un site dont elle voulait vérifier la fiabilité :

Un site regroupant plein d’études scientifiques sur des traitements contre la covid 19 :

C19study

 

Notre réponse

Bonjour Nicole,

Il s’agit effectivement d’un site qui recense des études sur différents traitements. L’apparence est neutre et sans attrait  —une apparence qui peut donner une impression de crédibilité—  avec les études classées apparemment par ordre chronologique, et accompagnées de brèves indications (étude « positive », « négative » ou « inconcluante ») et de brèves analyses pour certaines d’entre elles.

Ce ne sont toutefois pas tous les traitements qui intéressent les auteurs du site. En fait, l’hydroxychloroquine (HCQ) occupe la place la plus importante. C19study faisait de plus partie, au début de l’automne, d’un petit réseau de trois sites, le « COVIDAnalysis network », qui incluait aussi C19HCQ et HCQTrial —ces deux derniers étant exclusivement consacrés à l’HCQ. Depuis, C19zinc et C19VitaminD se sont ajoutés à la liste.

La première question que tout vérificateur de faits doit se poser devant quelque site que ce soit dont il ignorait l’existence jusqu’alors, c’est: «qui est derrière ce site ». Autrement dit, quelle est la source de cette information. On peut souvent trouver cela par un bouton « À propos de nous » ou « Qui sommes-nous » (about us, en anglais).

Malheureusement, ici, aucune info autre que : « We are PhD researchers, scientists, people who hope to make a contribution ». Aucun nom n’est donné, aucune affiliation, aucune adresse postale. Or, le fait d’avoir un doctorat (PhD) n’est pas une garantie de fiabilité (tout comme le fait de ne pas en avoir un ne dit pas qu’un site n’est pas crédible). Un tel site pourrait par exemple être géré par un doctorant en génie électrique ou en sociologie, ce qui serait tout à son honneur, mais guère pertinent ici.

Les auteurs posent eux-mêmes la question « pourquoi devrions-nous faire confiance à CovidAnalysis? » Mais ils n’y répondent pas: nous fournissons « des analyses, mais toutes les sources sont publiques et vous pouvez aisément tout vérifier». Le problème est que peu de gens ont le temps de lire toutes ces études, et encore moins le temps et l’énergie pour les décoder et vérifier si les résultats ont été correctement résumés.

Y a-t-il des gens, préférablement des experts, qui auraient déjà parcouru les listes de COVIDAnalysis et en auraient tiré des conclusions pertinentes ? Après une brève recherche Google, j’en ai effectivement trouvé.

NewsGuard est une petite entreprise américaine qui se donne pour mission, depuis 2018, d’analyser des sites jugés douteux. Elle a publié en septembre un long article analysant les contenus et les sources derrière le réseau CovidAnalysis. Leur première conclusion est la même que la nôtre: la propriété du site est effectivement opaque.

Mais surtout, l’équipe de NewsGuard a analysé les indications accolées à certaines études (positive, négative): il se trouve que ces indications « déforment régulièrement les conclusions des études cliniques qui avaient conclu que l’hydroxychloroquine ne fournissait aucun bénéfice aux patients ». Entre autres exemples, une étude de l’Université du Minnesota est décrite comme étant « positive » pour l’HCQ, alors que l’étude dit le contraire (l’HCQ n’y a pas eu plus d’effets que le placebo). Rejoint à ce sujet par NewsGuard, l’un des auteurs de cette étude, David Boulware, a déclaré que CovidAnalysis  lui avait même attribué des propos qu’il n’avait jamais tenus.

NewsGuard note aussi qu’en plusieurs endroits, le site «a omis des informations négatives sur des études qui prétendaient montrer un bénéfice pour l’hydroxychloroquine» et qu’à l’inverse, de toutes les études sur l’HCQ «qui sont étiquetées “positives”, aucune n’a été révisée par les pairs, ni ne s’appuie sur des essais cliniques randomisés».

Conclusion de NewsGuard : le réseau COVIDAnalysis déforme les conclusions des études ou choisit celles qui font son affaire « pour promouvoir l'hydroxychloroquine comme traitement contre la COVID-19 ».

J’ai aussi trouvé quelques autres sources qui ont analysé le contenu de CovidAnalysis, quoique aucune avec autant de profondeur. Par exemple, en août 2020, l’oncologue américain David Gorski, qui tient le blogue Science Based Medicine, a traité l’un des trois sites, HCQTrial, de « pseudoscience, évidente aux yeux de quiconque a une expertise en épidémiologie et/ou en essais cliniques ». Le biologiste Carl T. Bergstrom a dénoncé la façon « frauduleuse » par laquelle ce même site a publié une étude soi-disant « internationale » (les auteurs anonymes y prétendent que les pays qui ont utilisé l’HCQ ont eu moins de morts, mais ne tiennent pas compte du nombre d’infections, omettent sans justifications des pays comme le Brésil, etc.).

Le 27 décembre, Twitter a bloqué le compte de COVIDAnalysis.

 

- Pascal Lapointe

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