Consoude et toxicité
des alcaloïdes pyrrolizidiniques
Je remercie Paul Bergner qui m'a donné la permission de traduire cet excellent article sur les alcaloïdes que nous trouvons dans de nombreuses plantes de la famille des boraginacées (consoude, bourrache - sauf les fleurs, vipérine, cynoglosse, etc).
L'article original se trouve ici.
La question de l'hépatotoxicité des alcaloïdes pyrrolizidiniques (APs) provenant de certaines plantes médicinales est devenue une source de débats passionnés. Un nombre d'autorités nationales et internationales ont interdit la vente de consoude pour consommation en interne (OMS en particulier) après plusieurs cas d'hépatotoxicité aiguë après ingestion de produits à base de consoude (Awang; Bergner 1993; Bergner 1989). Un nouveau né est décédé en Suisse après que la mère ait ingéré une infusion contenant des APs durant sa grossesse (Roulet et al).
Bien que la FDA (agence de régulation américaine) n'ait pas pris parti, l'Association Américaine des Produits à base de Plante (AHPA) a recommandé l'arrêt de la vente de consoude pour utilisation interne.
Certains herbalistes ont exprimé leur scepticisme au sujet de ces plantes traditionnelles et de leur implication dans ce type de problème. Dans l'intérêt d'apporter de l'objectivité dans le débat, nous présentons ici les mécanismes sous-jacents à la toxicité des APs.
Il n'y a vraiment rien à débattre. Les APs peuvent causer la destruction des tissus du foie dans une condition qui s'appelle la maladie veino-occlusive hépatique (MVOH). Dans la MVOH, les cellules qui tapissent les veines dans le foie prolifèrent et étouffent ces mêmes veines. Les APs de nombreuses plantes sont connues pour provoquer la MVOH. Les premiers cas furent observés chez les animaux empoisonnés en mangeant des plantes contenant des APs (Mattocks 1986). Des épidémies ont aussi été observées dans les populations consommant des céréales contaminées avec des plantes riches en APs. La MVOH a été reproduite d'une manière expérimentale chez les animaux en leur donnant à manger des plantes riches en APs (Mattocks).
Les APs peuvent varier grandement en toxicité. Un alcaloïde peut être 6 fois plus toxique qu'un autre, et certains ne sont pas du tout toxiques (Mattocks 1968). De plus, la teneur des plantes en APs peut varier grandement d'espèce à espèce, de plante à plante et de saison à saison.
Les APs eux-mêmes sont peu réactifs. Leur toxicité provient du fait qu'une portion des APs ingérés sont convertis en pyrroles par les enzymes hépatiques, ces pyrroles sont toxiques et détruisent immédiatement les tissus du foie. En conséquence, la tentative du foie d'altérer les APs afin de les transformer en une forme évacuable les transforme, en fait, en substances hautement réactives et toxiques. Chez le rat, le processus commence 5 minutes après ingestion. Dû au fait que les pyrroles sont formés dans le foie, ils ont tendance à se concentrer à cet endroit, mais des pyrroles ont été trouvés dans les poumons, le coeur, la rate et les reins. Certains sont excrétés dans les urines, mais d'autres se verrouillent fortement aux tissus locaux et continuent à exercer des dommages dans les tissus adjacents. Il y a une corrélation directe entre la quantité d'APs ingérés et l'étendue des dommages hépatiques.
Question : le chardon marie peut-il protéger contre l'effet toxique des APs .
Le chardon marie est un hépatoprotecteur bien connu. Il semble fonctionner au travers de certains mécanismes comme le renforcement de la paroi cellulaire des hépatocytes, favorisant la régénération de ces cellules et les protégeant contre le stress oxydatif. Par contre, il est peu probable que la plante ait une utilité quelconque dans les cas d'empoisonnement aux APs car les APs eux-même ne sont pas toxiques. Ce n'est qu'après avoir pénétré les cellules du foie qu'ils sont transformés en pyrroles qui elles détruisent les cellules de l'intérieur.
De plus, au travers d'un mécanisme encore inconnu, les pyrroles provoquent une prolifération des cellules qui tapissent les veines du foie, les étouffant au passage. La graine de chardon marie n'a aucun effet protecteur connu sur les veines du foie. Enfin, même si le chardon-marie empêchait les pyrroles d'abimer le foie, les pyrroles endommageraient d'autres tissus. Ces substances sont très réactives et peuvent abimer les poumons, le coeur, la rate ou les reins avant d'être excrétés.
