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Hoax climatique #2 : « Le réchauffement, c’est à cause du Soleil ! »

L’idée que des variations de l’activité solaire puissent expliquer le changement climatique en cours, bien qu’invalidée, est très répandue dans la blogosphère climatosceptique.

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Publié le 15 octobre 2015 à 12h35, modifié le 29 octobre 2015 à 18h03

Temps de Lecture 6 min.

L'activité solaire n'est pas responsable du réchauffement climatique.

Chaque semaine jusqu’à la COP21, Le Monde consacre une série aux hoax climatiques, pour décrypter et démystifier les nombreuses contre-vérités qui circulent sur le changement climatique.

L’idée que des variations de l’activité solaire puissent expliquer le changement climatique en cours est très répandue dans la blogosphère climatosceptique. Un petit nombre de travaux ont en effet été publiés ces dernières années, proposant un lien entre l’envolée récente des températures et les fluctuations du Soleil. Cette théorie, qui ne remet pas en cause la réalité de l’effet de serre, s’est avérée invalide et n’a plus cours dans la communauté scientifique compétente. Pourtant, l’idée n’était pas absurde. En voici l’histoire.

Le premier à avoir tenté de faire le lien entre l’activité solaire et le climat terrestre est l’astronome (et compositeur) britannique William Herschel (1738-1822). En 1801, il met en relation le nombre de taches apparaissant à la surface du Soleil et les cours du blé. Il constate que, plus le nombre de taches solaires est élevé, moins le prix du blé est élevé l’année suivante, signe de bonnes récoltes. A l’inverse, lorsque le nombre de taches solaires est faible – indice d’une activité solaire réduite – le prix du blé est élevé, signature de récoltes médiocres. Les variations du Soleil, suggérait Herschel, pouvaient expliquer les conditions météorologiques donnant de bonnes ou de mauvaises récoltes…

Assez rudimentaire, l’exercice mené par le grand astronome n’a jamais été considéré comme concluant, vu le peu de données dont il disposait. Mais il consacre le début d’un certain intérêt scientifique pour les liens entre l’humeur de notre étoile et les fluctuations du climat.

Taches solaires et température

Presque deux siècles plus tard, en 1991, deux géophysiciens danois, Eigil Friis-Christensen et Knud Lassen, publient dans la revue Science une analyse mettant en évidence un lien entre le nombre de taches solaires et le réchauffement constaté alors depuis quelques décennies à la surface de la Terre. Les auteurs ne se prononçaient pas sur le mécanisme par lequel le nombre de taches à la surface de l’astre de jour pouvait avoir un impact sur la température : ils se bornaient principalement à constater un lien statistique.

L’étude de MM. Friis-Christensen et Lassen a été intensément commentée dans la décennie qui a suivi sa publication. Selon la base de données Scopus, elle a été citée plus de 530 fois dans la littérature scientifique ! Pour autant, elle n’a jamais vraiment convaincu les spécialistes du climat : le Soleil varie selon un cycle d’onze ans environ, mais entre ses périodes de haute et de basse activité, la variation d’énergie qu’il envoie sur Terre ne dépasse guère 0,1 %. Pas de quoi expliquer les fluctuations de température terrestre : pour faire bouger de 0,85 °C le thermomètre de la basse atmosphère – l’augmentation de la température depuis l’ère préindustrielle –, il faut introduire une énergie considérable dans le système climatique. Energie supplémentaire que l’astre de jour semble incapable de fournir, même au plus haut de sa forme…

« Cosmo-climatologie »

Alors ? En 1997, Eigil Friis-Christensen revient à la charge avec un jeune chercheur, Henrik Svensmark, et les deux scientifiques publient un article dans la revue Journal of Atmospheric and Solar-Terrestrial Physics (JASTP), dont l’ambition est de documenter « le chaînon manquant » dans le lien entre Soleil et climat. Les deux chercheurs croient avoir trouvé le mécanisme mystérieux, grâce auquel une minuscule variation de l’intensité du rayonnement solaire peut avoir une influence considérable sur le climat terrestre. La clé, disent-ils, est le rayonnement cosmique, ce flux de particules qui bombardent en permanence la Terre.

Voici le mécanisme imaginé par les chercheurs danois, repris des travaux du physicien américain Edward Ney, publiés en 1959 dans la revue Nature. Lorsque le Soleil est au maximum de son activité, son champ magnétique augmente. Et si son magnétisme augmente, il détourne plus de rayons cosmiques. Ainsi, moins de particules pénètrent, depuis l’espace, dans l’atmosphère terrestre. Le rapport avec le climat ? Les auteurs font le postulat que ces particules contribuent à la formation des nuages. L’abondance de rayonnement cosmique permet, disent-ils, une augmentation de la couverture nuageuse. Les deux chercheurs prétendent avoir inventé une nouvelle climatologie : la « cosmo-climatologie ».

