Quelles sont les vraies garanties du bio ?

Publié par Caroline Henry  |  Mis à jour le par Manon Duran Experts : Marie-Josèphe Amiot-Carlin, directrice de recherche en nutrition à l’Inra (Institut national de la recherche agronomique ); Frédéric Denhez, auteur de Le Bio au risque de se perdre (éd. Buchet-Chastel) ; Emmanuelle Kesse-Guyot, directrice de recherche en épidémiologie nutritionnelle à l’Inra ; Nadine Lauverjat, coordinatrice de l’association Générations futures.

Le marché alimentaire bio se développe de façon exponentielle. Il a augmenté de 15,7 % entre 2015 et 2018 ! Une progression qui soulève de nombreuses questions. Le point sur ce qu’il faut vraiment attendre des produits issus de l'agriculture et de l'élevage biologiques.

Le marché des aliments issus de l’agriculture biologique (dite "bio") connaît un développement très important depuis quelques années. De nombreuses raisons ont conduit les consommateurs à se lancer, notamment l'envie de limiter la consommation de résidus d’engrais chimiques, pesticides, herbicides, insecticides, ou de fongicides, le souci de l'environnement et/ou du bien-être animal. Mais qu'en est-il vraiment ?

Tous les produits bios se valent-ils ?

Oui, en théorie. C’est important, car, selon l’Agence Bio, 57 % des fruits et 62 % des produits d’épicerie bios vendus en 2018 étaient importés, dont la moitié d’un pays hors Union européenne (UE). "En Europe, il existe une réglementation concernant l’agriculture biologique, indique Nadine Lauverjat, coordinatrice de Générations futures. Les États membres sont soumis au même cahier des charges, sauf dérogations." 

Mais qu'en est-il pour un riz asiatique ? "Il existe des accords d’équivalence entre l’UE et une centaine de pays", assure Frédéric Denhez, écologue. "Quand un exportateur souhaite obtenir le label bio, nos organismes certificateurs se rendent sur place pour vérifier si tout est conforme à nos cahiers des charges, renchérit Emmanuelle Kesse-Guyot, directrice de recherche à l’Inra." Le label bio européen est donc gage de sérieux.

Les végétaux bios sont-ils exempts de pesticides ?

Pas forcément. "Dans un monde pollué depuis le début de l’ère industrielle, une contamination reste toujours possible lors de la culture, du stockage ou du transport, explique Frédéric Denhez. Mais elle est très faible." Ainsi, sur la base des études publiées, lorsqu'on trouve des résidus dans des aliments bios, il s’agit de traces, c'est-à-dire de quantités inférieures à 0,01 mg/kg. Un suivi de fruits et légumes pendant dix ans en Allemagne a conclu, en 2013, à des quantités de résidus de pesticides 180 fois moins élevées dans le bio que dans le conventionnel. Selon cette étude, 74 % des aliments conventionnels contenaient des résidus, 18 % des traces résiduelles et 8 % rien. Seulement 5 % des bios contenaient des résidus, 30 % des traces résiduelles et 65 % rien.

Quels sont les pesticides autorisés ?

Ceux dits naturels, car le but est de restreindre au maximum les intrants extérieurs. Les produits phytopharmaceutiques autorisés doivent provenir de substances naturelles ou dérivées de substances naturelles. Parmi elles, le cuivre(bouillie bordelaise…), l’huile de paraffine, le soufre, le kaolin, le bicarbonate de potassium, le vinaigre, l’ortie, certaines huiles essentielles… La liste est disponible auprès de l’Institut de l’agriculture et de l’alimentation biologiques. Certaines ne sont pas dénuées de toxicité pour la nature. "Cela est examiné au cas par cas, les agriculteurs devant prouver qu’ils ne peuvent faire sans", explique Marie-Josèphe Amiot-Carlin, directrice de recherche à l’Inra.

Les produits bios peuvent-ils contenir des OGM ?

Non, car la réglementation européenne interdit leur utilisation au niveau des plantes, animaux, additifs, fourrages, fertilisants... Cette interdiction est un plus car, si cultiver et commercialiser des OGM dans la filière conventionnelle est interdit en France, il est possible d’en importer pour les animaux d’élevage, et le consommateur peut en ingérer indirectement dans les viandes, les oeufs, le lait…

Pourquoi acheter de la viande bio ?

