Le cerveau, objet technologique (3/8) : Deux cerveaux pour une décision

Comprendre le fonctionnement du cerveau est l’un des enjeux de la convergence des technologies à la fois parce qu’il est devenu un objet de technologie, mais également parce l’étude de son fonctionnement permet d’envisager des technologies pour dépasser ses limites. C’est ce que va essayer de nous faire comprendre Rémi Sussan dans ce dossier d’InternetActu.

C’est la crise. Le patient château de cartes élaboré au fil des dernières années par les institutions financières s’est effondré d’un seul coup. Une occasion – de plus – pour constater les limites de la croyance en l’homo economicus, animal rationnel qui sait en toutes circonstances choisir ses options en fonction de son intérêt bien compris.

Nous avons vu que le cerveau humain ne correspondait guère à un ordinateur de type PC, en ce qui concernait les entrées-sorties ou la mémoire… Un coup d’oeil sur la manière dont il prend les décisions nous fera comprendre que le cerveau n’est pas, et de loin, une CPU classique (Central Processing Unit pour « Unité centrale de traitement » c’est-à-dire le processeur d’un ordinateur qui interprète les instructions et traite les données d’un programme). Notre raisonnement abstrait n’est pas seulement influencé par le corps, les émotions, et les sens ; bien plus que cela, il est bâti dessus. Pour le linguiste cognitif George Lakoff, même l’architecture la plus abstraite conçue par l’homme, les mathématiques, repose finalement sur un ensemble de métaphores qui trouvent leur origine dans le corps. Dans son livre, Philosophy in the flesh (Philosophie dans la chair), il résume ainsi sa conception de l’esprit :

« L’esprit est fondamentalement incarné.
La pensée est la, plupart du temps inconsciente.
Les concepts abstraits sont largement métaphoriques.
Voici les trois découvertes majeures des sciences cognitives. (…) A cause de ces découvertes, la philosophie ne pourra plus jamais être la même. »

L’intuition et la raison

Selon Jean-Michel Cornu, le neurologue Alain Berthoz divise en deux circuits nos capacités de décision : il y a les « voies courtes », capables de réagir en 80 ms, et donc idéales pour faire face aux dangers, et les voies longues, qui correspondent à la « pensée » au sens où on l’entend habituellement.

D’autres préfèreront opposer les différentes parties du cerveau. C’est le genre de choses qu’on voit dans les analyses utilisant l’imagerie par résonance magnétique (IRM) tant prisées par les adeptes du neuromarketing. On évoque alors l’activité de l’amygdale (qui réagit face au danger) du cortex préfrontal, qui correspond à nos capacités de planification et de décision, etc. Mais il n’est pas toujours facile d’associer une fonction mentale avec une zone du cerveau. Un économiste comme Terry Burnham simplifie les choses en se contentant d’opposer l’ancien cerveau (Burnham parle du « cerveau du lézard » dans son livre Mean Markets and Lizard Brains), celui qui s’est progressivement développé au cours des millions d’années d’évolution et le cerveau moderne, celui qui héberge nos facultés de raisonnement abstraites. Mais en fait, point n’est besoin d’entrer dans des considérations anatomiques. On peut voir les choses de manière complètement abstraite. C’est largement suffisant pour notre hypothétique cognhacker, qui se pose les questions pratiques (Que faire ? Comment ça marche ?).

Ainsi, le philosophe Nassim Nicholas Taleb, dans son livre Le Cygne noir, la puissance de l’imprévisible, récemment traduit, oppose simplement le « système 1 » au « système 2″… Le « système 1 » est ce qu’on nomme l’intuition. C’est un système rapide, reposant largement sur les émotions, mais qui peut commettre des erreurs. Le second est notre pensée rationnelle classique. La plupart des problèmes explique Taleb, arrivent lorsque nous agissons en utilisant le « système 1 » alors que nous croyons employer notre « système 2 ».

