"Merci beaucoup, j'ai fini, je vous demande maintenant cinq minutes de pause, pour que je puisse respirer." Le procureur militaire Mikolaj Przybyl vient d'achever une longue déclaration devant la presse polonaise, en ce lundi 9 janvier à Poznan. Les journalistes laissent leurs micros sur le bureau et les caméras en position, avant de sortir dans le couloir. Le procureur est seul. On entend le mécanisme d'une arme, puis une détonation. Dans le couloir, les journalistes sursautent. Certains croient qu'une caméra est tombée à terre. Ils découvrent Mikolaj Przybyl à terre, dans une mare de sang.
Le procureur a tenté de se suicider avec une arme à feu. Hospitalisé, ses jours ne sont pas en danger. Cet événement hors norme, mis en scène, qui a enflammé les médias et le net polonais, est le dernier épisode du feuilleton de la catastrophe aérienne de Smolensk, qui continue de hanter la Pologne. Le chef de l'Etat de l'époque, Lech Kaczynski, ainsi que de hauts responsables politiques et militaires, avaient péri lors du crash de l'avion présidentiel, le 10 avril 2010.
Rattaché au parquet de Poznan, Mikolaj Przybyl a pris l'initiative de cette conférence de presse afin de défendre la justice militaire, sévèrement mise en cause par la presse. Saisie en raison de fuites répétées dans l'enquête sur le crash – notamment la révélation d'un changement de version de la part des contrôleurs aériens russes au sol –, elle s'était heurtée au secret des sources journalistiques. Pour contourner l'obstacle, elle a obtenu les relevés téléphoniques – les fadettes - de trois journalistes de la chaîne TVN24 et du quotidien Rzeczpospolita, mais aussi le contenu de leurs SMS.
L'enregistrement de conversations téléphoniques ou des SMS ne peut en aucun cas être accessible pour un service de renseignement ou d'enquête sans l'accord préalable d'un tribunal.
La révélation de ces mesures a provoqué un vif émoi dans la presse polonaise, qui a dénoncé une atteinte inadmissible à ses droits. Visé par un feu nourri de questions sur son rôle dans l'affaire, le parquet général a confirmé que de telles initiatives étaient "inacceptables sans l'accord d'un tribunal". "Nous n'avons pas violé la loi", a asséné Mikolaj Przybyl, qui a affirmé que le procureur général, Andrzej Seremet, avait été tenu au courant, à plusieurs reprises, de la teneur des investigations.
En arrière-fond de cette prestation chargée d'émotion du lieutenant Przybyl se dessine un conflit très intense entre justice civile et militaire, la seconde devant être rattachée à la première. M. Seremet a rétorqué que cette idée était seulement à l'étude, mais pas validée. Le lieutenant Przybyl, lui, a interpelé les médias présents, en affirmant qu'ils étaient instrumentalisés dans une campagne visant la justice militaire, afin de l'empêcher de lutter contre la criminalité organisée. Dans l'après-midi, alors qu'il était hospitalisé, les deux parties ont tenu d'autres conférences de presse afin de s'attaquer mutuellement, dans une atmosphère hystérique.
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