Chronique 

Le professeur Raoult est-il le général de Gaulle du coronavirus ?

Sylvain Courage

BILLET. A l’instar de l’homme du 18 juin, le microbiologiste de Marseille appelle à la résistance face à l’ennemi et se heurte au scepticisme des états-majors…

Il ne parle pas depuis la radio de Londres, mais depuis son bureau de l’IHU Méditerranée Infection de Marseille. Ne porte pas la vareuse kaki, mais la blouse blanche. N’est pas identifiable à son képi, mais à sa longue chevelure blanche de guitariste du Grateful Dead…

Pour le reste, on ne peut qu’être frappé par la ressemblance. En ces temps de débâcle virale, le professeur Didier Raoult apparaît, à la France et au monde entier, comme une réincarnation de l’homme du 18 juin. Un héraut de la Résistance française qui refuse la défaite face à l’envahisseur !

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Nous avons perdu une bataille mais pas la guerre contre le traître Covid-19 venu de l’Orient compliqué, nous dit, en substance, l’intraitable Marseillais. Ce que l’évolution génétique a produit, un énergique traitement peut le détruire. Et d’appeler tous les patriotes à le rejoindre pour absorber la potion magique de la France bientôt libre.

Raoult le gaulliste

Comme son modèle presque assumé – Raoult se dit gaulliste ! –, le scientifique aux faux airs de druide a élaboré une stratégie de rupture dont se gausse un état-major parisien, perclus de certitude. Quand le grand Charles en pinçait pour les divisions blindées appuyées par l’aviation, le grand Didier préconise, lui, une offensive à base d’hydroxychloroquine, un antipaludéen mis au point par les chimistes allemands des années 1930, appuyé par des antibiotiques. A la tête de sa division cuirassée, au cœur de la bataille d’Abbeville, du 28 au 31 mai 1940, de Gaulle était parvenu à faire reculer la Wehrmacht. Avant de recevoir un ordre de repli… Effectuant un essai de son traitement, Raoult certifie avoir débarrassé les trois quarts de ses cobayes de l’infâme virus. Avant d’être refroidi par le scepticisme d’une partie de la communauté scientifique…

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Face à ces visionnaires intrépides, le généralissime Maurice Gamelin, commandant les armées françaises de 1940, et les pontes de l’agence nationale de santé publique de 2020 ne jurent respectivement que par la ligne Maginot et le confinement ! Une erreur historique, clament les rebelles de Gaulle et Raoult, à quatre-vingts ans de distance : seule la guerre de mouvement peut nous assurer la victoire !

La mégalo du sauveur

En juin 1940, le président du Conseil, Paul Reynaud, a nommé le colonel de Gaulle sous-secrétaire d’Etat à la guerre. Mais s’est montré incapable de suivre sa stratégie belliqueuse. Défaitistes, Pétain et les badernes de l’armée française étaient déjà résignés à la défaite. Ils conclurent l’armistice. Ces jours-ci, le ministre de la Santé Olivier Véran fait grand cas d’une étude européenne chargée d’établir l’efficacité réelle du traitement prescrit par le professeur Raoult… Consécration ou enterrement scientifique ? Les résultats sont attendus dans quelques semaines.

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Mais c’est oublier un trait psychologique des sauveurs : l’orgueil. Il fut à l’origine de l’épopée gaullienne et galvanise le microbiologiste sans peur et sans reproche qui se voit en « maverick », en surhomme clairement au-dessus du lot. A l’instar du général de Londres protégé par Winston Churchill, le toubib s’est trouvé un parrain : Donald Trump himself a vanté l’usage d’un antipaludéen pour venir à bout de l’épidémie. « C’est très excitant. Je pense que cela pourrait changer la donne », a déclaré le « chef de guerre » yankee.

Il n’en fallait pas plus pour encourager Raoult et les raoultistes à entrer en résistance. Bravant le confinement dicté par un Etat français failli, le professeur propose à tous les malades qui se massent devant l’IHU de Marseille de leur administrer son antidote. Sont-ils vraiment malades ? Va-t-il vraiment les guérir ? Ou les expose-t-il, au contraire, à un risque inutile de contamination ? Raoult s’en fout. Il est habité… Défiant le pouvoir en place tel De Gaulle s’échappant pour Londres le 17 juin 1940, il vient de claquer la porte du Conseil scientifique réuni par Emmanuel Macron. S’il devait triompher, ce connétable qui fascine les réseaux sociaux deviendrait immensément populaire. Marianne pourrait-elle alors lui tendre les bras ?

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