Mais ce « système 1 » ne doit pas être sous-estimé. S’il est piètre calculateur et dirigé par l’émotion, il est aussi parfois plus perspicace et plus rapide que le cerveau « rationnel ». L’intuition, ce n’est pas juste un truc New Age. La fameuse expérience de Bechara et Damasio, effectuée en en 1996, en est l’illustration.

Bechara et Damasio ont ainsi proposé à leurs cobayes de jouer à un jeu truqué. Selon les piles de cartes que l’on tirait, on pouvait avec certaines gagner ou perdre de petites sommes, mais dans l’ensemble, on gagnait de l’argent. Dans les autres piles, on avait beaucoup plus de chance de tirer de mauvaises cartes et donc de perdre gros. On gagnait ou perdait de plus grosses mises, mais au final on était plutôt perdant.

On a remarqué qu’au bout d’un certain nombre de tirages, les sujets avaient spontanément tendance à choisir de plus en plus fréquemment dans les « bons » paquets, et rechigner à piocher dans les « mauvais ». Ce n’est pourtant que bien plus tard qu’ils se rendaient consciemment compte que les chances étaient inégalement distribuées.

Dans ce cas, on peut remercier le « système 1 ». Il s’est rendu compte bien avant la conscience rationnelle de l’anormalité des évènements et a agi en envoyant au corps une série de sensations corporelles (sueurs, sensation d’insécurité…) afin d’éviter au sujet d’effectuer le mauvais choix. A noter que certains patients atteints de lésions cérébrales frontales ventromedianes continuaient de leur côté à piocher dans les paquets dangereux, sans recevoir d’avertissement de leur corps.

On le voit, le cerveau du lézard est souvent bien meilleur pour évaluer les risques que notre pensée linéaire et discursive. C’est pourquoi la Darpa essaie de mettre au point des jumelles capables de court-circuiter le conscient et se brancher directement sur les parties primitives de notre cerveau pour repérer plus efficacement les dangers.

Comment notre cerveau nous protège des risques et comment on peut le tromper

Mais le « cerveau du lézard » n’est pas toujours aussi efficace. Par exemple, il est très effrayé à l’idée de perdre de l’argent. Si on demande à quelqu’un de parier en lui promettant soit une perte de 100 euros soit un gain de 150, sachant qu’il peut parier autant de fois qu’il le désire, il aura tendance à refuser. Pourtant sur plusieurs coups, les risques non seulement s’annulent, mais vont dans les sens du gain. On a statistiquement des chances de terminer la partie 25% plus riche qu’au départ. Mais le lézard n’aime pas le risque. Lorsqu’on propose ce type d’expérience à des patients possédant des lésions dans l’une des parties du cerveau concernées par le processus de décision, ils semblent dépourvus de cette « aversion à la perte ». Autrement dit, des cerveaux défectueux s’avèrent parfois davantage capables d’effectuer de bons investissements que ces cerveaux sains !

Naturellement, si des lésions cérébrales sont en mesure d’influencer nos décisions, de nombreux stimuli sont en mesure d’interférer avec notre rationalité. Dans nos colonnes, nous avons relaté à plusieurs reprises comment notre objectivité pouvait être trompée dans les mondes virtuels par l’aspect de nos avatars : par exemple, un avatar plus grand aura de meilleures chances de réussir une transaction. De même, il vaut mieux qu’il soit fortement sexué, l’androgynie ayant tendance à ne pas favoriser les échanges virtuels…

Dans le monde réel, aussi, nos choix dépendent de conditions tout à fait particulières, au premier rang desquelles on trouve bien sûr les produits chimiques. Une expérience de psychologie sur la confiance donna des résultats particulièrement positifs après que les sujets eurent inspiré un produit contenant de l’Ocytocine via un spray nasal. Cette hormone, qui déstresse et augmente la sociabilité, est produite dans le corps lors de l’allaitement, de l’accouchement et des rapports sexuels… Mais point n’est besoin de recourir à des composants aussi difficiles à trouver. Vous voulez mettre toutes chances de votre côté ? Selon une récente expérience, vos transactions auront plus de chances d’aboutir si vous offrez une boisson chaude à votre partenaire. Lui proposer une boisson glacée aura tendance, littéralement, à refroidir l’atmosphère.