References
Awang D. “Comfrey update.” HerbalGram 1991;(25):20-23
Bergner P. Letter. Medical Herbalism 1993;5(4):3
Bergner P. “Comfrey, coltsfoot, and pyrrolizidine alkaloids,” Medical Herbalism 1989 1(1):1-5
Mattocks AR, Chemistry and Toxicology of Pyrrolizidine Alkaloids. Academic Press. London. 1986.
“Toxicity of pyrrolizidine alkaloids.” Nature 1968;217:723-729
Roulet M, Laurini R, Rivier L, Calame A. “Hepatic veno-occlusive disease in newborn infant of a woman drinking herbal tea.: J Pediatr 1988; 112(3):433-436
WHO International program on chemical safety. 1988. Environmental Health criteria 80: Pyrrolizidine alkaloids. World Health Organization. Geneva
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Gérard dit
Bonjour,
Je suis devenu inconditionnel de la consoude pour (contre) la gonarthrose mais le problème des alcaloïdes pyrrolizidiniques se pose aussi avec l'onguent. Des pommades du commerce (spécialités étrangères) à base de consoude limitent le temps de traitement à 6 semaines par an, ce qui n'est évidemment pas compatible avec un traitement continu. Quelle pratique retenir ? Ce serait stupide de mourir d'un ictère fulgurant guéri des genoux !
sabine dit
bonjour Gérard
je ne connais pas ces pommades du commerce , ont elles d'autres ingrédients de rajoutés? par contre un baume à la consoude ne pose pas de problème en externe, les alcaloïdes pyrrolizidiniques ne franchissent pas la barrière de la peau , donc peu de probabilités d'en mourir 🙂
Soulier Pierre dit
Bonjour, je voulais savoir si les fleurs de vipérine sont également toxiques pour le foie en infusion
sabine dit
Bonjour Pierre
à ma connaissance les fleurs n'ont pas d'alcaloïdes pyrrolizidiniques
Danielle Dambermont dit
J'adore la consoude, j'en fais des quiche, comme si c'étaient des épinards. Une, deux fois l'an. Est-ce plus dangereux qu'en manger peu de temps en temps ? Merci !
sabine dit
Bonjour Danielle
l'article informe et met en garde sur l'action des Alcaloïdes pyrrolizidiniques, il évoque cette action insidieuse , ensuite c'est à chacun de mesurer le rapport plaisir/danger
Claudine Dahon dit
Bonjour,
Un grand merci pour votre travail fabuleux
ma question est la suivante: est-ce que l'utilisation des feuilles de bourrache cuites en cuisine est toxique ?
Avec les pluies d'automne j'ai beaucoup de bourrache en belle rosettes au jardin et j'en mettrais partout si je m'écoutais mais un j'ai quand même un doute et je n'ai pas trouvé de réponse claire Aussi je m'en remet à votre savoir
Merci encore
Claudine
sabine dit
Bonjour Claudine
c'est un débat qui est toujours d'actualité les pour et les contre, le point de vue de Christophe c'est que les feuilles de la bourrache contiennent aussi ces fameux alcaloïdes pyrrolizidiniques et donc ne conseille pas d'en consommer ou alors de façon occasionnelle
Claudine Dahon dit
Merci pour votre réponse
je me contenterai d'en faire un engrais vert
Claudine
Anne dit
Bonjour Christophe !
Lectrice plus ou moins régulière de vos délicieux articles si instructifs, je constate que vous venez de m'aider à résoudre un mystère qui m'empêchait depuis 2011 de me régaler à nouveau de beignets de consoude.
En effet, ayant été victime d'une appendicite (qui a ensuite tourné à la péritonite, car je ne comprenais pas ce qui se passait) à la suite d'une consommation de beignets de consoude et de "pipefarces" (beignets à base de comté ou d'emmental), je me posais depuis cette époque la question suivante : qu'est-ce qui a provoqué ça ? Seraient-ce les beignets de consoude (découverts lors d'un stage de "cuisine sauvage", comme les pipefarces l'ont été lors d'un stage de "cuisine médiévale") ?
