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Neuf clés pour (enfin) comprendre la cryptomania

Petite leçon de pédagogie à partir du Monopoly pour appréhender le bitcoin, cette monnaie dont le nombre est limité à 21 millions.

Par  (New York, correspondant)

Publié le 19 décembre 2017 à 11h31, modifié le 23 décembre 2017 à 07h09

Temps de Lecture 5 min.

Un distributeur automatique de bitcoins à Hongkong, le 8 décembre.

Il en va des bitcoins comme des mathématiques pour certains collégiens : un blocage intellectuel. Alors plutôt que d’expliquer rationnellement cette monnaie avec des mots qui font peur – blockchain, cryptodevise –, procédons par analogie. Analogie imparfaite mais qui permet de faire la pédagogie du bitcoin.

1. Les billets de Monopoly

Les bitcoins, ce sont tout simplement des billets de Monopoly. Ils n’ont en soi aucune valeur, sauf que les joueurs se sont pris au jeu et ont décidé qu’ils en avaient. Pourtant, derrière un bitcoin, il n’y a rien, aucune garantie légale de pouvoir acheter quoi que ce soit. Leur nombre est limité – comme dans la caisse du Monopoly – à 21 millions et on assiste à une folie : les joueurs se ruent en mettant des milliers de vrais euros ou dollars sur la table pour acheter des billets de Monopoly. Comme s’ils estimaient à terme que ces derniers vaudraient plus cher que leurs euros, leurs dollars ou leurs yens.

2. A quoi servent-ils ?

Les billets de Monopoly servent si vos devises habituelles sont moins fiables. Plusieurs cas de figure rationnels peuvent se présenter :

– votre devise est victime de l’hyperinflation – comme au Venezuela ou au Zimbabwe – ou le sera – dans les pays développés ultra-endettés – et vous préférez des bitcoins protégés de l’inflation par leur nombre limité ;

– vous êtes criminel et voulez blanchir des capitaux illégaux – vous utilisez votre argent illégal pour acheter des bitcoins sur un compte anonyme et intraçable ;

– vous voulez sortir anonymement votre argent de votre pays ;

– vous achetez des bitcoins en espérant les revendre plus cher : c’est de la spéculation, pratiquée par les 170 fonds spécialisés dans le bitcoin – ils n’étaient que 55 en août ;

– vous voulez utiliser des bitcoins pour acheter des biens et des services : cette pratique est en voie de disparition en raison de la spéculation qui transforme en matière précieuse ce qui devrait être une monnaie d’échange. Si de nombreux sites alternatifs permettent de payer en bitcoins, seulement 3 des 500 premiers sites de vente en ligne au monde les acceptent, selon Morgan Stanley, contre 5 en 2016.

– vous pensez que le bitcoin est une révolution technologique qui aura tellement d’applications à l’avenir qu’il vaut son prix actuel.

3. Des billets de Monopoly, mais sécurisés

L’humanité a commencé par le troc. Puis, pour faciliter les échanges, on a utilisé de l’or. Ce moyen était sûr, le métal précieux avait une valeur intrinsèque et pouvait toujours être fondu. Puis on est passé aux billets, qui n’ont de valeur que parce que chacun les reconnaît comme monnaie d’échange ; puis aux jeux d’écriture informatique : les euros qui vont et viennent sur vos comptes en banque n’ont de réalité que parce que chacun les reconnaît et que les banques en organisent la comptabilité. Cet argent est dépendant des Etats, des banques centrales et n’a de valeur que parce qu’il est adossé à une économie, l’euro en Europe, le dollar aux Etats-Unis.

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L’avènement du bitcoin marque une étape supplémentaire : c’est un code informatique, inviolable et individualisé. Pas besoin de banque ou d’autorité centrale pour garantir son authenticité. Ces qualités font que le bitcoin est qualifié d’or 2.0.

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4. Les mineurs, ces notaires des temps modernes

Jusqu’à présent, l’échange de monnaie est garantie par un tiers de confiance, la banque : quand vous faites un virement bancaire pour payer un fournisseur, sa réalité est attestée par votre banque et celle du fournisseur. Rien de tel avec l’e-devise : vous échangez de la main à la main – ou plutôt d’ordinateur à ordinateur – votre bitcoin. Mais pour être sûr qu’il n’y ait pas d’entourloupe, la transaction est validée non pas par la banque mais par une partie des joueurs de Monopoly. Le monde des cryptodevises les appelle des mineurs, ils jouent le rôle de notaires. Ces notaires ont accès à la totalité des transactions qui ont eu lieu depuis les origines : ils doivent être plusieurs à valider l’échange et l’inscrire dans le grand fichier informatique et unique des bitcoins. Mais si cette monnaie virtuelle est inviolable, les sites qui la détiennent sont hackés ou volés régulièrement : depuis sa création, un million de bitcoins ont été subtilisés.

5. La rémunération des notaires

Les notaires (ou les mineurs), on le sait, ne font rien gratuitement. Pour valider la transaction, qui implique de rappeler tout l’historique des échanges de bitcoins, ils se font payer en billets de Monopoly, en bitcoins. Au moment de la création de cette monnaie, chacun pouvait avec son ordinateur se transformer en notaire, valider les transactions et recevoir sa rémunération. Désormais, les calculs sont si complexes qu’il faut des dizaines d’ordinateurs en série pour les effectuer, ce qui prend du temps, est très coûteux en matériel et en énergie.

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6. Le système étouffe

Pour acheter un bitcoin, il faut s’inscrire sur une plate-forme et créer un portefeuille électronique. Un virement avec sa carte bancaire et le tour est joué ! Sauf que le système devient de plus en plus compliqué. Les échanges de bitcoins et le maintien en ordre du réseau par les notaires-mineurs sont chaque jour plus difficiles. Le temps de transaction dépasse dix minutes. Il n’existe pas de Bourse centrale pour échanger les bitcoins. Chicago a lancé en décembre un marché à terme sur l’e-devise, mais celui-ci ne la traite nullement. Il échange des contrats en dollars, indexés sur le cours de la crypto-monnaie.

7. Combien y a-t-il de bitcoins ?

Il y a 16,7 millions de bitcoins en circulation, ce qui fait, avec un cours de 17 000 dollars, une valorisation totale de 280 milliards de dollars environ (240 milliards d’euros). A terme, il n’y aura pas plus de 21 millions de bitcoins, mais ceux-ci peuvent être subdivisés pour créer une monnaie d’échange. Un millier de personnes détiennent le tiers des bitcoins, un tiers de cette monnaie virtuelle ont été échangés en 2016, mais une bonne partie est en sommeil, oubliés ou perdus dans les ordinateurs. Si vous égarez le code électronique de votre portefeuille de bitcoins, il est perdu pour toujours.

8. Les ICO, au diable les actions

La folie du bitcoin a conduit les entreprises à inventer un nouveau moyen de se financer. Au lieu de céder une partie de leur capital, de nombreuses start-up ont décidé de vendre aux investisseurs des bitcoins et des cryptomonnaies, dans le cadre d’Initial Coin Offering (ICO), clin d’œil aux Initial Public Offerings (IPO), les introductions en Bourse traditionnelles. Ces fausses actions donnent en général le droit d’utiliser les services actuels et futurs de ces start-up. Montant récolté en 2017 : 4 milliards de dollars contre 225 millions en 2016.

9. Une bulle

En conclusion, 51 des 53 économistes interrogés par le Wall Street Journal estiment qu’il s’agit d’une bulle, donc de billets de Monopoly. Mais l’invention est technologiquement géniale.

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