Pour le professeur d’économie comportementale Dan Ariely, nous sommes non seulement irrationnels, mais, aussi bizarre que cela paraisse, notre irrationalité est prévisible. Autrement dit, nous refaisons toujours les mêmes erreurs. Parmi les comportements répétitifs, il y a par exemple l’incapacité de juger un prix indépendamment de son contexte. Ainsi, explique-t-il, nous avons tendance à choisir toujours le produit à coût moyen, à mi-chemin entre le plus onéreux et le meilleur marché. D’où l’intérêt, selon lui, qu’ont certains restaurateurs de proposer toujours un plat hors de prix – afin de pousser les clients à demander celui qui se trouve juste en dessous – un plat dont on aura, bien entendu, optimisé le rendement.

Dan Ariely raconte d’autres expériences quasiment surréalistes. Par exemple,on a demandé à un panel de sujets de se remémorer les trois derniers chiffres de leur numéro de sécurité sociale. Ensuite, on leur a présenté une série de produits à acquérir et leur a demandé : « Combien seriez-vous prêts à payer pour chacun de ces produits ? ». Conclusion : ceux qui avaient les numéros de sécu les moins élevés étaient également ceux qui étaient le moins disposés à payer de fortes sommes. C’est ce qu’Ariely nomme « l’ancrage ». Les sujets avaient été « ancrés » dans leurs évaluations par leur numéro de sécurité sociale.

Notre trop grande confiance en nous est un autre exemple classique de nos biais cognitifs. Posez à quelqu’un une question à laquelle il doit répondre par un nombre, mais dont il a peu de chances de connaitre la réponse (combien d’habitants à N’Djamena ?). Proposez-lui ensuite de fixer une marge d’erreur, de la taille qu’il désire. La plupart du temps, sa réponse sera non seulement fausse, ce qui est normal, mais tombera même en dehors de la marge d’erreur, à laquelle il aura assigné une largeur trop étroite. Nous voulons bien admettre avoir un peu tort, mais nous pensons trop souvent être approximativement justes. Nous ne soupçonnons pas à quel point nous pouvons nous tromper.

Ariely expose de nombreux autres comportements de ce type dans son livre Predictably Irrational et sur son blog.

La politique de l’irrationnel

L’ensemble de ces travaux sur la décision a donné naissance à une nouvelle discipline, la neuroéconomie, également nommée économie comportementale et à son fameux rejeton, le neuromarketing. Mais si le neuromarketing laisse souvent sceptique, la neuroéconomie, elle, n’est pas aussi dépréciée. Cette science qui étudie l’influence des facteurs cognitifs et émotionnels dans les prises de décision joue un rôle important pour comprendre les comportements politiques, et a eu une vraie influence sur le retour des démocrates sur la scène américaine et lors de l’élection de Barack Obama. Notamment au travers de Thaler et Sunstein, auteurs du livre Nudge, improving Decision about Wealth, Health and Happiness (que l’on pourrait traduire littéralement par Coup de coude pour améliorer la décision sur la richesse, la santé et le bonheuret qui a été traduit en Français depuis)…

Alors que le néolibéralisme imagine que chacun est un acteur économique rationnel, capable de maitriser pleinement ses choix, et que les keynésiens souhaitent réguler le marché soulignant par là que chaque acteur économique ne maitrise pas toutes les conséquences de ses actions, Thaler et Sunstein préfèrent une stratégie de l’incitation : plutôt qu’imposer des règlements, l’Etat « pousserait du coude » (Nudge) les citoyens à choisir les meilleures options à coup de formulations appropriées. Ce qu’ils appellent le « libertarisme paternaliste« . On n’oblige personne à faire le bon choix, mais on oriente insidieusement les gens dans la direction voulue. Les deux auteurs prennent exemple sur les associations de charité qui suggèrent de donner « 50, 100, 1 000 ou 5 000 dollars », sachant que le fait de simplement mentionner des sommes aussi élevées va avoir tendance à augmenter les sommes données. On n’est pas loin de la technique d' »ancrage » de Dan Ariely… Les « architectes du choix », comme ils nomment les décideurs politiques de demain, se trouvent dans la même position qu’un designer ou un spécialiste des interfaces. Un de leurs plus gros travaux consiste à correctement déterminer l’option par défaut. Celle vers laquelle les gens se laisseront naturellement couler.

