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La colère d'un médecin réanimateur contre Didier Raoult et son "populisme médical"

Damien Barraud, médecin réanimateur en unité Covid-19 au CHR de Metz-Thionville, estime que la communication de son confrère gêne le travail des médecins dans cette situation d'urgence.

Le Dr. Damien Barraud, médecin réanimateur en unité Covid au CHR de Metz-Thionville a lâché un coup de gueule ce week-end dans le journal local La Marseillaise.

Invité de RMC ce lundi matin, ce médecin estime que la communication du professeur Raoult a gêné le travail des médecins à plusieurs niveaux: certains collègues de services conventionnels voulaient prescrire de l'hydroxychloroquine, ce qui a créé beaucoup de polémiques et de discussions, vu qu'un traitement à base de cette molécule doit être pris selon un protocole bien précis et pas dans chaque cas.

"Pour l'heure aucune preuve tangible d'une quelconque efficacité chez les malades en général"

"Très tôt, dès le début de l'arrivée des patients et de la communication de l'IHU, certains médecins conventionnels demandent de prescrire cela. On a dû (mettre en place une politique), faire des réunions et perdre du temps sur quelque chose qui n'aurait pas dû arriver car à cette heure il n'y a pour l'heure aucune preuve tangible d'une quelconque efficacité pour avoir un effet bénéfique chez les malades en général", assure-t-il.

Si son CHR utilise parfois de la chloroquine dans le cadre de l'étude "Discovery", il préfère attendre des preuves avant de conseiller d'en prendre: "En dehors du protocole je n'en prescris pas, et je n'en prescrirai pas. Et ni pour moi, ni pour mes proches, ni pour n'importe qui. (...) Il n'y a aucune raison de le donner. Vous avez dû voir passer les alertes du centre de pharmaco-vigilance de Nouvelle-Aquitaine et de l'ANSM sur une cinquantaine d'accidents cardiaques survenu dans le cadre de la prise de ce médicament"

"Prendre tout le monde en otage et vouloir passer pour le sauveur avec le médicament miracle qui va sauver le monde..."

Le docteur Barraud explique également qu'il y a eu également des conséquences pour les rapports aux malades et aux familles, qui ont demandé parfois de manière très véhémente de prescrire de l'hydroxychloroquine, en menaçant de procès dans le cas contraire.

Il estime que cette situation générale est la conséquence d'une sorte de "populisme médical".

"Je ne vois pas de meilleure description de ce qu'il s'est passé. Prendre tout le monde en otage et vouloir passer pour le sauveur avec le médicament miracle qui va sauver le monde, en s'asseyant sur toutes les règles méthodologiques et éthiques oui, c'est du populisme médical."

"C'est pas le petit village gaulois contre le système, non ils sont parfaitement dans le système"

Le docteur rappelle que le professeur Raoult travaille en lien avec le laboratoire Sanofi qui vend la chloroquine.

"Ce sont des informations parfaitement accessibles sur le site de l'IHU. Sanofi figure parmi les partenaires. Dans l'organigramme on voit aussi le nom de Philippe Douste-Blazy. C'est pas le témoignage de l'équipe du petit village gaulois contre le système, non ils sont parfaitement dans le système."
J.A.