Le 10 avril 2010 est devenu une date charnière dans la "martyrologie" polonaise. Ce jour-là, à 7 h 27, le Tu-154M transportant le président Lech Kaczynski, certains de ses conseillers, de hauts responsables militaires et des représentants de la société civile quitte Varsovie. A 8 h 41, l'avion s'écrase près de l'aéroport de Smolensk (Russie). Depuis, les deux pays concernés par le crash, la Pologne et la Russie, ont cherché à établir les faits. Mais ils ne sont pas arrivés à des conclusions identiques, de sorte qu'à Varsovie le drame s'est mué en polémique riche en émotions et en calculs politiques.
Mercredi 19 janvier, pendant six heures, les insultes et les cris ont animé le débat au Sejm (Chambre basse du Parlement). Le premier ministre, Donald Tusk, a répondu aux attaques de l'opposition, menée par le jumeau du président défunt, Jaroslaw Kaczynski. M. Tusk a marché sur une ligne de crête : il devait prendre ses distances avec le rapport "incomplet" présenté à Moscou par le Comité intergouvernemental d'aviation (MAK), sans le rejeter en bloc : celui-ci attribuait l'entière responsabilité de l'accident à l'équipage polonais du Tupolev, soumis aux "pressions" de l'entourage présidentiel pour atterrir.
Depuis, le 18 janvier, la commission d'enquête polonaise a révélé d'autres éléments, tel l'enregistrement des conversations entre la tour de contrôle et l'équipage. Il apparaît que le pilote n'avait pas été alerté de la mauvaise météo à l'arrivée, ni correctement aiguillé lors de son approche. Tout en réclamant une "version complète" de l'accident, M. Tusk a cherché à préserver la "paix politique" avec Moscou. "Pour nous, ce qui comptait n'était pas de prouver quel mauvais partenaire est la Russie, mais d'obtenir les éléments matériels, pour que triomphe la vérité sur Smolensk."
Jaroslaw Kaczynski a eu des mots très durs à l'égard de M. Tusk, qu'il accuse depuis des mois de s'être soumis au diktat russe et d'être moralement responsable du crash. "Il est arrivé, dans l'histoire très tourmentée de notre peuple, que nous perdions la liberté, mais pas notre dignité, a-t-il déclaré. Sous la direction du premier ministre Donald Tusk, nous avons perdu notre dignité, et la liberté aussi sera menacée."
Thèses conspirationnistes
Au sein du parti Droit et justice (PiS), certains ont décidé d'utiliser le crash pour conduire une croisade haineuse contre le gouvernement. Le 17 janvier, le gendre du président défunt, Marcin Dubieniecki, a même fourni de la matière aux thèses conspirationnistes, affirmant que l'hypothèse d'un attentat était "plus plausible que jamais".
"Nous vivons dans l'ombre du mythe de Smolensk, soupire Jaroslaw Makowski, directeur de l'Institut citoyen, proche de la Plate-forme civique (PO), la formation de M. Tusk. Le gouvernement est sous la pression d'une opposition proche de l'hystérie. Elle a beau décliner le mot vérité sous toutes ses formes, elle ne pense qu'aux élections législatives de l'automne. Tout le monde se prétend spécialiste des avions. Les médias feraient mieux d'accorder davantage de place aux véritables experts et aux anciens pilotes."
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