« Lorsque vous entrez dans une cafétéria », explique Thaler, « vous vous retrouvez généralement en face du bar à salade. C’est une bonne chose, car si vous deviez passer par les hamburgers et les frites avant d’arriver aux salades, vous auriez plus de chances de craquer. »

Ainsi, on peut rendre certaines actions plus complexes, tandis qu’on simplifie celles qu’on souhaite voir adoptées. Par exemple, parmi les coups de coude que suggèrent les auteurs (.pdf), il suffit de ne plus interdire aux motards de circuler sans casque. Mais ceux qui voudront rouler tête nue devront passer un permis supplémentaire. Pour remédier à certains des mauvais comportements du consommateur américain, les deux auteurs suggèrent ainsi que les salariés souscrivent automatiquement au plan d’épargne retraite de leur entreprise, sauf s’ils le refusent explicitement. « Dans le monde idéalisé de l’économie néoclassique », explique John Cassidy dans la New York Review of Books, « cela ne fait pas une grande différence. Les gens rationnels décident de ce qui est le mieux pour eux. En fait, à cause de la tendance à maintenir le statu quo, ou par pure paresse, l’option par défaut compte énormément. » En fait, selon le même article, le nombre de gens inscrits à un tel plan d’épargne passe de 50-60% à 90% lorsqu’une telle mesure d’inscription automatique est mise en place.

On a appris en début d’année que Cass Sunstein était nommé à la tête du bureau des régulations de l’administration Obama. Attendons-nous donc à une série de « nudges » dans les prochaines décisions américaines en matière d’économie…

Nous voici donc avec notre cerveau incarné dans un corps, et dont les perceptions comme les actions se manifestent de façon beaucoup plus embrouillées et complexes que notre éducation ne nous y a préparée. Il est donc temps, maintenant, de tenter un début de réponse à la plus grande des questions philosophiques : et maintenant, on fait quoi ?

Rémi Sussan

Ce dossier est paru originellement de janvier à février 2009 sur InternetActu.net. Il a donné lieu à un livre paru chez Fyp Editions : Optimiser son cerveau.

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18 réponses sur “Le cerveau, objet technologique (3/8) : Deux cerveaux pour une décision”

  1. « Si on demande à quelqu’un de parier en lui promettant soit une perte de 100 euros soit un gain de 150, sachant qu’il peut parier autant de fois qu’il le désire, il aura tendance à refuser. […] Autrement dit, des cerveaux défectueux s’avèrent parfois davantage capables d’effectuer de bons investissements que ces cerveaux sains ! »

    Mauvaise conclusion! Je préfère ne pas jouer car ce qui m’importe ce n’est pas l’espérance de mon capital à la fin du jeu mais mon capital réel à la fin du jeu. Je suis conscient que ce jeu augmenterait ma richesse en moyenne, mais je ne sais pas nécessairement ce que pourrait m’apporter ces 150 euros de plus (je ne suis d’ailleurs pas nécessairement avide d’argent), par contre je sais que si 100 euros manquent à mon budget cette semaine, il me faudra trouver une source d’économies importante.

    C’est l’idée inverse du Loto: je sais que perdre 2 euros par semaine ne change pas fondamentalement mon quotidien, par contre gagner un million changerait totalement ma vie. Je joue donc au Loto malgré son espérance défavorable.

    Bref, l’espérance d’un jeu aléatoire n’est pas le seul critère de son intérêt.