Or, lors des multiples examens subis au service des urgences, on m'a déclaré que mon foie était en parfaite santé (oui, il y a toujours une suspicion que je ne détaillerai pas, mais qui vaut son pesant de fromage mou...), ce qui, en soi, ne m'étonnait aucunement, étant donnée, précisément, ma bonne santé et mon système immunitaire performant...
Par ailleurs, j'ai découvert à la suite de cet événement que j'avais un problème de digestion (le mot est faible) jusqu'alors non identifié avec le blé, entraînant aérophagie, douleurs diverses, etc.
A la suite de quoi j'ai banni de mon alimentation les blés modernes (blé tendre dit "froment" et blé dur utilisé pour les pâtes), que j'ai remplacés en partie par les épeautres - surtout le grand, je ne suis pas fan du petit -, et en partie par d'autres céréales ou graminées inoffensives.
Fin des désagréments "digestifs", mais il restait le mystère irrésolu de la consoude...
Je conclus donc, de votre article, que je peux sans angoisse refaire des beignets de consoude (et des pipefarces), juste à condition d'utiliser, comme je le fais depuis cet "incident", autre chose que de la farine de blé (bon, pas seulement, j'ai aussi des soucis avec l'huile de tournesol, les pommes de terre, et quelques autres bricoles, mais ce serait un autre chapitre).
Bonne route à vous et encore MERCI ! :o)
sabine dit
bonsoir Anne
j'ai bien peur que vous vous soyez méprise au sujet de la consoude, Christophe (de son point de vue ) ne conseille pas la consoude en interne, explique pourquoi, donne ses sources et explique bien qu'il n'y a pas de consensus sur le sujet et que c'est à chacun à se faire son avis avec les différents avis émis
: https://www.altheaprovence.com/blog/consoude-tussilage-alcaloides-pyrrolizidiniques/
Anne dit
Nous sommes bien d'accord, il laisse à chacun le choix de se faire un avis. En fait, ma position est la suivante : la consoude présente éventuellement un risque pour le FOIE. Or, comme je le précisais, mon foie est en parfait état, et, de l'avis médical (de temps en temps je fais confiance à la médecine...) le problème ne venait pas de là.
Par ailleurs, il est évident que je ne consomme pas de beignets de consoude au quotidien : il faut déjà trouver de la consoude - j'habite plutôt en ville et, depuis trois ans dans le sud-ouest, je n'ai pas plus trouvé le "coin à consoude" que le "coin à ail des ours" (ça, c'est mon rêve...) :oD
En fait mon problème (je ne vous ai pas tout dit) se situe au niveau des intestins, et je veille à présent quotidiennement sur ces délicats viscères, en me permettant de temps à autre une "fantaisie" que j'antidote prudemment, compte tenu de ce que j'ai dit dans mon premier commentaire (blé, etc.)
Donc, je vous rassure : non je ne me suis pas méprise, j'expérimente mais avec sagesse. Et délectation, quand même ;o)
sabine dit
Bonjour Anne
offrir son corps à sa science est un art à partager 🙂 merci pour votre témoignage
Xavier M dit
Citation de Christophe (chez le rat) "Dû au fait que les pyrroles sont formés dans le foie, ils ont tendance à se concentrer à cet endroit, mais des pyrroles ont été trouvés dans les poumons, le coeur, la rate et les reins. "
sab dit
Bonjour Christophe,
je suis dans la fabrication de baumes de consoude en ce moment, ...
près de chez moi j'ai trouvé un "spot" de Consoude, malheureusement je ne peux identifier l’espèce puisqu'il n'y a plus de fleurs.
Y aurait il un danger à utiliser une autre espèce que Symphitum officinale?
Merci d'avance.
Belle Journée à vous.
Christophe BERNARD dit
Bonjour, pour une utilisation externe, la plupart des consoudes devraient faire l'affaire.
Eric dit
Bonjour, Bernard, et merci pour ta réponse concernant le souci.
Merci aussi de me prévenir sur la toxicité de la consoude.
Cela dit, je suis étonné qu'une tisane de Maria Trében (contre les ulcères) soit toxique. Selon l'article ci-dessus, la toxicité serait immédiate ! Faut-il lui préférer l'inhibiteur de protons (avec ses graves effets secondaires) que me recommande le docteur ? Je pense plutôt soigner ce début d'ulcère en m'alimentant sagement, et en me soignant avec des plantes.
La consoude en usage interne a-t-elle souvent été utilisée dans l'histoire ?