L'élevage bio garantit davantage de bien-être animal

La densité et la taille des bâtiments sont limitées et chaque animal doit disposer d’un espace aéré, de lumière naturelle, d’une surface minimum paillée à l’intérieur, et avoir accès à un parcours extérieur.

L’élevage bio permet-il le recours aux antibiotiques ?

Rarement. Leur utilisation est restreinte au curatif (animal malade), dans la limite de 1 à 3 médicaments vétérinaires par an, et le délai d’attente avant commercialisation est doublé par rapport au conventionnel. On privilégie l’homéopathie ou l’aromathérapie. Au final, la quantité d’antibiotiques que l’animal reçoit avant d’être consommé est bien inférieure.

Les traitements hormonaux, le clonage et le transfert d’embryon sont aussi interdits, ajoute Frédéric Denhez.

La nourriture des animaux dans un élevage bio est-elle meilleure ?

Elle est plus naturelle. D’abord, leur alimentation doit elle-même être bio. Ensuite, l’élevage des herbivores repose sur l’utilisation maximale des pâturages, selon leur disponibilité au fil de l’année, complétés par d’autres fourrages provenant majoritairement de l’exploitation. Enfin, les jeunes mammifères sont nourris avec des laits naturels, de préférence maternels. Et le gavage est interdit.

Peut-on se fier aux aliments transformés bios ?

Les produits transformés bios renferment-ils 100 % d’ingrédients bios ?

Non, mais au moins 95 %. Selon la réglementation, ils devraient contenir 100 % d’ingrédients issus de l’agriculture biologique. Mais comme tous les ingrédients ne sont pas disponibles en bio, une marge de 5 % du produit issue du conventionnel est admise. 

"La vraie différence se situe dans les additifs autorisés, souligne Frédéric Denhez. Moins de 50 dans le bio, contre plus de 300 dans le conventionnel, la plupart est d’origine naturelle avec moins de risques potentiels pour la santé."

La composition des produits transformés bios est-elle nutritionnellement plus intéressante ?

Absolument pas. Un produit transformé bio peut, par exemple, contenir de l’huile de palme, des sucres de mauvaise qualité, des céréales raffinées… Même bio, un produit industriel reste industriel, avec des apports nutritionnels qui peuvent être médiocres.

Mais les ingrédients sont globalement plus sains et la composition est généralement moins longue, ajoute Frédéric Denhez.

Les aliments bios sont-ils plus riches en nutriments ?

Oui, à catégorie identique. La plupart des études effectuées concluent à des concentrations plus importantes dans les aliments bios. Concernant les fruits et les légumes, les différences les plus notables concernent la vitamine C (de + 6 % à + 12 %), et les polyphénols– acides phénoliques, anthocyanes… (de + 19 % à + 69 %).

"L’explication la plus plausible est qu’en l’absence de pesticides, la plante développe ses propres moyens de défense", précise Marie- Josèphe Amiot-Carlin.

  • Concernant la viande, les oeufs et le lait bios, ils sont jusqu’à 50 % plus riches en acides gras oméga-3 bénéfiques pour la santé.
  • Quant aux céréales bios, elles sont moins riches en protéines, donc en gluten, et en fibres que celles issues du conventionnel.

Consommer bio permet de lutter contre le stress oxydatif

Une étude publiée mi-février 2022 dans la revue Environment International dévoile qu'une alimentation bio réduit les biomarqueurs de stress oxydatif, responsable de maladies neurodégénératives, de certains cancers, de diabète mais aussi du vieillissement prématuré cutané. Selon eux, ce phénomène s’explique par le fait que l’alimentation bio réduirait l’exposition aux pesticides.

Pour en arriver à cette conclusion, les chercheurs ont suivi 191 enfants âgés de 10 à 12 ans, divisés en deux groupes, de plusieurs écoles primaires de l'île méditerranéenne. Les enfants du premier groupe ont mangé exclusivement bio pendant quarante jours, avant de revenir à leur régime habituel, tandis que les enfants du second groupe ont alterné les deux régimes dans l’ordre inverse.