    Je suis très curieux de connaître l’avis de l’auteur – que je félicite pour ses articles – sur ce biais que j’ai déjà vu dans des sources mentionnées ici.

    1. Oui. Le cerveau sain peut aussi considérer que le principe du jeu n’est pas éthique et refuser cette façon de gagner de l’argent etc.
      Si on considère qu’être avisé consiste à garder son argent, une expérience récente a montré que les autistes étaient plus avisés dans ce sens que les sujets témoins. Cette étude a en effet montré que le sujet autiste avait moins de scrupules à refuser de donner de l’argent lors d’une quête alors que les témoins n’osaient pas refuser ce don. Au bout du compte, le sujet autiste se retrouvait plus riche que le généreux donateur !

      1. Mais je ne dis pas du tout que le jeu n’est pas éthique, je dis que, rationnellement, garder mes 100 euros me semble plus avisé que les risquer. Votre réponse ne me répond donc pas (je ne remets pas du tout en cause votre raisonnement, ni l’exemple intéressant que vous citez, j’indique simplement que je pense que vous êtes hors sujet par rapport à mon commentaire).

        1. Votre commentaire me paraissait suffisant.
          Il n’était pas en contradiction avec l’article, me semble-t-il. Vous montrez que la mise est importante en matière de jeu. Que le risque est pris aisément lorsque la mise est faible. Ce point est indiscutable et acquis.
          L’auteur de l’article montre autre chose. Il montre l’aversion de la perte. Ce phénomène a bien été observé chez les boursiers. Le boursier déteste perdre de l’argent même si son placement lui a rapporté globalement avant la perte qu’il enregistre. Autrement dit, le plaisir du joueur à gagner à la fin la partie ne va pas compenser le stress qu’il aura subi pour y parvenir du fait de ses pertes initiales. Prenons l’exemple d’un bon gâteau qui aurait une couche amère. Personne ne voudrait en manger, bien qu’il soit globalement bon, à cause de la petite couche amère !

          1. Je ne parle pas de comportements irrationnels, mais de comportements rationnels. Voyant votre persistance, à mes yeux, dans le même hors-sujet complet, d’informations intéressantes mais à non liées à mon commentaire, j’en conclus que je me suis mal exprimé. J’en suis sincèrement désolé.

            Effectivement, je ne contredis pas l’article. Je ne prétends pas que l’aversion de la perte est fausse. Je prétends que l’exemple cité ne le prouve pas, tel qu’il est présenté.

          2. Je sens qu’on est parti pour la polémique du mois 🙂

            Votre raisonnement présente un grand biais. Vous considérez l’hypothèse selon laquelle le joueur peut perdre. Or, comme il est bien énoncé dans l’article, le joueur peut jouer aussi longtemps qu’il le souhaite et, par conséquent, il ne peut pas perdre.
            C’est une loi des probabilités. Si vous jetez un dé autant de fois que vous le voulez, il est impossible de ne pas avoir, tôt ou tard, un six. L’énoncé indique que le joueur pourra miser pendant 10, 20, 30 ans si nécessaire… jusqu’à ce qu’il gagne et c’est obligatoire dans le cas de figure qui est présenté.

            Ai-je bien compris que vous aviez tort cette fois-ci ?

  2. « Notre raisonnement abstrait n’est pas seulement influencé par le corps, les émotions, et les sens ; bien plus que cela, il est bâti dessus. »

    Il me semble que cette phrase est trop limitative car elle réduit le champ des influences à l’individu. On pourrait ajouter au bout de la phrase, sans en dénaturer le sens, la société, la publicité ou la télé.
    A partir de là, il faut comprendre que le cerveau est un organe autonome mais ouvert. Il peut fonctionner sans aucune connexion, ce qui est le cas dans le syndrome d’enfermement (locked-in syndrome). Mais son fonctionnement normal est d’être « à l’écoute » de toutes les informations qu’elles proviennent de la télé, de la lecture, du discours des parents et des maîtres… ou du corps.