Le hic est que s’ils ont raison et que cet effet existe, alors il est plus fort dans la haute atmosphère, où l’abondance de particules cosmiques est la plus élevée. Or les nuages de haute altitude accentuent l’effet de serre. A suivre MM. Svensmark et Friis-Christensen, l’augmentation de l’activité solaire ferait baisser la couverture nuageuse en altitude, réduisant ainsi l’effet de serre, ce qui aurait pour effet de… refroidir la Terre ! Plus le Soleil est chaud, plus la Terre est froide ? Difficilement défendable…

Des corrélations fausses

Piqué par ces travaux, un autre physicien danois, Peter Laut (université technique du Danemark), tente méthodiquement de reproduire les calculs des tenants de la théorie solaire. Ce qu’il découvre est assez troublant. En 2000, avec le physicien Jesper Gundermann (Agence danoise de l’énergie), il montre, dans la revue Journal of Geophysical Research, que la publication séminale de 1991 de M. Friis-Christensen est en réalité erronée. Les corrélations mises en évidence disparaissent largement sur des périodes de temps plus longues que celle judicieusement analysée. L’étude à partir de laquelle tout est parti, citée plus de 500 fois dans des études ultérieures, était donc simplement... fausse !

Trois ans plus tard, M. Laut montre dans JASTP que les autres travaux des mêmes auteurs sont tout autant sujets à caution. L’article de M. Laut, rédigé sabre au clair, précise que ses analyses « montrent que les corrélations fortes mises en évidence » par ces auteurs « n’ont été obtenues que par des manipulations incorrectes des données physiques ».

Toute la théorie solaire est donc fondée sur de simples erreurs… Depuis, plusieurs publications ont montré que les travaux en questions ne reposaient sur rien ou pas grand-chose. Dans une étude publiée en 2012, par le Journal of Space Weather and Space Climate, des chercheurs conduits par Benjamin Laken (Institut d’astrophysique de Ténérife, Espagne) ont ainsi montré à partir d’un grand nombre d’observations, qu’il n’existait pas de « lien robuste » entre couverture nuageuse et intensité du rayonnement cosmique. D’autres équipes sont parvenues à des conclusions semblables.

Ce n’est pas faute d’avoir pris au sérieux le mécanisme proposé. A Genève, le CERN a même lancé une expérience, baptisée CLOUD, cherchant à reproduire en condition contrôlée les mécanismes par lesquels les rayons cosmiques pourraient contribuer à favoriser la formation des nuages. Mais l’expérience n’a pas apporté la preuve, tant s’en faut, qu’un tel phénomène puisse avoir un effet sur le changement climatique en cours…

Une idée qui a du mal à mourir

Le Soleil n’est donc pas la cause dominante du réchauffement récent ce qu’au demeurant les climatologues savent depuis longtemps, grâce à d’autres éléments de preuve… Mais, comme toutes les idées commodes, celle-ci a du mal à mourir. En 2007, une équipe de géologues français de l’Institut de physique du globe de Paris (IPGP), conduite par le géomagnéticien Vincent Courtillot, publie dans Earth and Planetary Science Letters (EPSL) un article suggérant là encore une corrélation forte entre la température de la Terre et l’activité solaire. La figure maîtresse de leur publication continue à circuler, à haut débit, sur Internet.

Les étonnantes corrélations présentées sur cette figure, entre la température terrestre, l'activité solaire et le magnétisme terrestre s'appuient sur des données fausses ou tronquées.

Mais, comme Peter Laut le fit avec les travaux de MM. Svensmark et Friis-Christensen, deux chercheurs français, Edouard Bard (Cerege, Collège de France) et Gilles Delaygue (UJF, Laboratoire de glaciologie et de géophysique de l’environnement) ont tenté de reproduire les courbes de M. Courtillot et son équipe. Surprise : ils découvrent que des erreurs d’attribution de données se sont glissées dans leur travail. Ce qui est présenté comme la température moyenne terrestre ne l’est pas. Ce qui est décrit comme l’irradiance totale du Soleil ne l’est pas non plus… Une fois corrigée par MM. Bard et Delaygue, la figure de M. Courtillot et son équipe n’a plus la même physionomie. Et montre, au contraire, que l’augmentation récente de la température terrestre n’a pas de liens avec l’activité solaire.

L'activité solaire chute depuis soixante ans. La température, elle, augmente...

En réalité, il aurait simplement fallu une phrase pour démonter le mythe de la théorie solaire : depuis six décennies, le Soleil est de plus en plus faible et les températures de plus en plus élevées. Non seulement l’astre de jour n’a jusqu’à présent pas contribué au réchauffement en cours, mais il a plutôt eu tendance à ralentir la hausse récente des températures… Cherchez l’erreur !

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