Tout au long de l'étude, les scientifiques ont recueilli les échantillons d’urine des participants et ont procédé à une analyse métabolomique. Objectif : observer sur une partie des molécules la manière dont celles-ci réagissent aux différents stress. Résultat : "Des changements dans la métabolomique des enfants du primaire ont été observés après une intervention alimentaire biologique systématique toute la journée". Et les chercheurs d'ajouter : "C’est la première étude métabolomique prouvant une corrélation entre l’alimentation biologique et la réduction de biomarqueurs du stress oxydatif" (source 1). 

Une étude associe la consommation d'aliments biologiques pendant l'enfance à un meilleur développement cognitif

Des chercheurs, dont l'étude a été publiée dans Environmental Pollution se sont intéressés au lien entre le développement neuropsychologique des enfants d'âge scolaire et certains facteurs environnementaux.

Leur étude indique ainsi que la consommation d'aliments biologiques est associée à de meilleurs scores aux tests d'intelligence (capacité à résoudre de nouveaux problèmes de raisonnement) et de mémoire de travail (capacité du cerveau à retenir de nouvelles informations alors qu'elles sont nécessaires à court terme). L'explication de cette association tient au fait que « les régimes alimentaires sains, y compris biologiques, sont plus riches que les régimes de restauration rapide en nutriments nécessaires au cerveau, tels que les acides gras, les vitamines et les antioxydants, qui, ensemble, peuvent améliorer la fonction cognitive pendant l'enfance », expliquent-ils.

Pour en venir à ces conclusions, les chercheurs ont utilisé des données issues de 1.298 enfants âgés de 6 à 11 ans à partir de six cohortes européennes de naissance. Au total, 87 facteurs auxquels les enfants peuvent être exposés en grandissant ont été examinés : produits chimiques, pollution, mode de vie de la mère...L'étude a ainsi révélé que le principal déterminant de l'intelligence et de la mémoire de travail de qualité chez les enfants est l'alimentation biologique et que la restauration rapide et la fumée de tabac sont les déterminants les plus néfastes.

Manger bio signifie-t-il manger sain et équilibré ?

Non. "On peut manger équilibré en conventionnel, et très mal s’alimenter en bio", explique Frédéric Denhez. Cependant, selon une des conclusions de NutriNet-Santé – étude française destinée à évaluer les liens entre comportements alimentaires et maladies chroniques –, les consommateurs de produits bios auraient une alimentation plus équilibrée et moins de problèmes de poids.

Par ailleurs, "en mangeant bio, on ingère moins de pesticides, souligne Emmanuelle Kesse-Guyot. Or, même si nous n’en avons pas encore de preuve scientifique, l’ingestion de doses cumulées de ces substances pourrait avoir un impact sur la santé humaine."

Le bio se conserve-t-il moins bien ?

Ni plus, ni moins. Tout dépend de la variété et, surtout, du parcours du produit. "Rien n’interdit de cueillir les fruits et les légumes avant maturité et de les réfrigérer", explique Frédéric Denhez. Dans ce cas, l’aliment se conserve bien, au détriment parfois de sa richesse nutritionnelle. "En revanche, chez les petits producteurs ou revendeurs, les fruits et les légumes bios sont commercialisés à maturité. Là, forcément, il faut les consommer rapidement." 

Quant aux mycotoxines – des substances toxiques produites par des champignons en l’absence de fongicides –, "une synthèse des études montre qu’il n’y a pas plus de contamination dans le bio que dans le conventionnel", assure Marie-Josèphe Amiot-Carlin.

Quels sont les meilleurs labels bios ?

Certains jugeant la réglementation européenne trop laxiste, de nombreux labels indépendants, plus stricts, se sont donc développés.

  • Bio Cohérence : Proche de ce qu’était le label AB français avant l’uniformisation européenne, il garantit l’absence totale d’OGM là où l’UE en tolère des traces jusqu’à 0,9 %.
  • Nature et Progrès : Les produits sont bios à 100 % et l’huile de palme est interdite. La taille des élevages est limitée et les cultures sont éloignées des voies de circulation.
  • Demeter : Plus exigeant en termes de culture et d’impact environnemental (semences, engrais, transformation, vinification…), il prône une agriculture biodynamique.
  • Bio Partenaire : Au-delà du bio, il prend en compte le commerce équitable et solidaire.

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