    Pour revenir à la comparaison informatique, le cerveau est comme un ordinateur prévu pour une connexion à internet. L’observateur qui ne voit que l’écran (le psychologue) a l’impression qu’internet est dans la machine, alors que celui qui ouvre le capot (le neurobiologiste) voit l’arrivée du fil qui provient du mur !

  3. « Il est donc temps, maintenant, de tenter un début de réponse à la plus grande des questions philosophiques : et maintenant, on fait quoi ?  »

    Ah bon ? Triste époque ..

  4. « Si nous regardons bien l’essence ambiguë de la technique, alors nous apercevons la constellation, le mouvement stellaire du secret »

    Heidegger, « la question de la technique », ce qu’avait déjà bien mieux vu Rimbaud part ailleurs, et bien plus important (et vrai) que les batifolages sur cervelles et machines …

      1. A l’occasion expliquez-nous ce que veut dire Heidegger. Je suis sûr qu’en lisant les phrases qui précèdent et suivent celle que vous citez on parvient à la comprendre, mais sans cette aide le décryptage est impossible.

        1. PS Prenez-le comme une gentille blague.
          Je sais que c’est inexplicable en quelques lignes et incompréhensible pour le commun des mortels même après de longues exégèses. Soit on le prend pour de la poésie, soit on le prend pour de la fumette, soit on est agrégé de philosophie 🙂

          1. Ah lala, les explications, le ton professoral, le mythe de la philosophie plus philosophique que la poésie, quand la raison poussée à bout sans oubli du corps mène plus à la deuxième, ou gardant le soucis esthètique, etc ..
            Il faut vivre ces choses plus que les comprendre, et ne pas oublier qu’Heidegger était « fasciné » par Rimbaud en particulier au sujet de la technique, et le poème « mouvement » par exemple.
            Disons que plutôt que de partir dans la SF gentillette peuplée de robots, cyborgs, corps augmentés ou que sais je, on peut aussi considérer la technique tout simplement comme l’ensemble des machines et programmes arrêtés, de la machine à laver à l’OS en passant par les systèmes bancaires, et ne regarder que le mouvement de ce livre à travers les nouvelles machines et versions, avec chaque texte plus ou moins utilisé une fois les machines rallumées,par exemple. Et ce qui est en fait bien plus impressionnant que les robots et cyborgs d’ailleurs.

            Et sinon à propos de « cervelle(s) objet(s) technologique », pourquoi démarrer avec un titre aussi charlatanesque ? Histoire de se persuader que l’on est bien un pur matérialiste au sens marxiste, c’est ça ?

          2. Je vois que j’étais pas si loin tout en étant vraiment candide en la matière (des cours de philo j’en ai eus terminale mais le professeur de philo étant un véritable philosophe, du genre Diogène, n’est venu que le premier jour pour prévenir qu’on ne le verrait plus !).

            J’étais pas loin avec la poésie (Rimbaud) et avec la fumette (il faut vivre ces choses pour les comprendre).
            J’ai compris grâce à vous que le mouvement était celui de la technique en marche (les différentes versions et les innovations). Mais pourquoi alors parler de secret ?

            Merci bien de votre réponse très éclairante.

  5. Je me permets d’entrer dans cette « polémique », car votre dernière réponse ne semble toujours pas satisfaire l’a question de Dalo qui est de savoir en quoi cette expérience montre une aversion de la perte…
    En effet, si l’exemple à propos de « l’aversion de la perte » correspond bien à un comportement irrationnel, puisque le joueur ne peut pas perdre, cela ne me parait pas expliquer la déduction d’une « aversion de la perte ». Dans l’exemple on est en présence d’une situation qui n’a pas d’équivalent réel: dans la réalité, le joueur rationnel devra toujours jouer en fonction de la somme d’argent dont il dispose de manière générale ( par exemple principe primordial du poker de ne jamais mettre plus d’1/20 de sa bankroll dans un coup ou une partie, même si les probabilités de gagner sont importantes). Ici, le joueur adopte un comportement irrationnel par mimétisme du comportement qu’il adopterait dans la vraie vie(qui serait alors un comportement rationnel, car s’attachant à l’importance de la mise par rapport à la somme dont il dispose). Ainsi la peur du risque d’une perte trop importante (comme Dalo l’a bien expliqué dans son commentaire) pour son « budget », est telle qu’elle a des effets sur son comportement face à un jeu impliquant de telles sommes même si ce jeu lui assure comme dans l’exemple un gain puisqu’il ne peut pas perdre. Cette peur du risque du fait de l’importance des sommes trouble son analyse rationnel du jeu dans cette expérience qui lui montrerait si elle était parfaitement rationnel qu’il ne peut pas perdre. De fait pour un telle expérience il faut s’attacher à utiliser des sommes qui paraissent subjectivement importantes au joueur(ce qui dépend de son niveau de richesse dans la vie réelle).

