Covid-19 : Masque sous le nez, les raisons d'une transgression
Même dans les lieux clos à risque, certains contournent la règle du port du masque. Le JDD a demandé à trois chercheurs en disent plus sur le profil psychologique de ces rebelles.
"Votre masque, s'il vous plaît!" Dans un train bondé, une septuagénaire distraite remonte le rectangle de polypropylène sur son nez et adresse un signe au contrôleur : "Oui, oui, pardon." Dans le carré d'à côté, deux jeunes gens remontent le leur précipitamment… et le rebaissent illico dès que le cheminot a le dos tourné. L'un hausse les épaules : "Ça me gêne avec mes lunettes." Et puis il n'est "pas persuadé" de son efficacité. Tête‑en-l'air ou rebelle assumé : chaque wagon semble avoir son dissident, susceptible de contaminer ses voisins par aérosols. De quoi irriter les "bons élèves" lassés de voir un nez dépasser du masque.
Car l'objet cristallise la complexité de la vie en société par temps de Covid-19 : sauf à s'équiper d'un FFP2 , la protection de chacun dépend davantage de la bonne application des gestes barrière par les autres que de son propre comportement. Mais derrière les nez qui pointent au-dessus du masque, David Le Breton, anthropologue spécialiste du corps, voit surtout "du relâchement, un moment d'oubli" : "Même si pour certains on peut y voir une forme de transgression, de provocation à l'encontre du voisin, une manière de dire : 'Je ne suis pas un mouton comme les autres', ce sont des exceptions." Le chercheur pointe aussi une forme d'"hypocrisie sociale" : "Ils font semblant de respecter la loi ; si un contrôleur vient, ils peuvent le remonter."
Agir selon des normes sociales
Dans une étude en cours de rédaction auprès de 300 personnes en Seine-Saint-Denis, Frédéric Keck, anthropologue au CNRS, a lui aussi mis au jour cette motivation chez les plus jeunes - les transgresseurs plus âgés faisant surtout valoir leur confort. "C'est une façon de respecter la règle tout en la contournant, une ruse, pour ne pas tout à fait adhérer au message des autorités. Si la police fait une remarque, on l'a quand même sur le visage : le porter sous le nez ouvre les négociations en cas d'infraction."
Pourquoi certains jouent-ils avec les consignes quand d'autres les respectent? Pour Jocelyn Raude, chercheur en psychologie sociale à l'École des hautes études en santé publique (EHESP), le mauvais port du masque dépend en partie de ce qui nous pousse à l'appliquer. "D'une part, il y a la motivation intrinsèque : quand on a identifié par soi-même de bonnes raisons de le mettre et qu'il nous paraît efficace." La motivation dite extrinsèque, "celle qui vient du fait qu'il existe des carottes et des bâtons, qui nous pousse à agir selon des normes sociales", entraîne plus souvent de petites transgressions. Notamment à l'extérieur, où le bénéfice est moindre. "Quand le masque s'est imposé, des personnes ont eu besoin de se le réapproprier, de jouer avec, de rechercher les marges des règles", appuie Frédéric Keck.
Un homme, moins de 35 ans : le portrait-robot du réfractaire
Selon l'enquête CoviPrev de Santé publique France, les hommes de moins de 35 ans sont les plus réfractaires. Un portrait-robot plutôt logique pour ce qui est de l'âge des transgresseurs, fait valoir Jocelyn Raude : porter le masque depuis deux ans "suppose un haut niveau de vigilance au bénéfice des autres, de se contraindre pour un bénéfice individuel assez faible pour les jeunes". Quant à la question du genre, pas de quoi étonner le professeur de psychologie : "Dans toutes les enquêtes en sociologie de la santé, les femmes accordent une plus grande attention aux effets de leurs comportements."
Si les procès en égoïsme fusent dans le débat public, Jocelyn Raude rappelle que la culture française ne nous y préparait pas du tout. "Il ne faut pas mettre les gens à l'index, plaide-t‑il. Depuis trente ans, les campagnes de prévention ont été faites avec une focale assez égoïste. Pour le préservatif, la sécurité routière, on dit 'ça vous protège du mal' dans une perspective individualiste." D'autant plus que, contrairement aux pays asiatiques notamment, l'Europe était loin d'être adepte du masque grand public. "On apprend la vertu collective de la prévention, dit le chercheur. Mais dans la douleur."
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