Eva Joly, autopsie d’un crash

Avec des sondages toujours en berne, la candidate écologiste fait douter son camp… et reconnaît elle-même avoir été « très mauvaise ». Mais elle assure qu’elle s’accrochera jusqu’au bout.

 Eva Joly, autopsie d’un crash

    Pour la première fois, Eva Joly a reconnu hier sa difficulté à faire exister, dans la campagne, les thématiques écologiques : « Quand je vois que le pouvoir d’achat est la première préoccupation des Français et l’écologie la dernière, je me dis que j’ai été très mauvaise et que je n’ai pas réussi à faire comprendre » les enjeux écologiques, a-t-elle regretté, dans un étonnant mea culpa. Si Joly assure malgré tout, bravache, « tenir bon la barre », trois points faibles plombent sa campagne.

    Une personnalité atypique

    Aux européennes de 2009, la personnalité de cette novice en politique avait séduit. Mais elle formait alors un trio détonnant avec Dany Cohn-Bendit et José Bové. Cette fois, elle est seule en scène, et l’effet de loupe n’avantage guère cette femme austère et pudique. Les écolos le reconnaissent… sous couvert d’anonymat : « Elle n’a pas les codes. » « Elle n’est pas médiatique, elle passe mal », reconnaît un militant pro-Joly de Gironde. « Avec cet accent, même quand elle veut dire quelque chose de gentil, elle donne le sentiment d’être sévère », regrette une proche. « Eva emploie toujours le mot de combat, mais l’écologie, ça ne veut pas dire en découdre, ni être dans la bagarre, déplore un élu. Elle n’est jamais dans le positif et ne sait pas faire rêver. » Hier, Cécile Duflot, secrétaire nationale d’EELV, a joué la victimisation de la candidate : « Peu de candidats ont subi dans une campagne ce qu’Eva a subi, a-t-elle dénoncé à Bordeaux. On lui a attribué un rôle, celui du vilain petit canard. Ça suffit! »

    La concurrence de Mélenchon

    La politique ayant horreur du vide, l’écologie, délaissée par Joly, est récupérée par… Jean-Luc Mélenchon. Porté par son succès, le candidat du Front de gauche n’hésite pas à venir marcher sur les plates-bandes vertes en proposant la « planification écologique ». « Nous sommes les premiers à ne pas opposer les travailleurs et l’environnement », dit-on au Parti de gauche. « C’est important de voir que nos idées progressent, a commenté hier Joly. Mais il faut de la cohérence. Mélenchon est tenu par le Parti communiste, qui est contre la sortie du nucléaire. »

    Des « amis » comme on n'en souhaite à personne

    Eva Joly, comme Ségolène Royal en 2007, peut reconnaître qu’avec « des amis pareils, elle n’a pas besoin d’ennemis ». Les pires attaques sont venues de son propre camp. A commencer par Cohn-Bendit qui, après l’avoir lancée en politique, n’a jamais caché ses réticences face à une candidature écologiste à la présidentielle. C’est ensuite Yannick Jadot, initiateur de sa candidature, qui démissionne avec fracas de sa fonction de porte-parole fin novembre. Enfin, on ne compte plus les déclarations d’un Mamère ou d’un Bové qui égratignent chaque fois un peu plus Joly. La semaine dernière, Duflot a remonté les bretelles des cadres écolos, conseillant à tout le monde de « faire du curling », c’est-à-dire se mettre à plusieurs pour faire avancer le palet le plus loin possible.

    Sur le terrain, certains cadres rassurés d’avoir leur circonscription réservée ne pensent déjà plus qu’aux législatives. Enfin, après une primaire très tendue, Nicolas Hulot n’a pas tenu son engagement de soutenir le vainqueur quel qu’il soit. Il a mis le cap au large et n’est réapparu qu’en janvier… pour dire qu’il ne s’engagerait pas dans la campagne.