    1. Je suis d’accord.
      En même temps que j’observais l’erreur de Dalo, qui était de considérer que le joueur avait objectivement un point de vue rationnel face à un enjeu qui dépassait ses moyens, la mise étant alors imprudente, je notais comme lui que l’exemple de l’auteur ne prouvait pas une aversion de la perte. L’exemple montrait plutôt ce que vous dîtes : une peur du risque du fait de l’importance des sommes qui trouble l’analyse rationnelle du jeu. On pourrait rapprocher le phénomène voisin qui est la peur de gagner (en réalité la peur de perdre si près du but). Le joueur de tennis perd son jeu au moment où il comprend qu’il est en mesure de l’emporter… mais aussi de tout perdre s’il n’est pas à la hauteur.

  6. Cette « aversion de la perte » est d’ailleurs beaucoup utilisé au poker pour troubler l’analyse rationnel des probabilités: certains joueurs comme Gus Hansen adoptent des comportements de joueurs irrationnels au premier abords, avec des mises très fortes pour des probabilités de gain parfois assez faibles, mais qui perturbent suffisamment les analyses des adversaire pour devenir un comportement rentable.
    A l’inverse si l’on ne joue pas avec son argent et que la perte ou les gains ne nous retombent pas dessus(ou très peu), cette aversion de la perte a beaucoup moins d’effets. En caricaturant, c’est la différence entre un financier qui joue son propre argent et un trader qui joue avec l’argent d’une banque. Les deux « n’aime pas » perdre beaucoup d’argent d’un coup, mais les effets de l’aversion de la perte seront beaucoup plus faible chez le second puisque le risque personnel est beaucoup moins grand. C’est l’importance de la perte personnel qui compte, beaucoup plus que l’importance de la perte dans l’absolu.

  7. Euh…combien d’années d’étude a fait George Lakoff pour en arriver à la conclusion que même les mathématiques reposent finalement sur un ensemble de métaphores qui trouvent leur origine dans le corps? Non parce que dans ce cas, il a surement perdu un peu de son temps…
    N’importe quel enfant comprend rapidement que le système décimal a été préféré à d’autres systèmes (notamment le vicésimal qui reste encore en usage en français avec le fameux 80, soit Quatre fois vingt – ou même les nombre onze, douze, treize – mais on peut aussi parler du binaire, celui des ordis) pour une simple et bonne raison: l’être humain a dix doigts.
    On en aurait eu 6 à chaque main, on utiliserait aujourd’hui un système duodécimal.

    Toutes les structures ont besoin de référentiels et vont les chercher de la manière la plus simple possible.

    Par ailleurs, concernant le « libertarisme paternaliste », je parle pour ma part de « chaperonnisme éclairé et éclairant ». Je l’ai notifié dans un article et il fait référence au fameux « Laissez-faire » d’Ayn Rand (que beaucoup d’économistes d’aujourd’hui apprécient), au « despotisme éclairé » de la période des lumières et à l’idée que l’état est là pour protéger l’être humain des abus de l’être humain.
    Si la lecture de cet article vous intéresse: lemonde.fr/idees/chronique/2011/02/15/c-est-un-peu-moins-tot-pour-le-dire_1479640_3232.html

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