Indépendance : la leçon québécoise

Auteur de "Droit à l'indépendance" (éditions XYZ), Frédéric Bérard revient sur l'arrêt de la Cour suprême canadienne en 1998. À méditer par Madrid.

Par Frédéric Bérard*

Parade dans le Vieux-Montréal lors de la fête nationale québécoise en 2005. 
Parade dans le Vieux-Montréal lors de la fête nationale québécoise en 2005.  © Pierre Roussel/NEWSCOM/SIPA

Temps de lecture : 3 min


En août 1998, la Cour suprême du Canada rendait l'une des décisions les plus névralgiques de son existence, soit le Renvoi sur la sécession du Québec. De manière atypique, un tribunal de droit interne allait ainsi statuer sur les paramètres et paradigmes afférents au droit à la sécession d'une de ses composantes propres.

La newsletter international

Tous les mardis à 11h

Recevez le meilleur de l’actualité internationale.

Votre adresse email n'est pas valide

Veuillez renseigner votre adresse email

Merci !
Votre inscription a bien été prise en compte avec l'adresse email :

Pour découvrir toutes nos autres newsletters, rendez-vous ici : MonCompte

En vous inscrivant, vous acceptez les conditions générales d’utilisations et notre politique de confidentialité.

L'exercice, dès le départ, s'annonce complexe : le gouvernement indépendantiste du Parti québécois refuse de participer aux auditions dudit renvoi, prétextant la partialité assumée de l'ultime tribunal. On va jusqu'à arguer, en reprenant la boutade de l'ex-Premier ministre Duplessis, que « la Cour suprême, c'est comme la tour de Pise, ça penche toujours du même bord ! ».

Qu'importe la campagne de boycott alors intentée, la décision de la Cour témoignera, au contraire, d'une sensibilité marquée pour de potentielles aspirations québécoises. Avec hardiesse, elle statue que l'expression claire d'une majorité de Québécois en faveur de la sécession obligera le gouvernement fédéral et les autres provinces à négocier celle-ci. Impossible, ainsi, d'invoquer le droit et/ou la force afin de contrer la démarche entreprise.

Par conséquent, et bien que parfaitement honni par nombre d'indépendantistes, le plus haut tribunal canadien évite ironiquement à ceux-ci un potentiel cul-de-sac à la sauce catalane. En refusant, notamment, que la règle de droit puisse avoir, en matière de sécession, préséance sur le principe démocratique.

La démocratie ? Oui, mais dans le respect de la règle de droit. Le droit ? Oui, mais si celui-ci tient compte de la volonté populaire

Comme il l'explique : « Un système politique doit aussi avoir une légitimité, ce qui exige, dans notre culture politique, une interaction de la primauté du droit et du principe démocratique. Le système doit pouvoir refléter les aspirations de la population […] l'assentiment des gouvernés est une valeur fondamentale dans notre conception d'une société libre et démocratique. »

Est-ce à dire que la démocratie fait foi de tout ? Que le Québec pourrait faire sécession sans se soucier du cadre constitutionnel canadien ? Au contraire. Le droit et la démocratie étant deux principes en symbiose, l'un ne pourra avoir prédominance sur l'autre. La démocratie ? Oui, mais dans le respect de la règle de droit. Le droit ? Oui, mais si celui-ci tient compte de la volonté populaire. Sain équilibre.

Cette approche se veut aux antipodes de celle adoptée par la Constitution espagnole et défendue, aujourd'hui, par Madrid. Intransigeantes, celles-ci ne laissent aucune parcelle d'espoir aux velléités indépendantistes : le territoire espagnol est indivisible. Fin de la discussion. En d'autres termes, l'ensemble du comportement actuel de Madrid (arrestation des leaders catalans, saisie des bulletins référendaires, répression des manifestations, etc.) est, malheureusement, juridiquement valide.

Les aspirations indépendantistes catalanes, au demeurant légitimes, se voient ainsi réprimées au nom d'une rhétorique aussi simpliste qu'intraitable : le droit espagnol, tranchant et froid, fait ici figure de seule finalité. RIP l'expression de la volonté démocratique. RIP l'assentiment populaire. RIP la paix et la cohésion sociale. RIP la symbiose souhaitée entre démocratie et État de droit.

Précisément les écueils dénoncés par la Cour suprême canadienne. À juste titre, d'ailleurs.

Docteur en droit, politologue, auteur de "Droit à l'indépendance" (XYZ, 2015). F_Berard@twitter.com

Ce service est réservé aux abonnés. S’identifier
Vous ne pouvez plus réagir aux articles suite à la soumission de contributions ne répondant pas à la charte de modération du Point.

0 / 2000

Voir les conditions d'utilisation

Commentaires (27)

  • ydau

    Ainsi le Quebec a laissé s'installer beaucoup d'anglophones, ce qui affaiblit la démographie des francophones, donc les chances d'une majorité "démocratique" en faveur de l'indépendance. L'inverse en Catalogne, où le gvt indépendantiste (et bien moins libéral qu'au canada) décourage l'installation de gens parlant castillan... Ils ont appris du précédant canadien !

  • raphia

    Voilà un texte difficile à lire. C'est quoi ce charabia ?

  • Abrraccourcix

    Il faut l'ajustement des deux, pour chaque partie. Que diraient les français, si une région prétendait à l'indépendance, si Anne Hidalgo décidait Paris, Ville libre ?
    Il n'y a pas de raison historique à l'indépendance de la Catalogne. Elle a toujours fait partie de l'Espagne, et toutes les régions d'Espagne disposent d'une dose d'autonomie.
    C'est une affaire espagnole, sous la responsabilité de l'ensemble de cette nation.