Quelle plante, quelle tisane peut-on prendre pour soigner un ulcère ?
Eric dit
Je me permets d'ajouter une réflexion : le mélange des plantes (souci et renouée) recommandé par Maria Trében n'inhiberait-il pas la toxicité de la consoude ?
Christophe BERNARD dit
Peut être les tanins de la renouée bloquent-ils en partie l'absorption des APs, je ne pense pas mais je ne suis pas 100 sûr. Lorsque les APs ont pénétré en circulation, même le chardon marie ne semble pas faire effet.
Christophe BERNARD dit
Bonjour Eric,
Non en fait pas du tout, l'action est plutôt lente et insidieuse, créant un stress constant sur le foie.
Comme toujours, rien n'est blanc et noir, doit-on stresser le foie pour régler un autre problème plus pressant ? La réponse peut être oui, non ou peut-être, chacun prendra sa décision. En tout cas, de mon point de vue et basé sur mes recherches, la toxicité de ces APs n'est plus à prouver. Le cycle au niveau du foie est défini et connu.
De plus, pour un début d'ulcère, nous avons le plantain, le souci, la reine des prés - la consoude n'est pas essentielle dans ce contexte.
Eric dit
Merci, Christophe, pour votre réponse. Je préfère donc éviter la consoude : je ne veux pas jouer les apprentis sorciers ! J'ai écouté avec grand intérêt ce que vous dites concernant le souci ; la plupart des gens, et j'en fais partie, déconsidère vraiment trop les pouvoirs thérapeutiques des plantes ; vous êtes là pour nous détromper, et c'est vraiment précieux.
moussie dit
La mertensia maritima (la plante au goût d'huître) est une autre boraginacée. On la trouve sur certains marchés et elle plait bien dans les restaurants.
Serait-elle concernée par les alcaloïdes pyrrolizidiniques?
Merci
Christophe BERNARD dit
Oui elle en contient mais combien par rapport à la consoude je ne pourrais pas vous dire.
Gabriel dit
Je n'adhère absolument pas à votre commentaire très alarmant !
Si j'étais néophyte ou n'avais jamais consommé de consoude, je regarderai la consoude avec effroi et horreur.
Pourtant, ma famille et moi en consommons régulièrement et je lui trouve au contraire des vertus que vous ne mentionnez pas.
Les animaux la consomment avec avidité et je ne connais aucune mort suspecte.
Les populations de l'est de l'Europe la consomment régulièrement en beignets.
En avez vous consommé personnellement pour en parler, et quels effets avez vous noté ?
Que prouve le texte ci joint sur la toxicité de la consoude ?
En effet, quelle médication prenait la victime à coté de la consoude, quel était l'état de santé .
général, quelle quantité de consoude; vous savez qu'il existe plusieurs variétés, pouvez vous me citer la variété incriminée ?
Je ne fais pas parti d'un éventuel "comité de défense de la consoude", et pourtant je n'aime pas les contres vérités les articles alarmistes ou les exagérations.
Bien sûr, l'industrie pharmaceutiques n'a pour sa part aucun problème d'effets indésirables ou de mortalité !
Vous auriez pu expliquer plus distinctement, qu'en la matière, les avis sont divergeant sur sa soit disant toxicité.
Enfin, malgré tout, je vous remercie de prendre en compte mon avis.
Et merci aussi si vous répondez à mes questions.
Christophe BERNARD dit
Bonjour Gabriel,
Je suis moi-même un grand fan de la consoude. En externe.
Je pense avoir cité toutes les sources afin que chacun puisse les vérifier, les valider et surtout tirer ses propres conclusions. Et je pense que c'est la meilleure des choses à faire lorsqu'il y a manque de consensus. J'ai donné mon point de vue, car c'est après tout mon blog et je partage maintenant depuis plusieurs années mes passions et convictions d'une manière tout à fait ouverte et respectueuse de mon prochain, basé dans la science, la physiologie humaine et surtout de longues recherches.
J'accepte donc volontiers votre commentaire. Je n'y adhère pas, mais je n'ai certainement pas la prétention de détenir la vérité.
BELOT dit
J’aime bien les beignets de consoude ...Mais voilà un jour ,deux jours de suite j’en ai pris trop et j’ai vomi ....Voilà je me dit que ça doit être dans la dose et Les quantitées .Merci beaucoup pour vos rubrique sur les plantes .